Alors que le monde entier célèbre la Journée internationale des victimes de disparition forcée, les autorités laotiennes doivent mener dans les plus brefs délais une enquête approfondie et efficace sur l’enlèvement et la disparition forcée présumée de Sombath Somphone, a déclaré Amnesty International mardi 30 août 2016.
Sombath Somphone, membre respecté de la société civile laotienne, a été arrêté par la police de la route le 15 décembre 2012 et emmené dans un pickup. On ignore toujours où il se trouve, les autorités n’ont pas tenu sa famille informée de l’affaire et aucune enquête crédible n’a été menée sur sa disparition forcée.
« La semaine prochaine, Barack Obama sera le premier président des États-Unis à se rendre au Laos. Il doit saisir cette occasion rare pour exprimer sa préoccupation quant à la situation des droits humains dans ce pays connu pour être très fermé, notamment en demandant aux autorités “Où est Sombath ?” », a déclaré T. Kumar, directeur en charge du travail international de plaidoyer au sein d’Amnesty International États-Unis.
Barack Obama et les dirigeants de toute l’Asie du Sud-Est vont se réunir à Vientiane, capitale de la République démocratique populaire laotienne (Laos), à l’occasion du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), qui se tiendra du 6 au 8 septembre 2016.
À partir du 30 août, Journée internationale des victimes de disparition forcée, Amnesty International invite les gens à utiliser le hashtag #WhereIsSombath (Où est Sombath ?) pour sensibiliser à la disparition de Sombath Somphone.
« Cela fait plus de trois ans que Sombath Somphone a disparu. On ne peut qu’en conclure soit que les autorités sont directement responsables de sa disparition, soit qu’elles ont manqué lamentablement à leur obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire toute la lumière à ce sujet », a déclaré Rafendi Djamin, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique.
La disparition de Sombath Somphone a été filmée par une caméra de vidéosurveillance, dont les images font froid dans le dos. On le voit arrêté devant un poste de police, où un policier de la route lui demande de descendre de sa voiture. Peu après, un motard arrive et repart au volant de la voiture de Sombath Somphone, laissant son engin sur place.
Quelques minutes plus tard, un autre homme sort du poste de police et attend sur le bord de la route. Très rapidement, un pickup arrive, gyrophare allumé. Sombath Somphone monte dedans, ainsi que d’autres personnes. Le véhicule repart, deux personnes armées lui ouvrant la voie en moto. Le passager de la moto tire un coup de feu en l’air.
Amnesty International est profondément préoccupée par l’absence d’avancées dans l’enquête sur cette disparition. Les autorités laotiennes ne tiennent nullement la famille de Sombath Somphone ni personne d’autre au courant de l’affaire. Elles ont aussi rejeté les propositions d’autres pays qui offraient leur aide dans l’enquête, et n’ont pas répondu aux appels des Nations unies, du Parlement européen ni de l’archevêque Desmond Tutu.
« La création d’une commission indépendante chargée d’examiner cette affaire de manière approfondie, impartiale et efficace n’a que trop tardé. Cette commission devrait non seulement faire en sorte que Sombath Somphone soit rendu à sa famille sain et sauf, mais aussi identifier les responsables présumés de sa disparition et les remettre à la justice afin qu’ils soient jugés dans le cadre de procès équitables, sans risquer la peine de mort », a déclaré Rafendi Djamin.
Complément d’information
Qui est Sombath Somphone ?
Sombath Somphone, 64 ans, est un membre respecté de la société civile laotienne. Ancien consultant pour l’UNICEF au Cambodge, il a consacré sa vie au développement durable et à la réduction de la pauvreté, encourageant le gouvernement laotien à faire profiter l’ensemble de la population des retombées du développement du pays.
Le gouvernement laotien est peu enclin à laisser les groupes de la société civile agir librement. Il utilise notamment un système d’enregistrement obligatoire pour les contrôler. En 2010, il a rejeté la recommandation formulée par la France lors de la 8e session de l’Examen périodique universel mené par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qui lui demandait de « garantir la liberté des organisations de la société civile et des organisations de défense des droits de l’homme de mener leurs activités ».
C’est dans ce contexte que sont nés les soupçons concernant l’implication ou la complicité des autorités dans la disparition forcée de Sombath Somphone. Celui-ci pourrait s’être attiré l’hostilité des autorités en raison de son travail sur une manifestation indépendante organisée par la société civile.
Le 9e Forum des peuples Asie-Europe, qui s’est tenu à Vientiane du 16 au 19 octobre 2012, a été la plus grosse manifestation de ce type organisée au Laos. Il a réuni plus d’un millier de personnes de la région et d’Europe. Lors de cette manifestation, des membres des forces de sécurité en civil ont surveillé et harcelé les participants, et ont continué à le faire après.
Le 7 décembre 2012, le gouvernement laotien a expulsé Anne-Sophie Gindroz, directrice Laos d’HELVETAS Swiss Intercooperation, une ONG internationale suisse qui travaille sur le développement dans le domaine de l’agriculture et les questions liées à la terre.
Anne-Sophie Gindroz avait travaillé avec Sombath Somphone sur le Forum des peuples. Son expulsion est intervenue seulement cinq jours avant la disparition de Sombath Somphone.
En décembre 2015, à l’occasion du troisième anniversaire de cette disparition forcée, 49 directeurs des bureaux nationaux d’Amnesty International dans le monde ont écrit une lettre ouverte au Premier ministre laotien de l’époque, pointant du doigt le piétinement de l’enquête malgré les nombreuses preuves.
Qu’est-ce que la Journée internationale des victimes de disparition forcée ?
Chaque année, le 30 août, à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée, Amnesty International appelle ses millions de sympathisants dans le monde à faire pression sur les gouvernements qui recourent aux disparitions forcées afin qu’ils cessent une bonne fois pour toutes d’utiliser cette pratique cruelle, et qu’ils offrent justice, vérité et réparation aux victimes.
La disparition forcée est un crime au regard du droit international et une grave violation des droits humains. Le Laos a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, mais ne l’a pas encore ratifiée. Amnesty International appelle les autorités laotiennes à procéder à sa ratification dès que possible.
Cette convention interdit les disparitions forcées, qu’elle définit comme « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».