Dans des documents juridiques rendus publics en juillet 2021, les États-Unis ont assuré par écrit au Royaume-Uni que Julian Assange ne serait pas incarcéré dans une prison de sécurité maximale (ADX), et qu’il ne ferait pas l’objet de « mesures administratives spéciales », qui peuvent inclure un maintien prolongé en détention à l’isolement, s’il est extradé vers les États-Unis. Ces « garanties » reviennent à reconnaître de manière implicite que les conditions de détention dans les prisons fédérales américaines peuvent s’apparenter à des actes de torture et d’autres formes de traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants violant le droit international relatif aux droits humains, qui interdit de transférer des personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de torture et d’autres formes de mauvais traitements.
En particulier, ces assurances évoquent la possibilité pour les États-Unis de placer Julian Assange dans un établissement de sécurité maximale et d’imposer des « mesures administratives spéciales » s’il « se comporte, à la suite de la présentation de ces assurances, d’une manière remplissant les conditions pour l’imposition de mesures administratives spéciales ou un transfert dans une prison fédérale de très haute sécurité ». Une telle marge de manœuvre, qui leur permettrait de modifier les termes des garanties les plus fondamentales après le transfert de Julian Assange vers les États-Unis, vide d’emblée ces assurances de leur sens, puisqu’il resterait exposé à un risque de mauvais traitements en détention aux États-Unis dès le moment de son transfert et par la suite. L’interdiction de la torture et d’autres formes de mauvais traitements - y compris le maintien prolongé en détention à l’isolement - est absolue et ne peut être conditionnée par le comportement d’une personne. Si le Royaume-Uni extradait Julian Assange en s’appuyant sur un accord de ce type avec les États-Unis, il enfreindrait une norme impérative du droit international (l’interdiction absolue de la torture), les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit international relatif aux droits humains et son propre droit national.
Amnesty International appelle une nouvelle fois le gouvernement des États-Unis à abandonner les poursuites contre Julian Assange et demande aux autorités du Royaume-Uni de renoncer à l’extrader et de le remettre immédiatement en liberté.
Complément d’information
Le 7 juillet 2021, la Haute Cour de justice a accordé au gouvernement américain une autorisation limitée d’interjeter appel de la décision rendue le 4 janvier 2021 par un tribunal de police et correctionnel, selon laquelle Julian Assange ne devrait pas être extradé vers les États-Unis. La magistrate ayant rendu cette décision a refusé l’extradition pour raisons humanitaires, après avoir déterminé que l’état mental et psychologique de Julian Assange lui faisait courir un risque d’automutilation, voire de suicide, s’il était détenu dans une prison fédérale de sécurité maximale aux États-Unis et/ou soumis à des mesures administratives spéciales. Ces mesures spéciales peuvent être appliquées aussi bien à des personnes en détention provisoire qu’à celles qui ont été condamnées et emprisonnées , et peuvent inclure un maintien prolongé en détention à l’isolement, des atteintes à la relation privilégiée client-avocat et d’autres restrictions aux normes internationales d’équité des procès.
Dans le recours qu’il a formé devant la Haute Cour de justice le 11 février 2021, le gouvernement des États-Unis a présenté au Royaume-Uni un certain nombres d’« assurances diplomatiques » ayant pour objectif de réduire le risque de mauvais traitements en détention si Julian Assange était incarcéré dans un établissement fédéral.
Ces assurances comportent une déclaration selon laquelle Julian Assange ne serait pas placé dans une prison de sécurité maximale (par exemple, le centre pénitentiaire administratif de sécurité maximale de Florence, dans le Colorado), ni soumis à des « mesures administratives spéciales », mais n’excluant pas la possibilité que Julian Assange puisse malgré tout connaître ce sort, après que ces assurances ont été acceptées, s’il agit d’une manière nécessitant que les États-Unis imposent ces mesures ou le transfèrent dans une prison de sécurité maximale. Cette faille fait courir à Julian Assange le danger d’être traité d’une manière qui soit contraire à l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements.
Selon une autre assurance, à tout moment de la détention potentielle de Julian Assange aux États-Unis, il recevrait « l’ensemble des soins cliniques et psychologiques recommandés par un médecin traitant qualifié employé ou engagé par la prison où il serait détenu ». Les soins de santé prodigués dans les prisons fédérales aux États-Unis sont largement critiqués car considérés de qualité inférieure, en particulier dans les prisons de sécurité maximale. Les États-Unis se ménagent la possibilité de placer Julian Assange dans un établissement carcéral de sécurité maximale après son retour. Amnesty International s’oppose au placement dans une prison de sécurité maximale de toute personne ayant des problèmes de santé mentale et exhorte les États à soigner dans un environnement thérapeutique adapté les personnes incarcérées qui souffrent de troubles mentaux.
Les États-Unis ont aussi fourni l’assurance que les autorités consentiront à transférer Julian Assange vers l’Australie, son pays d’origine, afin qu’il puisse y purger toute peine de prison éventuellement prononcée contre lui. Julian Assange avait déjà droit à cette possibilité, conformément à l’accord bilatéral conclu entre les États-Unis et l’Australie concernant les transferts des ressortissant·e·s de chacun de ces pays détenus par l’autre.
Aucune date n’a encore été fixée pour l’audience d’appel devant la Haute Cour.