Italie. Il faut mettre fin aux expulsions forcées et fournir une solution de relogement convenable aux familles roms à Rome

Déclaration publique

Index AI : EUR 30/004/2011

ÉFAI

17 mars 2011

Un an après le lancement du document de synthèse intitulé The wrong answer – Italy’s Nomad Plan violates the housing rights of Roma in Rome (index AI : EUR 30/001/2010), Amnesty International appelle une nouvelle fois les autorités italiennes à mettre fin aux expulsions forcées, à revoir en profondeur le « Plan Nomades » afin de le rendre conforme au droit international et aux normes internationales, et à fournir des solutions de relogement convenables après avoir consulté en bonne et due forme les populations concernées.

L’organisation demeure extrêmement préoccupée par le fait que les autorités italiennes ne garantissent pas les droits à un logement convenable et à l’absence de discrimination des populations roms vivant à Rome. Elle exprime à nouveau sa crainte que le « Plan Nomade » n’aggrave encore la pauvreté, la ségrégation et la marginalisation des personnes concernées.

En décembre 2010, le gouvernement national a prolongé d’un an les pouvoirs spéciaux conférés aux préfets pour faire face à ce qu’il appelle l’« urgence nomade » dans cinq régions d’Italie, dont celle de Rome, le Latium. Le « Plan Nomades », conçu par le préfet et le maire de Rome en 2009, continue d’être mis en œuvre. Partant de l’idée préconçue que tous les Roms sont nomades, ce plan vise à évacuer de force certains camps existants, à en améliorer d’autres et à en construire de nouveaux à l’extérieur de Rome, perpétuant ainsi la ségrégation et bafouant les droits de la population rom de la capitale italienne en matière de logement.

Le gouvernement italien est tenu de respecter, de protéger et de concrétiser les droits humains des Roms, y compris leurs droits à un logement et à l’absence de discrimination. Les expulsions forcées sont interdites par le droit international relatif aux droits humains. Les autorités ne doivent procéder à des expulsions qu’en dernier ressort et uniquement après avoir consulté en bonne et due forme les populations concernées et examiné avec elles toutes les autres solutions envisageables. Des garanties juridiques et procédurales telles qu’un préavis suffisant, la possibilité de former des recours en justice et une indemnisation doivent être mises en place avant toute expulsion, et une solution de relogement convenable doit être proposée à toutes les personnes qui ne sont pas en mesure d’en trouver une elles-mêmes. Pour être considéré comme convenable, un logement doit être conforme aux normes internationales. Les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, comme l’Italie, sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et des projets visant à éviter la ségrégation des communautés roms en matière de logement, ainsi que de ne pas placer des Roms dans des camps situés à l’extérieur de zones peuplées qui sont isolés et sans accès aux soins de santé et à d’autres services (recommandation générale n° 27 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale).

La ségrégation de familles roms comprenant des enfants dans des quartiers délabrés et surpeuplés constitue donc une violation du droit international relatif aux droits humains, par lequel l’Italie est liée. Le manque de sécurité et les conditions de vie déplorables dans les camps de fortune ne peuvent être résolus par les expulsions forcées, qui laisseront les populations concernées dans des conditions de vie et de logement encore plus mauvaises.

Lorsqu’Amnesty International a lancé son rapport et sa campagne pour arrêter le « Plan Nomade » en mars 2010, les autorités romaines venaient de commencer à le mettre en œuvre en fermant le camp de roms de Casilino 900, l’un des plus grands d’Europe. Bien qu’elles aient ensuite suspendu l’évacuation du camp de Tor dei Cenci, qui reste prévue dans un avenir prochain, elles ont procédé en décembre 2010 à la fermeture de celui de La Martora. Les personnes expulsées et placées « temporairement » dans cinq camps existants isolés du reste de la ville et filmés en permanence par des caméras de surveillance attendent toujours les solutions de relogement convenables qu’on leur a promises. En raison des nouvelles arrivées, ces camps sont devenus surpeuplés et les conditions de vie s’y sont encore dégradées. Lors d’une interview diffusée le 8 février 2011 dans la principale émission de la télévision nationale, le maire de Rome a déclaré publiquement que la municipalité ne proposait pas de meilleures solutions – notamment l’accès au logement social – « parce qu’[elle] risquer[ait] sinon d’attirer des centaines de milliers de nomades », stigmatisant de cette façon encore plus les Roms et laissant entendre qu’on les prive de certains droits pour dissuader d’autres personnes de venir s’installer à Rome.

D’autres déclarations indiquant que le nombre total de Roms dans la capitale devrait être plafonné à environ 6 000 et que les expulsions et les reconduites à la frontière seraient utilisées comme outil pour atteindre ce nombre sont également préoccupantes. À partir de septembre 2010, les autorités ont entamé une vague d’évacuations forcées de petits campements illicites, appelés « micro-camps ». Ces opérations se poursuivent ; la dernière signalée à Amnesty International date du 15 mars 2011. Selon des ONG locales, dans la plupart des cas, les personnes expulsées ne sont pas prévenues à l’avance et on ne leur propose pas de solution de relogement, malgré les garanties sans équivoque que prévoit en la matière le droit international relatif aux droits humains. Par conséquent, de nombreuses familles se retrouvent piégées dans un cycle d’expulsions forcées, contrainte de passer d’un campement illicite à un autre, de construire des abris avec des matériaux de récupération et de vivre dans des conditions dangereuses et insalubres. Le nombre de Roms vivant dans des micro-camps illicites à Rome se situerait toujours entre 2 000 et 2 500, mais ils seraient maintenant dispersés dans quelque 250 micro-camps, contre environ 80 recensés dans la capitale quand le « Plan Nomades » a été conçu.

Les conditions effroyables et dangereuses dans ces micro-camps de Roms, sans solution à long terme, et leurs potentielles conséquences tragiques sont devenues évidentes le 6 février au soir, quand quatre enfants roms âgés de quatre à 11 ans ont péri dans l’incendie d’une cabane où ils dormaient. Un débat a commencé immédiatement après sur la responsabilité de cette tragédie et les mesures à prendre pour éviter que d’autres scandales de ce type ne se produisent à l’avenir.

Amnesty International rejette l’argument présenté par le maire de Rome à ce moment-là, selon lequel cet événement dramatique n’aurait pas eu lieu si le « Plan Nomades » avait été pleinement mis en œuvre, car la « bureaucratie » avait entravé la construction d’un nouveau camp à proximité. En réalité, le « Plan Nomades » n’a jamais prévu la création d’une quelconque solution de relogement pour les personnes vivant dans les micro-camps. Les enfants morts le 6 février avaient, semble-t-il, été expulsés d’un autre campement illicite environ un an auparavant, sans qu’aucune solution de relogement ne leur soit proposée, et s’étaient donc mis à l’abri dans une cabane aux conditions d’habitation déplorables et dangereuses. Il semble probable que, si le droit de leur famille à un logement convenable avait été respecté à l’époque, la mort de ces quatre enfants aurait pu être évitée. Depuis cette tragédie, les autorités locales reconnaissent au moins qu’il faut trouver des solutions pour les personnes vivant dans les micro-camps, mais les propositions actuellement examinées ne semblent pas inclure de projets pour leur fournir des logements convenables sur le long terme, ni de véritable processus de consultation des populations concernées.

Amnesty International a fait part de ses préoccupations concernant la situation des familles roms dans la capitale italienne à plusieurs occasions, notamment dans une lettre adressée au maire de Rome, datée du 22 septembre 2010, qui est restée sans réponse. Au cours de l’année passée, les autorités locales et nationales sont souvent revenues sur le sujet de l’« urgence nomade » à Rome et dans l’ensemble du pays, en reprenant régulièrement la rhétorique de la « sécurité ». Amnesty International est consternée par le fait que les discussions ne portent pas sur la sécurité des Roms, malgré les évidents problèmes de sécurité liés aux dangereuses conditions de vie des populations concernées. L’organisation estime que la véritable situation critique se trouve dans les expulsions forcées systématiques, qui ne font qu’aggraver la pauvreté des familles roms, perturber la scolarisation des enfants et anéantir toute chance d’intégration et d’insertion sociale. Elle considère que le « Plan Nomades » en lui-même est discriminatoire et va à l’encontre du droit international.

Le gouvernement italien et les autorités romaines doivent immédiatement cesser de procéder à des expulsions forcées et modifier le « Plan Nomades » de toute urgence pour le rendre conforme au droit international. Des solutions de relogement convenables doivent être fournies après une consultation en bonne et due forme des communautés roms, afin que les personnes concernées puissent vivre dans de vrais logements où elles ne seront pas privées de leurs droits humains. Toutes les personnes expulsées de force doivent avoir la possibilité de former des recours en justice.

Publications d’Amnesty International :

Italy : The wrong answer : Italy’s ’Nomad Plan’ violates the housing rights of Roma in Rome, EUR 30/001/2010, 11 mars 2010, http://www.amnesty.org/en/library/asset/EUR30/001/2010/en/eadb2d84-ade5-467d-9da5-3cb5b2065ffe/eur300012010en.pdf (en anglais)
Ce travail s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International Exigeons la dignité et de sa campagne européenne de lutte contre la discrimination.

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