Kenya. Le gouvernement doit protéger les habitants des bidonvilles suite à des incendies

DÉCLARATION PUBLIQUE

AILRC-FR

18 mars 2011

Index AI : AFR 32/002/2011

Ce vendredi 18 mars, Amnesty International a exhorté les autorités kenyanes à apporter aide et soutien aux habitants d’un certain nombre de bidonvilles et quartiers informels de Nairobi dont les habitations ont été partiellement ou entièrement détruites par des incendies survenus ces dernières semaines.

Entre 80 et 90 % des habitations du bidonville de Deep Sea, dans le quartier de Westlands, à Nairobi, ont été détruites lors d’un incendie qui s’est déclaré dans l’après-midi du 8 mars 2011. Selon la Croix-Rouge kenyane, jusqu’à 10 000 personnes pourraient avoir été affectées par le sinistre – une majorité se sont retrouvées sans abri et des dizaines de personnes auraient été blessées.

L’incendie s’est propagé rapidement, en suivant parfois les fils électriques qui reliaient les habitations entre elles. Les véhicules des pompiers ont eu du mal à accéder au quartier, desservi par une unique route d’accès extrêmement étroite et défoncée.

Ces dernières semaines, des incendies se seraient également déclarés dans d’autres bidonvilles et quartiers informels, notamment à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi.

Les habitations des bidonvilles et quartiers informels de Nairobi sont très exposées aux incendies en raison de la médiocre qualité de la construction et des matériaux utilisés, de la très forte densité de population et de connexions électriques de fortune qui peuvent accroître les risques de sinistre. Faute de routes aménagées, il est difficile pour les pompiers d’intervenir dans les quartiers informels et, en l’absence d’accès à l’eau, le feu se propage extrêmement rapidement d’une maison ou d’une construction à l’autre. Les derniers événements montrent clairement que le gouvernement kenyan doit prendre des mesures pour remédier aux conditions de logement inadaptées dans les quartiers informels de Nairobi, afin que tous puissent exercer leur droit de vivre en sécurité et dans la dignité.

À la suite de l’incendie de la semaine dernière dans le quartier de Deep Sea, la plupart des habitants se sont retrouvés sans abri. Plus d’une semaine plus tard, beaucoup dorment encore dehors ou dans des abris improvisés ; une femme a raconté à Amnesty International qu’elle dormait avec une personne de sa connaissance dans des toilettes publiques qui avaient résisté à l’incendie et devaient être mises en service à la fin du mois de mars 2011. D’autres installations sanitaires publiques ont été détruites lors du sinistre.

Amnesty International demande au gouvernement kenyan et aux pouvoirs publics de Nairobi de fournir une aide d’urgence – notamment de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux – aux personnes privées de logement depuis l’incendie de Deep Sea et d’autres sinistres survenus dans les bidonvilles et quartiers informels de Nairobi.

Beaucoup de familles de Deep Sea ont perdu tous leurs biens dans l’incendie, dont des papiers d’identité. « C’est maintenant qu’il faut inscrire les enfants aux examens de fin d’école primaire. La date limite est le 31 mars, et il faut présenter leurs certificats de naissance, qui ont été détruits avec d’autres documents officiels dans l’incendie... », souligne Diana, dont les enfants vont à l’école primaire.

Depuis l’incendie, Amnesty International a par ailleurs reçu des informations selon lesquelles les habitants s’étaient vu notifier par des responsables locaux de l’administration provinciale qu’ils n’étaient pas officiellement autorisés à rebâtir leurs maisons et autres constructions tant que des représentants du gouvernement n’avaient pas dévoilé un certain projet, inconnu à ce jour. Toute initiative des pouvoirs publics qui viserait à empêcher les gens de reconstruire leur habitation et aurait de fait pour conséquence de les chasser des quartiers dans lesquels ils vivaient, sans que soient mises en place des solutions de relogement adaptées et d’autres garanties exigées par le droit international, constituerait une violation de l’interdiction des expulsions forcées. Amnesty International demande au gouvernement et aux autorités locales d’aider les gens à rebâtir leurs maisons, de renforcer la sécurité en matière de lutte contre les incendies et de veiller à ce que tout projet concernant le quartier soit élaboré en concertation avec ses habitants et ne conduise pas à des expulsions forcées ou à une situation dans laquelle des habitants se retrouveraient à la rue.

Amnesty International a également reçu de certains habitants des informations selon lesquelles, depuis le sinistre, des habitations ont été incendiées délibérément par des inconnus, et les résidents du quartier redoutent que ces agissements ne soient liés à des projets d’expulsion. Le gouvernement doit également veiller à ce que soient conduites des enquêtes crédibles et indépendantes sur tous les incendies récents, prendre les mesures qui s’imposent en fonction des résultats de ces investigations et s’engager à protéger les habitants contre les expulsions forcées.

Complément d’information

En raison d’un manque général de sécurité en matière d’occupation, les habitants des bidonvilles et des quartiers informels de Nairobi vivent constamment dans la peur des expulsions forcées. Au fil des ans, les habitants de Deep Sea ont été victimes d’expulsions forcées organisées par les pouvoirs publics, mais aussi par des particuliers et des entreprises. Lors de précédents travaux de recherche d’Amnesty International, des habitants ont indiqué que nombre des incendies constatés, à leur avis, étaient « destinés à leur faire abandonner le terrain sur lequel s’est développé le quartier ». Évoquant un incendie survenu en décembre 2007 à Deep Sea, un habitant a déclaré : « Les promoteurs privés qui ont essayé de nous chasser du terrain sur lequel se situe le quartier n’étaient pas satisfaits des résultats obtenus et ont décidé d’employer une nouvelle méthode – le feu ».

Le travail réalisé au Kenya s’inscrit dans la campagne d’Amnesty International Exigeons la dignité, axée sur les atteintes aux droits humains qui font sombrer les gens dans la pauvreté et les y maintiennent. Dans le cadre de cette campagne, Amnesty International demande à tous les gouvernements de mettre un terme aux expulsions forcées, de garantir l’égalité d’accès aux services publics et de promouvoir une participation active des habitants des quartiers informels et des bidonvilles aux décisions et processus qui ont un impact sur leur vie.

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