Communiqué de presse

L’Afghanistan 10 ans après : des avancées modestes et des promesses non tenues

Dix ans après que l’invasion militaire dirigée par les États-Unis a chassé du pouvoir les talibans en Afghanistan, force est de constater que le gouvernement afghan et ses soutiens internationaux n’ont pas tenu nombre des promesses qu’ils avaient faites à la population afghane, a déclaré Amnesty International mardi 4 octobre.

« Les espoirs étaient vifs en Afghanistan en 2001 au lendemain de l’intervention internationale, mais depuis lors, les avancées en matière de droits humains ont été mises en péril par la corruption, la mauvaise gestion et les attaques des groupes d’insurgés qui font preuve d’un mépris systématique envers les droits humains et les lois de la guerre, a indiqué Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Aujourd’hui, de nombreux Afghans osent encore espérer que la situation des droits humains dans leur pays va s’améliorer. Le gouvernement afghan et ses soutiens internationaux doivent appuyer ces espoirs par des mesures tangibles afin de les concrétiser. »

Un tableau de bord d’Amnesty International sur la situation des droits humains en Afghanistan a mis en lumière certaines avancées concernant l’adoption de lois relatives aux droits fondamentaux, la réduction de la discrimination envers les femmes et l’accès à l’éducation et aux soins.

Cependant, la situation en termes de justice et de maintien de l’ordre, de sécurité humaine et de déplacement, a stagné, voire régressé, a dévoilé Amnesty International. Les Afghans qui vivent dans des zones fortement touchées par l’insurrection connaissent une grave détérioration de leurs conditions de vie.

Le développement d’une communauté de journalistes, modeste mais dynamique, et le timide retour des filles à l’école et des femmes au travail et au sein du gouvernement, témoignent des progrès réalisés au cours des 10 dernières années.

En outre, l’Afghanistan a promulgué un certain nombre de lois qui semblent renforcer les droits des femmes. La nouvelle Constitution garantit l’égalité entre les hommes et les femmes et fixe à un quart le quota de sièges parlementaires réservés aux femmes. Lors de deux élections parlementaires en 2005 et 2010, elles ont remporté quelques sièges de plus que le quota qui leur était alloué.

Toutefois, les violences contre les journalistes et les professionnels des médias se sont multipliées. Dans les régions où les talibans et les autres groupes d’insurgés sont très présents, la liberté de parole et d’opinion est fortement restreinte.

Hormis les restrictions imposées par les talibans, l’accès à l’éducation s’est grandement amélioré depuis 2001. Aujourd’hui, sept millions d’enfants se rendent à l’école, dont 37 % de filles. Sous le régime taliban, on comptait moins d’un million d’élèves et les filles étaient rarement autorisées à étudier.

Cependant, au cours des neuf mois précédant décembre 2010, au moins 74 écoles ont été détruites ou fermées, en raison des violences des insurgés – tirs de roquettes, attentats, incendies et menaces. Sur ces attaques, 26 étaient dirigées contre des écoles de filles, 13 contre des écoles de garçons et 35 contre des écoles mixtes.

« Le gouvernement afghan et ses soutiens ne peuvent pas continuer à justifier leurs piètres résultats en alléguant que la situation s’est améliorée par rapport à celles des années 1990. Lorsque les Afghans ont joui d’une certaine sécurité et bénéficié d’une aide financière, ils ont surmonté d’énormes obstacles pour améliorer leurs conditions de vie. Mais trop souvent, les promesses d’aide n’ont pas été tenues », a souligné Sam Zarifi.

Les premières améliorations constatées après 2001 ont été gravement compromises par le conflit grandissant ; l’insécurité a entravé les actions menées dans les écoles et les centres de soins situés dans les zones de conflit et les communautés rurales. Le taux de mortalité maternelle en Afghanistan a reculé, mais reste parmi les plus élevés au monde.

Début 2010, le gouvernement afghan a entamé un processus de réconciliation avec les talibans et d’autres groupes insurgés. Toutefois, le Haut Conseil pour la paix, mis sur pied pour négocier avec les talibans, ne compte que neuf femmes sur 70 membres et les organisations afghanes de défense des droits des femmes craignent de voir leurs modestes avancées bradées contre un cessez-le-feu.

« Il est vital de ne pas sacrifier les droits des femmes sur l’autel d’accords de paix complaisants. Le processus de paix en Afghanistan ne doit pas se faire au détriment des droits des femmes. Ils ne sont pas négociables. Les talibans présentent un bilan désastreux en termes de droits humains et il importe que les femmes afghanes soient représentées de manière significative dans toutes les négociations sur la réconciliation », a indiqué Sam Zarifi.

Au cours des 10 dernières années, un nombre croissant de civils afghans ont été blessés dans le cadre du conflit armé. Ces trois dernières années, les trois-quarts des victimes civiles sont le fait des groupes insurgés, le quart restant étant imputable aux forces afghanes et internationales.

Les Nations unies ont recensé 1 462 victimes civiles au cours des six premiers mois de l’année 2011, un bien triste record. Selon l’ONU, 80 % des morts de civils sont imputables aux « éléments anti-gouvernementaux ». Les attentats aux engins explosifs improvisés et les attentats suicide qu’ils ont perpétrés ont provoqué la moitié de l’ensemble des morts et des blessés parmi la population civile.

Par ailleurs, le conflit a engendré le déplacement de près de 450 000 personnes en Afghanistan, principalement installées dans les provinces de Kaboul et Balkh. Elles vivent souvent dans des conditions d’extrême pauvreté, n’ayant qu’un accès restreint à la nourriture, aux installations sanitaires et à l’eau potable.

« Les alliés internationaux du gouvernement afghan, notamment les États-Unis, ont maintes fois déclaré qu’ils n’abandonneraient pas le peuple afghan. Ils doivent tenir leur engagement et veiller à ce que les droits ne soient pas balayés du fait que la communauté internationale cherche une porte de sortie », a conclu Sam Zarifi.

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