Jordanie, les autorités ne doivent pas procéder à l’expulsion forcée vers la Syrie de deux réfugiés placés en détention

Les autorités jordaniennes doivent suspendre l’expulsion forcée de deux réfugiés syriens. Les réfugiés expulsés de force vers la Syrie risquent des violations aux droits humains, notamment de persécutions, de torture et d’autres mauvais traitements, de disparitions forcées et d’arrestations arbitraires.

En avril, les autorités jordaniennes ont arrêté Atiya Mohammad Abu Salem, 24 ans, et Wael al Ashi, 31 ans, des réfugiés syriens, lors d’une vaste opération de répression des manifestations de soutien à Gaza. Le ministère de l’Intérieur a ensuite pris des arrêtés d’expulsion à leur encontre. Ces hommes n’ont pas été déférés à un organe judiciaire et n’ont été inculpés d’aucune infraction. Dès leur arrestation, ils ont été victimes d’une série de violations, notamment le fait de ne pas avoir été informés du motif de leur arrestation ou de l’arrêté d’expulsion, de ne pas avoir eu la possibilité de contester leur arrestation et d’avoir été interrogés sans qu’un avocat ne soit présent. Un recours contre l’arrêté d’expulsion est toujours en cours devant le tribunal administratif.

« Il est déplorable que les autorités jordaniennes envisagent de renvoyer ces deux hommes vers un pays où leur vie est en danger. Les autorités jordaniennes savent bien qu’aucune région de la Syrie n’est sûre et que les personnes qui sont forcées d’y retourner courent un risque réel de subir des violations des droits humains, notamment des actes de torture ou des persécutions en raison de leurs opinions politiques supposées. Au lieu de protéger ces jeunes hommes, les autorités jordaniennes font preuve d’une indifférence totale pour leur sécurité », a déclaré Aya Majzoub, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

Toute personne risquant d’être expulsée doit être autorisée à consulter un avocat, à s’adresser à l’agence des Nations unies pour les réfugiés, et à contester son expulsion

« Les autorités jordaniennes doivent expliquer les fondements juridiques de la détention d’Atiya Mohammad Abu Salem et de Wael Al Ashi, ou les libérer immédiatement. Elles doivent en tout cas annuler l’arrêté d’expulsion dont ils font l’objet, sous peine de bafouer clairement les obligations qui leur incombent en vertu du droit international. »

Le principe de « non-refoulement » est une règle coutumière contraignante du droit international qui interdit aux États de renvoyer des personnes vers un lieu où elles risquent d’être persécutées ou de subir d’autres violations graves des droits humains. Toute personne risquant d’être expulsée doit être autorisée à consulter un avocat, à s’adresser à l’agence des Nations unies pour les réfugiés, et à contester son expulsion devant un tribunal dans le cadre d’une procédure équitable et transparente.

Wael al Ashi a demandé l’asile et réside en Jordanie depuis 13 ans. Atiya Mohammad Abu Salem est également demandeur d’asile. Sa famille a fui en Jordanie en 2013, après l’homicide de son père, qui aurait été commis par les forces gouvernementales syriennes.

Le 3 avril 2024, les forces jordaniennes ont effectué une descente dans l’appartement de Wael al Ashi, à la recherche de ses colocataires, qui avaient participé à une manifestation en faveur de Gaza. Il a été arrêté en même temps que ses amis, bien qu’il n’ait pas pris part aux manifestations. Il se trouve toujours à la prison de Marka, à Amman, la capitale.

Le 9 avril 2024, les forces jordaniennes de sécurité ont arrêté Atiya Mohammad Abu Salem alors qu’il était en chemin pour aller filmer des manifestations pro-Gaza à Amman. Son avocat a déclaré à Amnesty International qu’il y a quelques jours, les autorités avaient transféré Atiya Mohammad Abu Salem de la prison de Marka à la Direction centrale de la police d’Amman, en prévision de son expulsion. Le 14 mai, il a entamé une grève de la faim illimitée pour protester contre l’arrêté d’expulsion.

Le 22 avril, un tribunal administratif d’Amman a rejeté une demande urgente visant à faire suspendre leur expulsion. Ce tribunal examine par ailleurs un recours contre les arrêtés d’expulsion, déposé par une organisation d’aide juridique au nom des deux hommes.

Les autorités syriennes s’en prennent aux personnes retournées en Syrie après avoir fui. Les personnes visées sont ensuite soumises à des actes de torture, des détentions arbitraires et à des disparitions forcées

Le 2 mai, Amnesty International a écrit au ministère jordanien de l’Intérieur afin de lui demander en urgence des précisions sur les fondements juridiques de l’arrestation et de l’expulsion des deux hommes, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication du présent communiqué.

Amnesty International a relevé une pratique inquiétante selon laquelle les autorités syriennes s’en prennent aux personnes retournées en Syrie après avoir fui. Les personnes visées sont ensuite soumises à des actes de torture, des détentions arbitraires et à des disparitions forcées. Amnesty International s’oppose aux retours en Syrie dans toutes les circonstances, sauf lorsqu’ils sont volontaires et fondés sur un consentement libre et éclairé.

Complément d’information

Depuis le 7 octobre 2023, les autorités jordaniennes ont arrêté au moins 1 500 personnes, dont environ 500 sont maintenues en détention depuis le mois de mars, après d’immenses manifestations devant l’ambassade d’Israël à Amman.

En Jordanie, les expulsions relèvent de l’autorité du ministère de l’Intérieur et sont mises en œuvre par un service placé sous la responsabilité du gouverneur. Les articles 32 et 37 de la Loi n° 24 de 1973 relative à la résidence et aux affaires des étrangers habilitent le gouverneur ou le ministre de l’Intérieur à expulser des étrangers du fait de leur « présence illégale ». L’article 19 de cette même loi permet au ministre d’annuler sans aucune justification le permis de séjour d’un étranger.

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