Japon, Inquiétude pour 198 migrants en grève de la faim

Amnesty International constate avec inquiétude qu’au Japon, 198 personnes migrantes en situation irrégulière ou demandeuses d’asile ont participé à une grève de la faim au cours des quatre derniers mois pour protester d’une part contre leur détention prolongée et sans durée déterminée, et d’autre part contre les conditions de vie dans les centres pour migrants. Au 25 septembre, 36 d’entre elles poursuivaient leur grève de la faim.

De nombreuses personnes migrantes en situation irrégulière ou demandeuses d’asile sont maintenues en détention dans des centres pour migrants, souvent depuis plus d’un an. Selon les services japonais de l’immigration, à la fin du mois de juin, 1 147 personnes sans papiers se trouvaient en détention et risquaient l’expulsion, et 858 refusaient d’être expulsées. Ces chiffres incluent des personnes dont les demandes d’asile ont été définitivement refusées, ainsi que des personnes qui ont déposé leur demande d’asile après avoir reçu un ordre d’expulsion. Au 8 mai 2019, sur 465 personnes maintenues en détention au centre pour migrants de Tokyo, 179 attendaient encore une réponse à leur demande d’asile.

Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a déjà recommandé au Japon d’examiner toutes les demandes d’asile avec l’attention voulue, d’introduire une durée maximale applicable à la détention des migrants et de privilégier les mesures non privatives de liberté.

Des personnes maintenues en détention dans des centres japonais pour migrants ont spontanément entamé une grève de la faim en mai 2019. La participation a été en constante augmentation et a pris de l’ampleur après la mort d’un Nigérian dans un centre de détention de la préfecture de Nagasaki, le 24 juin. Le 1er octobre, les services de l’immigration ont indiqué que le décès de cet homme était dû à sa grève de la faim.

Tout recours au placement en détention à des fins de contrôle de l’immigration doit être légal, nécessaire et proportionné à l’objectif recherché. Les États devraient prendre en considération chaque situation individuelle lorsqu’ils évaluent la nécessité et la proportionnalité de la détention des personnes migrantes. La Loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié autorise la détention temporaire de personnes étrangères sans papiers uniquement si cette détention prend fin lorsque leur expulsion devient possible et s’il existe des motifs raisonnables de présumer qu’elles ont l’intention de s’enfuir.

Amnesty International estime que la détention de personnes migrantes ne peut être justifiée que lorsqu’une procédure de transfert ou d’expulsion est déjà engagée, suit son cours et a une probabilité raisonnable d’aboutir rapidement. Cette détention n’est justifiable que pendant les quelques heures nécessaires pour exécuter la procédure, c’est-à-dire le transfert physique de la personne hors du pays en autocar, en bateau ou en avion.

Cependant, selon le barreau de Tokyo, les directives relatives à la détention administrative prévoient que toute personne étrangère ayant reçu un ordre d’expulsion sera placée en détention sans évaluation individuelle de la nécessité de la détention. Le barreau de Tokyo souligne également que l’article 52(5) de la loi sur l’immigration autorise le maintien en détention « jusqu’à ce que l’expulsion devienne possible », et par conséquent la détention illimitée de ressortissants étrangers sans papiers ayant reçu un ordre d’expulsion. Dans la pratique, selon le barreau de Tokyo, le Japon peut maintenir en détention pendant plusieurs années des personnes migrantes en situation irrégulière ou demandeuses d’asile dont la date d’expulsion n’a pas encore été fixée.

La détention de personnes étrangères sans papiers ou demandeuses d’asile à d’autres fins ou par d’autres procédures que celles qui sont à la fois prévues par le droit et conformes aux normes internationales en matière de droits humains constitue une détention arbitraire, contraire au droit international et en particulier à l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est contraignant pour le Japon.

En l’espace de quelques jours après la mort du Nigérian, quatre ressortissants iraniens qui avaient également entamé une grève de la faim ont été remis en liberté provisoire pour deux semaines. Le 22 juillet, les services de l’immigration de la région de Tokyo ont de nouveau placé deux d’entre eux en détention, après avoir rejeté leur demande de prolongation de leur liberté provisoire.

Amnesty International s’oppose aux mesures visant à forcer des personnes en détention à mettre un terme à leur grève de la faim, car ces mesures sont contraires à leur droit à la liberté d’expression et pourraient également relever des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui sont contraires au droit international relatif aux droits humains et aux normes internationales en la matière.

Le Japon doit veiller à ce que toute restriction imposée aux libertés des personnes migrantes et demandeuses d’asile soit légale, nécessaire et proportionnée. Les autorités doivent cesser de placer de nouveau en détention des grévistes de la faim après les avoir brièvement remis en liberté, pratique qui risque d’aggraver encore les conséquences psychologiques néfastes pour les personnes ayant été longtemps maintenues en détention.

Complément d’information

Amnesty International a déjà souligné le faible nombre de demandes d’asile approuvées par le Japon, et le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a exprimé son inquiétude après avoir fait le même constat. En mars 2019, les autorités japonaises ont indiqué que sur l’année 2018, 42 demandes d’asile sur 10 493 avaient été acceptées.

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