COMMUNIQUÉ DE PRESSE
ÉFAI
mardi 21 juillet 2009
Anthony Nelson
Le 7 janvier 2009, des policiers ont abattu Anthony Nelson, vingt-deux ans, et grièvement blessé Ricardo Suckoo, vingt-trois ans. Les coups de feu ont été tirés sur un chantier de construction à Central Village, dans la paroisse de Sainte-Catherine, où travaillaient ces deux hommes. Ricardo Suckoo a raconté à Amnesty International ce qui s’est passé.
« Il était à peu près 11 h 30. Nous étions assis dans un coin du chantier, en train de déjeuner, lorsque trois policiers sont arrivés derrière nous. Ils nous ont demandé ce que nous faisions là. Nous avons répondu que nous travaillions sur le chantier. Après cet échange, ils se sont mis à nous tirer dessus. Anthony a été tué sur le champ. J’ai été atteint par plusieurs balles : aux mains, à la bouche, à l’épaule. J’ai fait semblant d’être mort mais un des policiers m’a donné un coup de pied et s’est rendu compte que j’étais encore vivant. J’ai entendu l’un d’eux dire "Il faut qu’on arrête parce que le charpentier regarde." Si le charpentier n’avait pas été sur le toit et n’avait pas assisté à la scène, je pense qu’ils m’auraient de nouveau tiré dessus.
« Les policiers nous ont embarqués, le corps d’Anthony et moi, à bord d’une fourgonnette et ont conduit en direction de l’hôpital. Un de mes collègues a essayé de monter dans le véhicule avec nous mais ils l’ont flanqué dehors. Il a alors suivi la fourgonnette de la police à bord de sa jeep. Le policier qui était au volant conduisait très lentement ; ils voulaient probablement s’assurer que je mourrais avant d’arriver à l’hôpital. Là encore, je pense qu’ils auraient pu me tirer dessus si la jeep ne nous avait pas suivis. »
D’après le rapport de police, « une équipe de policiers effectuait une opération spéciale dans le secteur de Central Village lorsqu’ils ont vu trois hommes se comporter de manière suspecte. Lorsqu’ils ont été abordés, ces hommes ont ouvert le feu sur les forces de l’ordre, qui ont opéré un repli et ont répliqué. Deux hommes ont été blessés et le troisième s’est échappé. Un pistolet a été confisqué à ces personnes. »
Ricardo Suckoo a été hospitalisé pendant deux semaines à la suite de cet épisode. Quand il a pu quitter l’hôpital, il a été transféré au poste de police de Bridgeport. Il est resté en garde à vue pendant une semaine, durant laquelle sa famille a dû lui prodiguer des soins car il n’était pas totalement remis de ses blessures. Il a été accusé d’avoir intentionnellement tiré des coups de feu, puis a été libéré sous caution. À l’heure où nous rédigeons le présent document, ses blessures continuent à nécessiter des soins médicaux, dont des séances de physiothérapie, même si leur coût est parfois prohibitif.
Les enquêtes ouvertes sur la mort d’Anthony Nelson par le Bureau des enquêtes spéciales et l’Autorité chargée de traiter les plaintes du public contre la police ne sont pas terminées. À l’heure actuelle, plus de six mois après les faits, les rapports médicolégaux sont toujours en instance. Ricardo Suckoo ne sait pas pourquoi la police a ouvert le feu. La mère d’Anthony Nelson a dit à Amnesty International : « Je sais que mon fils est innocent, alors j’espère que justice sera faite. »
Randall Richards
Randall Richards, dix-huit ans, a été abattu par des policiers à son domicile de Kelliman Terrace, sur Waltham Park Road, à Kingston, le 24 juin 2008. Ses parents ont été témoins des faits.
Sa mère a expliqué à Amnesty International que plusieurs policiers ont frappé à leur porte vers 4 h 30 du matin. Elle leur a ouvert et ils ont commencé à fouiller la maison. Les policiers sont entrés dans une chambre où deux amis de Randall Richards passaient la nuit. Elle a entendu les deux hommes pleurer, puis des coups de feu.
Les policiers sont sortis de la chambre, portant les corps des deux hommes, qu’ils ont chargés dans une fourgonnette garée devant la maison. Randall Richards se trouvait sur la véranda. Les policiers sont revenus à l’intérieur et l’ont aperçu en train de pleurer. Sa mère l’a vu debout devant les policiers avec les mains en l’air. Elle l’a entendu lui crier « Maman, maman ! » et un des policiers a répliqué : « La ferme, mauviette ! ». Elle a déclaré qu’un autre policier a alors tiré sur son fils et que celui-ci est tombé à terre. Les policiers ont emporté son corps dans la fourgonnette et se sont éloignés à bord de celle-ci. Selon le rapport médicolégal, Randall Richards a succombé à de multiples blessures par balles.
D’après des informations relayées par la presse, les policiers effectuaient une opération visant à appréhender un homme recherché pour meurtre.
Une enquête sur la mort de Randall Richards a été ouverte par le Bureau des enquêtes spéciales. À l’heure où nous rédigeons ce document, plus d’un an après sa mort, les policiers n’ont toujours pas fait de déposition et les rapports médicolégaux ne sont pas terminés.
La population de la paroisse de Sainte-Catherine
Les 7 et 8 décembre 2008, la télévision jamaïcaine a diffusé des séquences vidéo montrant des résidents de Gravel Heights et de Tredegar Park, à Sainte-Catherine, fuir leur domicile et remplir de meubles et d’autres effets personnels des véhicules en marche. Des membres d’un gang armé avaient lancé un ultimatum à près de 200 résidents. D’après les médias, il avait été ordonné à ces personnes de quitter leur domicile sans quoi elles seraient tuées. Des séquences vidéo ont montré des policiers regardant les résidents fuir sans pour autant essayer d’intervenir. La raison derrière l’ultimatum n’est pas claire. Quelques observateurs locaux ont affirmé que les menaces étaient en rapport avec une lutte de pouvoir entre deux gangs rivaux au sujet du contrôle politique de ces zones. Selon d’autres sources, ces ultimatums étaient liés à des tentatives d’extorsion.
Les autorités ont laissé s’écouler un certain temps avant de prendre des mesures visant à permettre à certains résidents de rentrer chez eux. Lorsque des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Gravel Heights et à Tredegar Park à la fin février 2009, des militaires surveillaient le secteur et certaines des maisons étaient occupées par leurs habitants. De nombreuses personnes sont rentrées après le déploiement de troupes début janvier, mais d’autres se sont abstenues car elles craignaient les représailles. « Les maisons de ceux qui n’ont pas voulu partir ont été brulées. Au moins 18 maisons ont été incendiées », a expliqué un résident à Amnesty International. À la mi-mars, la plupart des autres résidents étaient rentrés chez eux. Nombreux sont ceux qui ont retrouvé leur maison vandalisée.
Le rapport intitulé Public security reforms and human rights in Jamaica sera disponible à compter du mardi 21 juillet à 00 h 01 TU, à l’adresse suivante : http://www.amnesty.org/en/library/info/AMR38/001/2009/en