Kosovo (Serbie). Les policiers roumains et la MINUK doivent répondre de la mort de manifestants au Kosovo.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EUR 70/010/2007

Amnesty International lance un appel à la communauté internationale, lui demandant de veiller à ce que justice soit faite après l’homicide de deux Albanais du Kosovo en février 2007 dans la capitale Pristina. De nombreuses autres personnes avaient été blessées au cours de la même manifestation. L’organisation lance cet appel après la publication d’un second rapport de la task force mise en place par la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) afin d’établir la responsabilité pénale des tirs et de remédier aux carences opérationnelles de la police de la MINUK.

Robert Dean, procureur international chargé par la MINUK de conduire l’enquête, a établi dans son rapport du 3 juillet que la mort de Mon Balaj et ArbÎn Xheladini, au cours d’une manifestation le 10 février, avait été causée par l’usage inapproprié de balles en caoutchouc par « au moins un, peut-être deux » tireurs roumains. Le rapport conclut qu’il n’existe pas de preuves suffisantes permettant d’inculper un policier en particulier.

Le 21 mars, les autorités roumaines ont retiré du Kosovo 11 membres des Forces de police constituées (FPU) roumaines qui participaient à l’enquête et étaient, semble-t-il, en possession d’informations cruciales. Selon un rapport d’enquête préliminaire publié en avril, il existe des bases substantielles permettant de conclure que des membres de la police roumaine au Kosovo sont responsables des tirs mortels. En dépit des requêtes de la MINUK et d’Amnesty International, les autorités roumaines ont refusé de renvoyer les policiers au Kosovo pour permettre la poursuite de l’enquête.

"On ne doit pas laisser des policiers du groupe international de police qui participent à des opérations internationales et sont soupçonnés d’atteints aux droits humains échapper à la justice en se réfugiant à l’intérieur des frontières de leur pays. La communauté internationale a reçu un mandat du Conseil de sécurité des Nations unies pour rétablir un état de droit et faire respecter les droits humains au Kosovo. Les Nations unies et les États contributeurs doivent faire en sorte que tous les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, d’actes criminels ou dommageables soient traduits en justice" , a déclaré Sian Jones, chercheur pour le Kosovo auprès d’Amnesty International.

« Il est important que la communauté internationale au Kosovo respecte les normes internationales les plus élevées en matière de respect du droit au Kosovo, pour que justice puisse être rendue et cela aux yeux de tous. »

Amnesty International demande instamment à la MINUK d’ouvrir une information judiciaire sur la mort de Mon Balaj et ArbÎn Xheladini, et d’enquêter sur les blessures graves subies par environ 80 personnes.

Amnesty International demande instamment à la Roumanie de renvoyer au Kosovo les11 policiers afin qu’ils puissent être interrogés dans le cadre de l’enquête judiciaire, ou de les mettre à disposition des autorités de la MINUK en Roumanie, de sorte que les responsables présumés soient traduits en justice et que les familles des personnes décédées ou blessées reçoivent des réparations

Amnesty International appelle également le secrétaire général des Nations unies à approuver la levée de l’immunité de toutes poursuites dont jouit le personnel international au Kosovo ; toute personne soupçonnée d’actes illégaux à l’origine de la mort de ces deux hommes et des blessures graves de nombreuses autres personnes doit être poursuivie en justice.

Amnesty International note également que Robert Dean concluait dans son rapport que la chaîne de commandement et les structures de contrôle de la police internationale n’avaient pas fonctionné et que des ordres opérationnels pour la manifestation avaient été suivis. L’organisation recommande donc que l’enquête judiciaire de la MINUK cherche également à établir si des policiers à un haut niveau, y compris à la tête de la police de la MINUK, ont une responsabilité pénale pour n’avoir pas protégé le droit à la vie de Mon Balaj et ArbÎn Xheladini.

En outre, Amnesty International demande instamment à la MINUK de réunir immédiatement le Groupe consultatif sur les droits humains de façon à ce que les proches des personnes décédées et les blessés puissent faire une demande de réparations pour les violations de leurs droits dont seraient responsables des membres de la MINUK.

Avant le remplacement prévu de la MINUK par une mission de la politique européenne de sécurité et de défense au Kosovo (dans l’attente d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies), Amnesty International demande instamment à l’Union européenne de veiller à ce que tous les policiers des États membres de l’Union européenne déployés au Kosovo soient formés aux normes internationales relatives à l’usage de la force et des armes à feu avant leur arrivée sur place ; à ce que des structures de contrôle et de commandement claires et globales soient mises en place pour tout déploiement futur ; à mettre en place des mécanismes visant à obliger les agents des forces de l’ordre – ou autre membres de la mission – soupçonnés d’avoir enfreint les normes internationales à rendre compte de leurs actes au Kosovo ; et veiller à ce que les dispositions prévoyant l’octroi de réparations, sous forme d’indemnisation notamment, soient appliquées.

Complément d’information

Dans le cadre de son action en faveur du respect et de la protection des droits humains dans le monde, Amnesty International a, au cours des huit dernières années, mené une mission d’observation sur le terrain du respect et de la protection des droits humains au Kosovo par la MINUK et la Force internationale de paix au Kosovo (KFOR) au Kosovo. La MINUK et la KFOR ont reçu pour mandat du Conseil de sécurité des Nations unies (résolution 1244/99 ) de protéger et promouvoir les droits fondamentaux de tous au Kosovo.

Amnesty International a régulièrement fait part de son inquiétude face à l’impunité dont ont bénéficié, à de rares exceptions près, les membres du personnel de la MINUK, y compris la police civile et les fournisseurs de la MINUK, et les membres de la Force internationale de paix au Kosovo (KFOR) pour des atteintes aux droits humains. L’organisation s’inquiète aussi de ce que peu d’États dont sont originaires les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains les ont traduits en justice.

La MINUK n’a pas garanti le droit à réparation aux personnes dont les droits avaient été bafoués par des membres de la communauté internationale, conséquence de l’immunité de toute poursuite au Kosovo dont bénéficie le personnel de la MINUK, qui n’a pas à répondre de ses actes devant la justice du Kosovo. En l’absence de poursuites au Kosovo, Amnesty International a demandé aux États membres des Nations unies de poursuivre devant leurs tribunaux nationaux les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, mais cela ne s’est que rarement produit.

En 2006, Amnesty International avait instamment demandé à la MINUK et aux Nations unies de veiller à ce que les personnes dont les droits avaient été bafoués par des membres de la MINUK au cours des sept années précédentes reçoivent dans un délai raisonnable des réparations adéquates, notamment sous forme d’indemnisation, comme le prévoit l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le 23 mars 2006, le Groupe consultatif sur les droits humains était établi en vertu du Règlement no2006/12 de la MINUK afin de recevoir et d’examiner les plaintes visant la MINUK. Cet organisme ne s’est pas encore réuni.

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