Italie. La Cour d’appel confirme les condamnations dans l’affaire de l’enlèvement d’Abu Omar

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : EUR 30/010/2010

17 décembre 2010

La confirmation par la Cour d’appel de Milan des condamnations prononcées en 2009 contre des agents américains et italiens pour leur participation à l’enlèvement d’Usama Mostafa Hassan Nasr (plus connu sous le nom d’Abu Omar) marque une nouvelle étape dans la lutte contre l’impunité s’agissant du programme de « restitutions » (transferts secrets) en Europe. Cependant, le gouvernement italien ayant invoqué le « secret d’État », les affaires impliquant cinq hauts responsables italiens des services de renseignements ont été classées sans suite en appel.

Abu Omar, ressortissant égyptien qui résidait en Italie, a été enlevé dans une rue de Milan en février 2003 avant d’être transféré illégalement par l’Agence centrale du renseignement (CIA) vers l’Égypte, où il a été détenu au secret et aurait été torturé.

Le 15 décembre 2010, la Cour d’appel a confirmé les condamnations prononcées contre 25 personnes, dont 22 agents de la CIA, un responsable militaire américain et deux agents italiens des services de renseignement.

Les 22 agents de la CIA et le militaire américain ont vu leur peine pour enlèvement augmenter respectivement de cinq à sept ans et de huit à neuf ans. Les deux agents italiens accusés de complicité dans la commission d’une infraction pénale ont vu leur peine réduite de trois ans à deux ans et huit mois d’emprisonnement.

Les poursuites engagées contre cinq hauts responsables des services de renseignements de l’armée italienne, appelé alors le Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare (SISMI), dont son ancien responsable Nicolò Pollari et son adjoint Marco Mancini, ont été abandonnées en appel, le gouvernement ayant invoqué la notion de « secret d’État » pour justifier le fait que les éléments clés incriminant ces hommes ne pouvaient être divulgués. En outre, les charges retenues contre trois citoyens américains ont été abandonnées au nom de l’immunité diplomatique. L’appel de ce jugement fera l’objet d’une procédure distincte.

La reconnaissance par la Cour d’appel du fait qu’Abu Omar a été victime d’une grave injustice aux mains d’agents des services de renseignements américains et italiens fait avancer d’un pas vers l’établissement des responsabilités en Europe pour les atteintes aux droits humains commises dans le cadre des programmes de « restitutions » et de détentions secrètes de la CIA. La justice italienne a reconnu que l’enchaînement des événements ayant donné lieu à des faits aussi graves ne pouvait rester sans réponse.

Cependant, le gouvernement italien et ses représentants ne doivent pas invoquer le « secret d’État » pour couvrir des violations des droits humains. Le gouvernement italien doit mettre pleinement en œuvre, de manière équitable, l’obligation de rendre des comptes, au risque d’embarrasser certains de ses hauts responsables ou de les exposer à des poursuites pénales.

Les 23 ressortissants américains reconnus coupables ont été jugés in absentia, le gouvernement italien n’ayant jamais demandé officiellement leur extradition. La législation italienne autorise les procès par contumace mais le droit international requiert que l’accusé soit présent lors de la lecture de l’acte d’accusation, de la défense, de l’examen des éléments de preuve et de la comparution des témoins. S’ils sont finalement arrêtés, ils auront le droit d’être à nouveau jugés devant un autre tribunal, et d’être présumés innocents à l’ouverture de ce nouveau procès.

En novembre 2009, un tribunal de Milan a reconnu coupable 23 ressortissants américains et deux agents italiens. Il s’agissait des premières et des seules condamnations à ce jour en lien avec des atteintes aux droits humains commises dans le cadre des programmes de « restitution » et de détentions secrètes de la CIA. La Cour constitutionnelle italienne avait conclu en mars 2009 qu’une grande partie des éléments incriminant certains accusés, en particulier de hauts responsables des services italiens de renseignement militaire, tombaient sous le coup du « secret d’État » et n’étaient pas recevables durant un procès, ce qui a eu pour effet l’abandon des poursuites engagées à leur encontre.

Le parquet a interjeté appel du jugement en mars 2010, contestant l’interprétation et l’application de la prérogative des « secrets d’État » par le tribunal de première instance, ainsi que la portée de l’immunité diplomatique. La procédure d’appel a été engagée en octobre 2010 et le jugement a été rendu le 15 décembre 2010.

La Cour d’appel a également décidé le versement d’un million d’euro à Abu Omar et de 500 000 euro à sa femme à titre d’indemnisation.
Les deux parties ont le droit d’interjeter appel auprès de la Cour suprême italienne.

Publications d’Amnesty International :

Un rapport : Un secret de Polichinelle : des éléments de plus en plus nombreux attestent la complicité de l’Europe dans les « restitutions » et détentions secrètes ,15 novembre 2010 (EUR 01/023/2010).

Une déclaration publique : Italie. Abou Omar : les autorités italiennes doivent coopérer pleinement avec toutes les enquêtes , 16 novembre 2006 (EUR 30/006/2006).

Une synthèse destinée aux médias : Italy : The Abu Omar case ,
4 novembre 2009 (EUR30/012/2009).

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