Journée internationale des populations autochtones. La reconnaissance des droits fondamentaux des populations autochtones n’a que trop attendu


Déclaration publique

POL 30/035/2006

Lors de sa 61ème session à venir, l’Assemblée générale des Nations unies aura l’occasion historique d’affirmer les droits fondamentaux de quelques-unes des populations les plus marginalisées du monde en adoptant la Déclaration des Nations unies sur les droits des populations autochtones, attendue depuis trop longtemps.

La Déclaration affirme le droit des populations autochtones à exercer un véritable contrôle sur leur vie, à préserver leur identité culturelle distincte, à vivre libre de toute discrimination et de toute menace de génocide et à avoir un accès assuré aux terres et aux ressources essentielles à leur bien-être et à leur façon de vivre.

Après plus de vingt années de négociations et de débats aux Nations unies, les choses ont commencé à bouger en juin avec l’adoption de la Déclaration, au cours de la première session du nouveau Conseil des droits humains.

La Déclaration a le soutien d’un grand nombre d’États du Nord et du Sud, ainsi que de la grande majorité des organisations représentant les populations autochtones qui ont participé à son élaboration. Toutefois, quelques États sont toujours fermement opposés à ce que la Déclaration soit inscrite au nombre des engagements internationaux en matière de droits humains.

Selon le gouvernement canadien, en tête de l’opposition à la Déclaration au Conseil des droits humains, la Déclaration pourrait conduire à critiquer la manière dont le Canada a réglé avec les populations autochtones la question des terres dans le passé. Les États-Unis d’Amérique se sont fortement opposés à la notion même d’engagements internationaux en matière de droits humains, à l’aune desquels pourrait être jugé le traitement réservé aux populations autochtones.

La situation en matière de droits humains à laquelle sont confrontées les populations autochtones partout dans le monde met en lumière l’urgence qu’il y a à reconnaître leurs droits en principe et à les respecter en pratique.

  Dans la province de Mondulkiri, au Cambodge, la population autochtone Phnong a perdu ses terres ancestrales et ses terrains agricoles lorsque le gouvernement a accordé en 2004 une concession à une entreprise arboricole privée, qui dépassait largement la limite légale des 10 000 hectares. Ni les villageois ni les autorités locales n’ont été consultés et aucune étude n’a été faite pour mesure l’impact de cette entreprise sur l’environnement ou ses conséquences sociales. Les demandes d’information sur la concession formulées par la population Phnong ont été constamment ignorées.

  Les communautés (aborigènes) adivasis dans une région boisée éloignée de Chattisgarh, dans le centre de l’Inde, sont prises en piège en raison de l’escalade du conflit opposant les forces de sécurité aux maoïstes du People’s War Group (PWG, Groupe de la guerre populaire). Le nombre de victimes a augmenté de façon alarmante au cours de ces derniers mois. Selon certaines informations, plus de 40 000 personnes, notamment adivasis, ont été déplacées et restent confinées dans des campements temporaires où elles ne peuvent subvenir de façon correcte à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

  Les femmes indigènes du Pérou se voient souvent refuser la protection maternelle et infantile. Celles qui ne peuvent se rendre dans un centre de santé ou choisissent de donner naissance chez elles se voient infliger une amende ; leurs enfants n’ont pas de certificat de naissance, ce qui les prive d’une identité légale et peut avoir de graves conséquences pour leurs droits fondamentaux.

  Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a averti à maintes reprises du risque de voir se développer une crise humanitaire face au nombre grandissant de communautés indigènes forcées de quitter leurs terres en raison du conflit qui oppose depuis plus de quarante ans en Colombie les forces de sécurité et les paramilitaires soutenus par l’armée aux groupes de la guérilla. Notant l’étroite dépendance des populations autochtones à leurs terres traditionnelles pour leur subsistance et leur vie culturelle, le HCR a averti en avril 2006 que certains des groupes autochtones les plus anciens et les plus petits du monde risquaient non seulement d’être déplacés mais étaient menacés de disparition par le conflit en Colombie.

  Selon les statistiques du ministère américain de la Justice, les femmes de l’Alaska et des communautés indiennes d’Amérique étaient 3,5 fois plus souvent victimes d’agressions sexuelles que celles de n’importe quel autre groupe. Cependant, seule une petite partie de ces agressions faisaient l’objet d’enquêtes ou de poursuites. L’absence de services aux victimes, en particulier de services sensibles aux différences culturelles, et le manque de formation appropriée pour les agents responsables de l’application des lois rendent difficiles les enquêtes et découragent les femmes de porter plainte pour agression sexuelle.

  Privés d’une protection légale équitable et appropriée, les populations autochtones sont partout menacées d’être arrachés à leurs terres et aux ressources naturelles essentielles à leurs économies traditionnelles et au mode de vie qui ont fait d’elles ce qu’elles sont. Trop souvent, les conséquences sont un appauvrissement général et un mauvais état de santé de la population et une augmentation des actes de violence.

Les communautés et dirigeants autochtones qui défendent leurs droits ou persistent à exploiter des terres convoitées par d’autres sont confrontés à des actes d’intimidation et des violences, souvent perpétrés avec la collaboration de l’État. Dans de nombreux cas, le soutien pacifique au droit d’une population autochtone ou d’une minorité ethnique de préserver sa propre identité culturelle ou d’exercer son droit à l’autodétermination est qualifié de trahison ou de soutien au terrorisme, ce qui entraîne parfois des violences de la part des autorités. Les femmes autochtones sont souvent confrontées à une discrimination multiple – parce qu’elles sont des femmes et du fait de leur origine ethnique ou nationale.

Amnesty International demande instamment à tous les États de travailler en étroite collaboration avec les populations autochtones pour faire en sorte que des systèmes efficaces de protection soient mis en place aux niveaux national, régional et international.

Parmi les mesures décisives nécessitant une action immédiate, on peut citer :

  l’adoption du projet de Déclaration des Nations unies sur les droits des populations autochtones au cours de la session à venir de l’Assemblée générale des Nations unies ;
  la mise en place de processus équitables et efficaces pour apporter aux questions non résolues concernant les terres et les ressources une réponse conforme aux droits des populations autochtones et autres droits humains protégés par le droit national et international ;
  la reconnaissance du droit des communautés autochtones et militants indigènes à exercer leurs droits sans avoir à craindre de violences, d’arrestations arbitraires ou de peines d’emprisonnement.

Complément d’information

L’Assemblée générale des Nations unies a encouragé la communauté internationale à faire du 9 août la Journée internationale des populations autochtones, et ce pendant chaque année de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones (2005-2014).

Lors du sommet mondial de 2005, les chefs d’État et de gouvernement avaient réaffirmé leur « volonté de faire progresser les droits de l’homme des populations autochtones aux niveaux local, national, régional et international, notamment par la concertation et la collaboration avec celles-ci, et à présenter dès que possible, en vue de son adoption, une version finale du projet de déclaration des Nations unies sur les droits des populations autochtones » (A/60/L.1, 15 septembre 2005, para. 127). Le 29 juin 2006, le Conseil des droits humains a adopté le projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones et recommandé son adoption par l’Assemblée générale des Nations unies.

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