Journée internationale des disparus : Où est Zeenat Shahzadi ?

Alors que le monde entier célèbre la Journée internationale des victimes de disparition forcée, les autorités pakistanaises doivent mener dans les plus brefs délais une enquête approfondie et efficace sur l’enlèvement et la disparition forcée présumée de Zeenat Shahzadi, a déclaré Amnesty International mardi 30 août 2016.

Il y a un peu plus d’un an, le 19 août 2015, Zeenat Shahzadi, journaliste de 24 ans, se rendait à son travail à Lahore dans un rickshaw motorisé quand elle a été enlevée par des hommes armés. On est sans nouvelles d’elle depuis lors. La Commission des droits humains du Pakistan (HRCP) pense que les forces de sécurité l’ont soumise à une disparition forcée.

« Zeenat Shahzadi est la première femme journaliste soupçonnée d’avoir fait l’objet d’une disparition forcée au Pakistan. Son cas illustre bien l’utilisation de plus en plus large de cette pratique cruelle, qui concerne des centaines, voire des milliers de personnes dont on ignore toujours le sort », a déclaré Champa Patel, directrice du programme Asie du Sud d’Amnesty International.

La disparition de Zeenat Shahzadi est survenue alors qu’elle s’apprêtait à révéler des éléments de preuve sur la disparition d’un ressortissant indien, Hamid Ansari, à propos de laquelle elle enquêtait et écrivait des articles.

Depuis une dizaine d’années, les organisations de défense des droits humains s’inquiètent de la multiplication des disparitions forcées au Pakistan, dans un climat d’impunité.

Selon la Commission d’enquête sur les disparitions forcées créée par le gouvernement pakistanais – qui enquête notamment sur le cas de Zeenat Shahzadi – 1 417 cas sur plus de 3 000 restent irrésolus.

«  Au Pakistan, la liberté d’expression et la sécurité physique des journalistes sont sérieusement menacées, à la fois par des groupes armés et par les forces de sécurité. Le gouvernement a le devoir de protéger les journalistes qui font leur travail et de demander des comptes à ceux qui violent leurs droits », a déclaré Champa Patel.

La dernière réunion de la Commission d’enquête pakistanaise sur les disparitions forcées au cours de laquelle le cas de Zeenat Shahzadi a été évoqué remonte au début du mois d’août 2016. Selon des avocats qui connaissent bien le dossier, aucune avancée n’a été constatée à ce jour. L’Équipe d’enquête conjointe – composée de civils et de militaires – a été chargée de remettre un nouveau rapport. Pour l’instant, elle n’a identifié aucun suspect.

La disparition de Zeenat Shahzadi a eu de lourdes conséquences pour sa famille. En mars 2016, son frère Saddam, adolescent, s’est suicidé. Selon leur mère, Kaneez Bibi, le jeune garçon n’a pas supporté la perte de sa sœur.

La famille a appelé le Premier ministre pakistanais, le chef des armées et le ministre de l’Intérieur à faire en sorte que Zeenat soit retrouvée vivante. Elle n’a reçu aucune réponse. La Commission des droits humains du Pakistan a aussi appelé le gouvernement à enquêter sur son cas.

« Le Pakistan doit signer et ratifier sans réserves la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. S’il veut être considéré comme une nation moderne et respectueuse des droits, il doit rompre avec son passé peu glorieux marqué par de nombreuses disparitions forcées, et s’efforcer en toute priorité de retrouver les milliers de personnes dont on reste sans nouvelles », a déclaré Champa Patel.

Complément d’information

Qui est Zeenat Shahzadi ?

Zeenat Shahzadi a été enlevée alors qu’elle enquêtait sur une autre disparition. En sa qualité de journaliste pour le Daily Nai Khabar et Metro News à Lahore, elle s’était intéressée au cas d’Hamid Ansari, un ressortissant indien dont on était sans nouvelles depuis 2012.

Hamid Ansari a depuis été retrouvé. Il se trouve actuellement dans une prison de Peshawar, où il purge une peine de trois ans d’emprisonnement pour « espionnage » et entrée illégale dans le pays.

Zeenat Shahzadi devait témoigner devant la Commission d’enquête sur les disparitions forcées le 24 août 2015 afin de lui révéler des éléments de preuve dans le dossier d’Hamid Ansari. Elle a été vue pour la dernière fois neuf jours avant cette date.

Selon le conducteur du rickshaw qui conduisait Zeenat Shahzadi à son travail à Lahore, leur trajet a été interrompu par deux voitures qui ont fait une embardée pour leur barrer la route. Des hommes armés, habillés en civil, en sont alors sortis et ont emmené la journaliste de force.

La famille de Zeenat Shahzadi a déclaré à la Commission des droits humains du Pakistan que, quelques jours avant sa disparition, la jeune femme avait été détenue et interrogée par des membres des forces de sécurité pendant quatre heures à propos de son travail sur le cas d’Hamid Ansari.

Hina Jilani, de la Commission des droits humains du Pakistan, a déclaré : « Tout porte à croire que cet enlèvement est l’œuvre d’organes gouvernementaux. »

Qu’est-ce que la Journée internationale des victimes de disparition forcée ?

Chaque année, le 30 août, à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, Amnesty International appelle ses millions de sympathisants dans le monde à faire pression sur les gouvernements qui recourent aux disparitions forcées afin qu’ils cessent une bonne fois pour toutes d’utiliser cette pratique cruelle.

La disparition forcée constitue un crime au regard du droit international et une grave violation des droits humains. Le Pakistan n’a toujours pas signé ni ratifié la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Cette convention interdit les disparitions forcées, qu’elle définit comme « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».

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