Communiqué de presse

Jugement historique de la CPI sur le recours aux enfants soldats

Le fait que Thomas Lubanga Dyilo, chef d’un groupe armé congolais, soit reconnu coupable d’avoir utilisé des enfants dans le cadre d’un conflit armé montre que la Cour pénale internationale (CPI) est en mesure de traduire en justice les pires responsables de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, a déclaré Amnesty International.

Une Chambre de première instance composée de trois juges a prononcé le premier arrêt de la CPI contre Thomas Lubanga Dyilo mercredi 14 mars pour l’enrôlement et la conscription de mineurs de moins de 15 ans – ce qui constitue un crime de guerre – au sein des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), sur fond de conflit armé dans la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003.

Dans les semaines à venir, la CPI condamnera Thomas Lubanga Dyilo et tiendra une audience relative aux réparations à accorder à ses victimes. Il lui est possible de faire appel de ce jugement dans les 30 jours.

Le 17 mars 2006, Thomas Lubanga Dyilo est devenu la première personne appréhendée à la suite de l’émission d’un mandat d’arrêt par la CPI. Son procès s’est ouvert le 26 janvier 2009.

Fondateur présumé de l’Union des patriotes congolais (UPC), il en a été le président, ainsi que le commandant en chef de sa branche militaire, les FPLC. Les FPLC ont été impliquées dans de nombreuses atteintes aux droits humains, dont l’enlèvement d’enfants et leur utilisation comme soldats.

« Le jugement prononcé aujourd’hui fera réfléchir ceux qui, à travers le monde, se rendent coupables du terrible crime consistant à utiliser et maltraiter des enfants, sur les champs de bataille et ailleurs », a indiqué Michael Bochenek, directeur chargé du droit et de la stratégie politique à Amnesty International.

« Il aidera à mettre fin à l’impunité dont ils jouissent pour les crimes de droit international en raison de la réticence ou de l’incapacité des autorités nationales à enquêter sur ces violations. Ce jugement de culpabilité montre que la CPI peut intervenir pour les déférer à la justice. »

Le recrutement et l’utilisation d’enfants par des groupes armés congolais et étrangers dans le conflit armé restent d’actualité dans le nord-est et l’est de la RDC. L’armée nationale congolaise a elle aussi eu recours à des enfants soldats.

Amnesty International reste cependant déçue que le procureur de la CPI n’ait pas lancé de poursuites sur la base des autres allégations formulées contre les FPLC alors qu’elles étaient sous le commandement de Thomas Lubanga Dyilo – dont des crimes de violence sexuelle contre des fillettes et jeunes filles enlevées, parmi lesquelles des enfants soldats, et d’autres civils –, privant ainsi potentiellement de justice et de réparations de nombreuses autres victimes.

« Le bureau du procureur doit réévaluer la stratégie d’enquête restreinte adoptée dans le cas Lubanga, en particulier à la lumière des décisions qui ont empêché certaines victimes de participer aux procès et d’obtenir réparation. Il faut en tirer des enseignements pour les cas futurs », a poursuivi Michael Bochenek.

L’organisation a également déclaré que la longueur des procédures devait être revue. Plus de deux ans se sont écoulés entre la décision de la CPI de confirmer les charges retenues contre Thomas Lubanga Dyilo, le 29 janvier 2007, et l’ouverture de son procès, le 26 janvier 2009. L’affaire a enregistré des retards à deux reprises en raison d’ajournements imposés par les juges parce que le bureau du procureur n’avait pas révélé certaines informations à la défense.


Autres personnes recherchées par la CPI

Il est par ailleurs regrettable que la CPI soit empêchée de rendre justice dans plusieurs autres affaires parce que certains gouvernements ne peuvent ou ne souhaitent arrêter des suspects et les lui remettre. Ceux-ci incluent :

Bosco Ntaganda (République démocratique du Congo), que la CPI a également inculpé pour enrôlement et conscription de mineurs - il était alors, semble-t-il, le second de Thomas Lubanga Dyilo. Le gouvernement congolais le protège suite à son intégration au sein de l’armée nationale.

Joseph Kony (Ouganda) et d’autres responsables de l’Armée de résistance du Seigneur continuent à échapper à la justice, après avoir été inculpés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Ils se trouvent actuellement entre la République centrafricaine, le nord-est de la République démocratique du Congo et le Soudan du Sud.

• Le président Omar el Béchir (Soudan) a été inculpé de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre dans la région du Darfour, au Soudan. Il n’a toujours pas été arrêté bien qu’il effectue régulièrement des visites d’État à l’étranger.

La CPI a par ailleurs les mains liées dans des cas tels que celui de la Syrie – qui a signé mais n’a pas ratifié le statut de la Cour – parce que le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas encore confié ces dossiers au procureur de la CPI.

En 2010, Amnesty International a lancé une Campagne pour la justice internationale visant à garantir la justice, la vérité et des réparations aux victimes de tous ces crimes.

Les membres et les sympathisants de l’organisation se mobilisent afin d’inciter les gouvernements à coopérer pleinement avec la CPI en arrêtant des suspects et en les lui remettant en vue de leur jugement. L’organisation demande par ailleurs au Conseil de sécurité des Nations unies de saisir la CPI de la situation en Syrie et dans d’autres pays.

« Comme nous l’avons vu au cours de la semaine écoulée avec la mise en lumière du cas Joseph Kony, recherché par la CPI, l’adhésion du public à l’idée que les victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité obtiennent justice est très forte », a ajouté Michael Bochenek.

« Le soutien de l’opinion publique mondiale au travail accompli par la CPI est nécessaire afin d’aider la Cour à surmonter les grandes difficultés auxquelles elle est confrontée dans les autres affaires qu’elle traite. »

Amnesty International demande aux citoyens du monde entier de dire à Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies, qu’ils soutiennent le rôle vital de l’ONU dans l’arrestation des 11 personnes recherchées par la CPI qui sont toujours en liberté, mais aussi dans la protection des civils dans les zones touchées.

L’organisation a fortement appuyé la création de la CPI en 2002 dans le but d’enquêter sur les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre et d’en poursuivre les auteurs lorsque les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent pas le faire.

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