Les autorités jordaniennes doivent mettre fin à la répression visant les militants favorables aux réformes et leur permettre d’exprimer librement leurs opinions, a déclaré Amnesty International.
Vingt personnes – membres d’organisations favorables aux réformes – ont été arrêtées en Jordanie entre le 15 juillet et le 4 octobre, durant ou après des manifestations pacifiques organisées à travers le pays pour réclamer des réformes juridiques et économiques, de plus grandes libertés politiques et la fin de la corruption.
« Amnesty International invite les autorités jordaniennes à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. », a indiqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« La lettre ouverte adressée cette semaine par le roi Abdallah au nouveau Premier ministre, dans laquelle il souligne la " responsabilité qui incombe au gouvernement de respecter la liberté d’expression… et le droit de manifester pacifiquement ", ne cadre pas avec les mesures punitives actuellement prises contre les manifestants pacifiques. »
L’un des militants, Saoud al Ajarmeh, a comparu le 11 octobre devant la Cour de sûreté de l’État pour des infractions passibles de la détention à perpétuité, semble-t-il dans le but de le sanctionner pour avoir critiqué sans violence le gouvernement.
Saoud al Ajarmeh, du mouvement Tayyar al Orduni 36 (Mouvement Jordanie 36), a été arrêté à Amman en juillet, semble-t-il pour avoir critiqué publiquement le roi et des représentants de l’État lors d’une manifestation contre une nouvelle loi relative aux élections, dont les opposants assurent qu’elle permet de favoriser les candidats fidèles au gouvernement.
Il est inculpé d’avoir « commis des actes portant atteinte au régime politique du royaume » et « incité autrui à commettre des actes illégitimes ».
« Nous sommes extrêmement préoccupés par les informations selon lesquelles Hesham al Sarahin a été frappé lors de son arrestation, le 7 septembre, à Sports City, à Amman, et Saoud al Ajarmeh a été battu à la prison d’Um al Loulou le 10 octobre par des codétenus qui n’étaient pas incarcérés pour des infractions à caractère politique. », a poursuivi Ann Harrison.
« Il incombe aux autorités de veiller à ce que ces hommes soient protégés contre les actes de torture et les mauvais traitements ; c’est pourquoi nous leur demandons d’ouvrir des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies et exhaustives sur ces allégations, et de déférer les responsables présumés de ces agissements à la justice. »
Les 20 hommes concernés comparaissent devant la Cour de sûreté de l’État, tribunal spécial dont la procédure ne respecte pas les normes internationales d’équité, pour leurs activités dans différentes organisations prônant l’adoption de réformes.
Ils sont notamment accusés d’« actes portant atteinte au régime politique du royaume », de participation à des « rassemblements illégaux », d’« insulte au roi », de diffusion d’informations visant à « porter atteinte au sentiment national ou à inciter à la discorde religieuse et raciale » et de « tentative de modifier la Constitution de l’État » – infraction passible de la peine de mort.
Parmi les personnes arrêtées figurent des militants de la capitale Amman, de la ville de Tafila, dans le sud du pays, et de Karak, dans l’ouest. La plupart sont détenues à la prison de Jweideh, tandis que d’autres se trouvent dans les prisons d’al Hashemy, de Balqaa et d’Um al Loulou.
Les avocats des hommes emprisonnés se sont plaints de ne pas avoir pleinement accès à leur dossier, certains ajoutant qu’ils ne bénéficiaient pas de suffisamment de temps pour s’entretenir avec leurs clients.
Complément d’information
Depuis que la Jordanie est le théâtre de manifestations appelant à la réforme, depuis janvier 2011, le roi a promis de mettre en œuvre le changement politique, économique et social, laissant à penser qu’il y aurait un transfert de pouvoir de la monarchie vers le Parlement, et que les futurs gouvernements seraient démocratiquement élus et fondés sur des partis politiques représentatifs.
Le roi a nommé successivement quatre Premiers ministres depuis février 2012, les chargeant d’accélérer les réformes. Cependant, face à l’absence de véritable changement, les manifestations se poursuivent.
Ces dernières arrestations s’inscrivent dans le cadre d’une pratique bien établie par laquelle les autorités répriment la critique légitime des militants pro-réformes en les inculpant, aux termes de la législation jordanienne, d’infractions telles que l’« insulte au roi ». Ces infractions servent à ériger en infraction toute expression pacifique, notamment la dissidence politique.
Au mois de mars, six hommes du Free Tafileh Movement ont été détenus comme prisonniers d’opinion pendant plusieurs semaines, à la suite d’une manifestation organisée par des habitants de Tafila qui s’est terminée dans la violence. Aucun d’entre eux n’avait visiblement participé à ces violences ni même à l’organisation de la manifestation. Ils ont notamment été inculpés d’« insulte au roi ».
Amnesty International a demandé la libération de ces six hommes, prisonniers d’opinion détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression. Ils ont été sanctionnés pour leurs opinions en faveur des réformes et pour leurs activités pacifiques.
Fin mars, des dizaines de manifestants semble-t-il pacifiques, que des gendarmes auraient frappés, notamment à coups de pied, ont été arrêtés à Amman après avoir appelé à renverser le gouvernement.