Jordanie : Peines légères pour des auteurs de crimes « d’honneur » un pas en arrière pour la protection des femmes en Jordanie

Amnesty International a écrit aux autorités jordaniennes pour leur faire part de ses préoccupations concernant les condamnations, de toute évidence excessivement légères, prononcées en mars contre deux hommes reconnus coupables du meurtre de proches parentes. Jugés dans deux affaires distinctes, ces hommes se sont vu infliger des peines respectives de six et trois mois d’emprisonnement après que le tribunal pénal eut considéré qu’ils avaient tué les victimes dans un « accès de rage », au nom de l’honneur de la famille. Se fondant sur l’article 98 du Code pénal, le tribunal a dans les deux cas requalifié le crime en un délit passible d’une peine beaucoup plus légère que les quinze ans d’emprisonnement prévus en cas de meurtre.

L’article 98 du Code pénal prévoit que l’auteur d’un crime commis dans « un accès de rage suscité par un acte illégal ou dangereux imputable à la victime" se voit infliger une peine réduite. Invoqué de manière discriminatoire dans les affaires de violence contre les femmes, cet article légitime en grande partie de nombreux meurtres de femmes perpétrés par des hommes. Il bafoue l’un des principes fondamentaux du droit international relatif aux droits humains, celui de l’égalité des personnes devant la loi et de la liberté de vivre sans être soumis à la discrimination en raison de son sexe. Amnesty International est opposée à l’application de cette disposition de la législation jordanienne et demande aux autorités de ce pays de la modifier.

Dans l’une de ces affaires, selon les documents émanant du tribunal, un homme désigné par les lettres « S. A. » a étranglé son épouse, âgée de vingt-sept ans, après avoir découvert qu’elle avait passé un moment seule dans leur maison en compagnie d’un tiers avec lequel elle aurait précédemment commis un adultère. Dans l’autre affaire, un homme,« B. A.", a abattu sa sœur, une femme mariée de vingt-neuf ans, parce qu’elle avait eu selon lui un « comportement immoral » : elle serait notamment sortie de chez elle sans le consentement de son mari et aurait parlé au téléphone avec d’autres hommes. Ces deux femmes figurent parmi les 17 victimes de crimes « d’honneur » officiellement recensées en Jordanie en 2007.

Devant la légèreté manifeste des peines prononcées, Amnesty International a demandé au ministère de la Justice si le ministère public comptait faire appel de la décision du tribunal pénal dans ces deux affaires. Selon les informations en possession de l’organisation, le procureur général dispose de trente jours pour se pourvoir en cassation

Complément d’information

Les autorités jordaniennes ont pris ces dernières années plusieurs mesures destinées à protéger les femmes contre la violence. Un service de protection de la famille a notamment été mis en place au sein de la Direction de la sécurité publique (police) afin que les cas signalés de violences contre les femmes fassent l’objet d’investigations plus approfondies ; les autorités ont par ailleurs ouvert un centre d’accueil pour les femmes victimes de violence domestique, le Dar al-Wifaq. Dans une vidéo rendue publique sur Internet la semaine dernière, la reine Rania a déclaré "qu’il n’y pas d’honneur » dans les crimes « d’honneur », qu’elle a qualifié d’actes « horribles » et « inexcusables ».

Les crimes « d’honneur » se produisent cependant toujours. Lorsqu’ils donnent lieu à des poursuites, ils se soldent parfois, comme le montrent les deux affaires récentes, par des condamnations excessivement légères prononcées en vertu de l’article 98 du Code pénal.

Le Parlement a adopté en janvier 2008 la Loi relative à la protection contre la violence familiale. Le texte rend plus aisé le signalement de violences domestiques et prévoit que les victimes doivent être indemnisées, mais n’érige pas de tels actes en infraction pénale spécifique, malgré la recommandation en ce sens émise l’an dernier par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. La nouvelle loi met l’accent sur la réconciliation et sur d’autres formes de réparation pour les victimes, mais ne contient pas de dispositions suffisantes concernant les poursuites pénales contres les auteurs présumés

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