KIRGHIZISTAN - Risques de torture pour les Ouzbeks rapatriés de force

Index AI : EUR 58/005/2005

Amnesty International appelle les autorités kirghizes à ne pas renvoyer de force en Ouzbékistan 29 personnes qui cherchent à bénéficier d’une protection internationale au Kirghizistan.

« Le retour forcé de ces personnes constituerait une violation de la législation et des normes internationales relatives aux réfugiés et aux droits humains, a déclaré Amnesty International. Il y a de bonnes raisons de penser que si ces personnes étaient renvoyées dans leur pays elles risqueraient d’être soumises à de graves violations de leurs droits fondamentaux et à un déni flagrant de justice. Ces personnes risquent d’être torturées, voire exécutées à l’issue de procès iniques. »

Ces 29 personnes, dont on redoute qu’elles soient renvoyées en Ouzbékistan incessamment, font partie des centaines de personnes qui ont fui la ville d’Andijan après que, selon certaines informations, les troupes gouvernementales eurent ouvert le feu le 13 mai 2005 sur des milliers de manifestants pacifiques, pour la plupart non armés. Le 22 juin, le procureur général par intérim du Kirghizistan, Azimbek Beknazarov, aurait décrit ces 29 personnes en quête de protection comme des « criminels » échappés de la prison d’Andijan. À la fin de la semaine dernière, ces personnes auraient été déplacées du camp de Bech-Kana où elles se trouvaient vers un centre de détention à Och.

Le 21 juin, les autorités kirghizes auraient demandé au bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) d’examiner la situation de 29 demandeurs d’asile détenus. Cependant, selon les informations reçues par Amnesty International, les ordres d’extradition concernant ces 29 personnes ont déjà été signés et il est à craindre que celles-ci ne soient renvoyées de manière imminente, bien que le HCR n’ait pas encore évalué si elles nécessitaient ou non une protection internationale en tant que réfugiés.

Dans une déclaration datée du 22 juin, les Nations unies ont fait observer qu’une décision de renvoi de personnes ayant fait une demande de protection internationale serait contraire aux assurances données par les autorités kirghizes au secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Dans une déclaration publique commune datée du même jour, la haut-commissaire aux droits de l’homme, Louise Arbour, et le haut-commissaire pour les réfugiés, Antonio Guterres, ont exprimé leurs craintes de voir ces 29 personnes renvoyées de force en Ouzbékistan sans qu’il n’ait été statué au préalable sur leur statut de réfugiés aux termes du droit international.

« Les autorités du Kirghizistan doivent permettre au HCR de remplir son mandat de protection des réfugiés, a indiqué Amnesty International. Elles doivent respecter l’obligation qu’elles ont aux termes de la législation et des normes internationales relatives aux droits humains et aux réfugiés de ne pas renvoyer ces personnes ni d’autres vers un pays où elles risquent d’être victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux, telles que des actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements. Les graves violations des droits humains, y compris la torture et les procès iniques, sont endémiques en Ouzbékistan. »

Complément d’information

Dans la nuit du 12 au 13 mai 2005, un groupe d’hommes armés a fait irruption dans la prison d’Andijan, et aurait libéré des centaines de prisonniers puis pris plusieurs personnes en otages et occupé un bâtiment gouvernemental. Tout au long de la journée qui a suivi, des milliers de personnes se sont rassemblées sur une place de la ville ; beaucoup réclamaient plus de justice et moins de pauvreté. Les forces de sécurité ont tiré sporadiquement et au hasard sur la foule, tuant et blessant des manifestants, dont la plupart n’étaient pas armés. En début de soirée, les forces de sécurité auraient encerclé les milliers de manifestants sur la place principale de la ville, bloquant les sorties avec des bus, des véhicules de transport de troupes et d’autres barrières. Selon des témoins, des centaines de personnes - hommes, femmes et enfants - auraient été tués quand les soldats ont ouvert le feu sur ceux qui étaient sur la place ou tentaient de s’enfuir. Des centaines de personnes ont fui au Kirghizistan voisin pour y trouver refuge et demander la protection de la communauté internationale.

Le 16 juin 2005, le bureau du procureur général de l’Ouzbékistan a déclaré qu’il cherchait à obtenir l’extradition de 131 de ces réfugiés qui, selon lui, auraient « directement participé aux actes de terrorisme commis à Andijan ». En Ouzbékistan, des responsables ont qualifié publiquement le camp de réfugiés de « camp de terroristes ». Le 9 juin, des agents du Service de la sécurité nationale kirghize sont venus dans le camp chercher 16 hommes qui devaient être interrogés dans un centre de détention de la ville de Djalal-Abad. Lorsque des membres du HCR ont été autorisés à se rendre dans ce centre, vingt-quatre heures plus tard, quatre hommes avaient déjà été renvoyés de force en Ouzbékistan. Il est à craindre que ces hommes ne soient détenus au secret ; le 22 juin 2005 les haut-commissaires des Nations unies ont déclaré qu’aucune instance internationale n’avaient pu entrer en contact avec ces hommes depuis qu’ils avaient été remis aux autorités ouzbèkes.

Le risque de torture est plus élevé pendant la détention au secret.

Parmi les centaines de personnes qui cherchent à obtenir la protection de la communauté internationale au Kirghizistan certaines, avec qui des représentants d’Amnesty International ont pu s’entretenir, ont exprimé la crainte d’être torturées si elles étaient renvoyées de force en Ouzbékistan.

Le Kirghizistan est tenu aux termes du droit international, et en particulier de la Convention relative au statut des réfugiés (ONU, 1951) et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ONU, 1984), auxquelles il est partie, de ne renvoyer personne vers un pays ou un territoire où cette personne risquerait d’être victime de graves violations des droits humains.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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