JAMAÏQUE : Protection du droit de défendre les droits humains

Index AI : AMR 38/019/2004

Vendredi 26 novembre 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le gouvernement de la Jamaïque doit renouveler publiquement son engagement à
protéger et promouvoir l’action légitime des défenseurs des droits humains
en Jamaïque, a déclaré Amnesty International ce vendredi 26 novembre 2004,
après l’appel lancé par un membre de la Police Federation (Fédération de la
police jamaïcaine) pour que soient inculpées de sédition les organisations
nationales et internationales de défense des droits humains et alors que des
menaces ont été proférées récemment à l’encontre de défenseurs des droits
humains.

Dans une lettre publiée le 25 novembre 2004 dans le Jamaica Observer, le
sergent David White, chargé des relations publiques au sein de la Fédération
de la police, accuse les groupes nationaux et internationaux de défense des
droits humains d’harceler l’État. Il affirme que [ces groupes] « propagent
des mensonges et calomnient de façon délibérée la police et le gouvernement.
 » Il qualifie leurs activités d’« ingérence illégale », sans préciser
toutefois quelles lois elles auraient violées.

« Ce genre de propos ne constitue pas seulement une attaque inacceptable
envers la liberté d’expression - pierre d’angle de la protection des droits
humains ; il est aussi susceptible d’encourager, voire d’inciter des
personnes à commettre des actes de violence ou d’intimidation envers des
défenseurs des droits humains », a déclaré Amnesty International.

Ces propos s’inscrivent dans un contexte de menaces et d’actes
d’intimidation envers une organisation locale de défense des droits humains,
le Jamaica Forum for Lesbians, All Sexuals and Gays (J-FLAG, Tribune
jamaïcaine pour les lesbiennes, les gays et les personnes de toutes
préférences sexuelles). L’organisation a reçu plusieurs menaces de mort ces
dernières semaines.

Le sergent White affirme également dans sa lettre que « le gouvernement et
la police ne peuvent être tenus pour responsables ... de réactions
culturelles de la population envers les gays. »

« Ces propos sont extrêmement préoccupants du fait qu’ils pourraient être
interprétés comme une approbation d’actes violents ou de menaces envers les
gays, hommes ou femmes, et pourraient exprimer une menace voilée de la
police de ne plus protéger la communauté gay », a déclaré Amnesty
International.

L’organisation demande à la police jamaïcaine de réaffirmer de façon
explicite son engagement à fournir une protection égale à tous les secteurs
de la société, quelle que soit par ailleurs l’appartenance sexuelle ou autre
de ses membres.

« Amnesty International rappelle que les autorités jamaïcaines doivent
veiller à ce que ceux qui défendent les droits humains puissent poursuivre
leur travail légitime sans crainte ; elles doivent réaffirmer publiquement
leur soutien à ce type d’actions en garantissant aux défenseurs des droits
humains la protection nécessaire et en veillant à ce que les auteurs des
menaces aient à rendre compte de leurs actes. »

Complément d’information

Les défenseurs des droits humains sont tous ces hommes et ces femmes qui
agissent de leur propre initiative ou collectivement dans le but de
contribuer à l’élimination effective de toutes les atteintes aux droits
humains et aux libertés fondamentales des peuples et des individus.

Les propos du sergent White ont été publiés après la parution la semaine
dernière d’un rapport de Human Rights Watch sur la Jamaïque, intitulé en
anglais Hated to death : Homophobia, Violence and Jamaica’s HIV/AIDS
epidemic et qui traite de l’homophobie et de la violence en Jamaïque sur
fond d’épidémie de sida.

La Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et
organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les
libertés fondamentales universellement reconnus, plus communément appelée
Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par
l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, établit les
droits des défenseurs des droits humains et définit les libertés et actions
spécifiques essentielles à leur action, notamment le droit de détenir,
rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les
droits humains et toutes les libertés fondamentales, le droit de participer
à des actions pacifiques pour protester contre des violations des droits
humains, le droit de soumettre des critiques et de formuler des plaintes
concernant le non-respect des normes internationales relatives aux droits
humains par les gouvernements ainsi que celui de faire des propositions
touchant à l’amélioration de cet état de fait. La Déclaration demande aux
États de tenir compte de ces droits et de ces libertés et de s’assurer que
les défenseurs des droits humains peuvent mener à bien leur action en toute
liberté, sans ingérence ni crainte de menaces, de représailles ou de
discrimination. Légalement, au titre des traités internationaux relatifs aux
droits humains, il incombe aux États de s’assurer que les défenseurs des
droits humains ne sont pas la cible d’attaques ou d’actes de harcèlement et
de veiller à ce que l’appareil judiciaire ne soit pas utilisé par les
responsables de l’application des lois et autres agents de l’État à des fins
d’intimidation ou pour réduire au silence les défenseurs des droits de
l’homme.

La rapport de Human Rights Watch, publié le 16 novembre 2004, concluait que
la violence et la discrimination généralisée à l’égard des gays et des
personnes infectées par le virus HIV en Jamaïque allaient à l’encontre des
mesures gouvernementales visant à combattre l’épidémie de sida dans le pays.
Le rapport contient les interviews de plus de 75 personnes infectées ou
ayant de grands risques d’être infectées par le virus du sida, notamment un
certain nombre de travailleurs du sexe, d’hommes ayant des relations
sexuelles avec d’autres hommes, de femmes ayant des relations sexuelles avec
d’autres femmes et de personnes ayant été incarcérées dans différentes
cellules de police et prisons dans cinq communes en Jamaïque ; au moins 34
allégations de mauvais traitements et abus perpétrés par des policiers ont
été répertoriés. Le rapport demande au gouvernement jamaïcain et aux pays
donateurs régionaux et internationaux de prendre des mesures radicales,
notamment en engageant des réformes juridiques, en revoyant l’application
des lois et en formant les personnels de police et de santé sur les
questions du sida, de la sexualité et de l’orientation sexuelle.

Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit