Kirghizistan. Va-t-on vers un durcissement de la réglementation concernant la défense des droits humains ?

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le Kirghizistan pourrait rejoindre la liste des pays qui restreignent fortement la place accordée à la défense des droits humains, a averti Amnesty International ce jeudi 26 février.

Vitali Ponomarev, directeur du programme Asie centrale de l’organisation russe de défense des droits humains Mémorial, spécialiste de la région depuis de nombreuses années et connu pour ses prises de position en faveur des droits humains en Asie centrale, s’est vu refuser l’entrée au Kirghizistan le 26 février 2009 au matin.

Selon des journalistes locaux, l’expulsion de Vitali Ponomarev dès son arrivée à l’aéroport près de la capitale Bichkek fait suite à la décision d’interdire au défenseur des droits humains l’entrée au Kirghizistan pendant cinq ans, décision prise par le service national de la sécurité deux jours avant l’arrivée de Vitali Ponomarev.

« La décision d’interdire à un défenseur des droits humains à l’esprit critique l’entrée au Kirghizistan est peut-être liée directement à ses activités en faveur des droits humains", a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« C’est le signe inquiétant d’une tendance que l’on retrouve ailleurs dans la région visant à réprimer toute tentative pour faire la lumière sur des violations des droits humains. »

En janvier 2009, l’organisation Mémorial a publié un rapport sur la détention, le procès qui a suivi et la condamnation de 32 personnes, parmi lesquelles deux femmes et un garçon de dix-sept ans, accusés d’avoir orchestré les troubles et pris part aux violentes manifestations d’octobre 2008 dans la ville de Nookat, dans le sud du Kirghizistan. De très nombreux villageois auraient affronté les forces de police après l’annulation des célébrations traditionnelles de l’Eid al fitr. Selon les autorités kirghizes, il s’agissait de membres du parti islamiste interdit Hizb-ut-Tahrir (Parti de la libération) et leur intention était de renverser l’ordre constitutionnel, accusations niées par les accusés et leurs proches.

Le rapport de l’organisation Mémorial, résultat d’un travail de recherche mené par Vitali Ponomarev au Kirghizistan en décembre 2008, jette de sérieux doutes sur la validité des condamnations de ces 32 personnes et critique la version officielle des évènements. Le rapport fait ressortir des allégations de torture des accusés, des femmes notamment, pendant la période de détention précédant le procès, pour obtenir des aveux. Le procès lui-même et l’audience d’appel qui a suivi y sont décrits comme loin de correspondre aux normes internationales d’équité des procès.

« Les autorités du Kirghizistan doivent ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les évènements de Nookat", a déclaré Nicola Duckworth.

« Autoriser Vitali Ponomarev et d’autres militants des droits humains à travailler sans encombre au Kirghizistan sera un pas dans la bonne direction. »

L’interdiction faite à Vitali Ponomarev d’entrer dans le pays pendant cinq ans et son expulsion rappellent les pratiques d’un voisin du Kirghizistan, l’Ouzbékistan, où les autorités ont interdit l’entrée à de nombreuses personnes critiques du régime, défenseurs des droits humains, journalistes indépendants et organisations internationales pour les empêcher de mener des enquêtes sur des allégations graves d’atteintes persistantes aux droits humains par les forces de sécurité. En août 2008, les autorités du Kirghizistan ont interdit au représentant d’une organisation internationale de défense des droits humains l’entrée dans le pays pendant dix ans.

« Les autorités du Kirghizistan ne doivent pas suivre l’exemple de l’Ouzbékistan mais autoriser les militants indépendants défenseurs des droits humains, les experts et journalistes à mener leurs activités en toute sécurité et à travailler sans craindre d’actes de harcèlement ou d’intimidation », a déclaré Nicola Duckworth.

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