Une proposition de modification législative qui ferait du blasphème un crime passible de la peine capitale au Koweït constituerait un énorme pas en arrière de la part des autorités du pays si elle était adoptée par le Parlement, a déclaré Amnesty International mardi 17 avril.
Ce projet de loi a été rapidement présenté et adopté par la Commission parlementaire des affaires législatives et juridiques du Koweït à la suite de l’arrestation d’un homme accusé d’avoir insulté le prophète Mahomet sur Twitter.
Hamad al Naqi, membre de la minorité chiite du pays, est actuellement détenu provisoirement pour « diffamation envers le Prophète », infraction qu’il est accusé d’avoir commise dans des messages publiés sur le site de réseau social le mois dernier. Il nie être l’auteur de ces écrits et affirme que quelqu’un a piraté son compte Twitter.
Le Parlement koweïtien a voté en faveur de la modification le 12 avril. Avant d’être adoptée, celle-ci doit faire l’objet d’un second vote deux semaines après le premier, puis être approuvée par le gouvernement et le chef d’État du Koweït, le cheikh Sabah al Ahmed al Jaber al Sabah.
Nous exhortons le Parlement koweïtien à rejeter cette modification qui constituerait une violation flagrante des obligations internationales du pays en matière de droits humains, a souligné Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Tous les regards sont tournés vers les législateurs récemment élus du Koweït. Ils doivent immédiatement abandonner tout projet de mettre en place la peine de mort pour blasphème. »
L’article 111 du Code pénal interdit le dénigrement de la religion et prévoit actuellement jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende pour cette infraction.
Aux termes du droit international, les infractions « religieuses » n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves », seuil minimum prescrit pour les crimes passibles de la peine de mort.
En novembre 2011, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a engagé le Koweït à « revoir sa législation relative au blasphème et les lois connexes […] afin de les rendre entièrement compatibles avec le [Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou PIDCP] », texte auquel le Koweït est partie.
L’article 15 du PIDCP interdit aux États d’infliger une peine plus lourde que celle applicable au moment où l’infraction présumée a été commise.
« S’il s’avère que le compte Twitter de Hamad al Naqi a effectivement été piraté, alors aucun fait ne peut lui être reproché ; sinon, il est détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et, à moins qu’il ne soit inculpé d’une infraction reconnue par le droit international, il doit être libéré immédiatement, a ajouté Ann Harrison.
« En aucun cas il ne devrait être condamné à mort. »
Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie tel qu’il est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme.