L’Afrique du Sud doit honorer son obligation de protéger les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile

Amnesty International accueille avec satisfaction les jugements récemment prononcés par la Cour suprême d’Afrique du Sud à propos des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile.

La chambre de la Cour Suprême du nord de la province de Gauteng a estimé le 14 décembre que le refus des autorités sud-africaines d’ouvrir un nouveau bureau d’accueil des réfugiés à Johannesburg à la suite de la fermeture de celui de Crown Mines, dans cette ville, était illégal. La Cour a par conséquent ordonné aux autorités de revoir leur décision et de consulter les personnes concernées au premier chef.

La veille, le 13 décembre, la chambre de la Cour Suprême du Cap-Est a prononcé une ordonnance de référé enjoignant le ministère de l’Intérieur à garder ouvert le bureau d’accueil des réfugiés de Port Elizabeth, en attendant un examen complet par la justice de la fermeture abrupte de ce bureau le 30 novembre.

Amnesty International est vivement préoccupée par les profonds changements apportés au régime d’asile par le gouvernement sud-africain cette année. Ces décisions ont eu pour effet une restriction, voire une interdiction, de l’accès aux procédures d’examen des demandes d’asile et à des services d’une importance critique pour les demandeurs d’asile et les personnes ayant obtenu le statut de réfugié.

L’organisation craint que la mise en œuvre des mesures déjà adoptées – et d’autres ayant été annoncées – ne se traduise par un refus d’octroyer une protection internationale à ceux qui en ont le plus besoin, ce qui constituerait une violation des obligations de l’Afrique du Sud en vertu du droit international et du droit national relatifs aux réfugiés.

Les autorités sud-africaines ont déclaré que la fermeture du bureau d’accueil des réfugiés de Crown Mines, en mai 2011, avait fait suite à une action en justice intentée par des entreprises locales en faveur de sa fermeture, dans laquelle celles-ci avaient obtenu gain de cause. Elles ont en outre affirmé qu’elles n’avaient pas exclu d’ouvrir un autre bureau dans la même localité.

Cependant, à la suite d’un recours en justice introduit auprès de la branche de la Cour suprême du nord de la province de Gauteng par le Consortium pour les réfugiés et les migrants en Afrique du Sud et neuf autres plaignants – avec l’assistance d’Avocats pour les droits humains –, il est apparu que le refus d’ouvrir un nouveau bureau était en réalité une conséquence de la décision du gouvernement de transférer tous les services destinés aux demandeurs d’asile, y compris les procédures d’enregistrement et de détermination du statut de réfugié, aux ports d’entrée.

Une telle initiative est susceptible d’avoir un effet très préjudiciable sur la capacité des personnes en quête d’une protection internationale à mener à bien leur demande. Parmi les autres conséquences, cela les priverait dans les faits d’un accès à des conseils juridiques indépendants et de qualité.

Au bout du compte, Amnesty International redoute que cela ne débouche sur le rejet de demandes fondées en faveur d’une protection internationale, en violation des obligations juridiques de l’Afrique du Sud au titre du droit international et national relatif aux réfugiés. Les réfugiés seraient alors privés de leurs droits et exposés à un risque réel de persécution et d’autres formes de préjudices graves.

Comme d’autres bureaux d’accueil des réfugiés dans le pays, celui de Crown Mines était une structure où des demandeurs d’asile pouvaient déposer une demande de protection internationale et où les réfugiés reconnus pouvaient obtenir le renouvellement de leur statut et des documents requis pour le prouver.

À la suite de sa fermeture, cependant, les autorités sud-africaines n’ont pas proposé de service de remplacement, mis en place d’infrastructures ni adopté de plan de secours pour fournir ces services essentiels aux réfugiés et demandeurs d’asile. Au lieu de cela, l’ensemble des demandeurs d’asile ou des réfugiés reconnus ayant besoin de faire renouveler leurs papiers ont été orientés vers deux bureaux d’accueil existants et surchargés à Pretoria.

Depuis lors, les nouveaux demandeurs d’asile, ainsi que ceux dont le dossier a été « transféré » en raison de la fermeture du bureau de Crown Mines, éprouvent des difficultés à rencontrer des représentants du ministère de l’Intérieur dans les bureaux de Pretoria. En outre, des personnes font la queue régulièrement dès le petit matin et, selon des éléments présentés à la branche de la Cour suprême du nord de la province de Gauteng, se font insulter ou rouer de coups de sjambok (cravache) et de matraque par des membres des forces de sécurité.

L’incapacité à déposer des demandes ou à faire renouveler des documents qui en découle s’accompagne pour les demandeurs d’asile et réfugiés reconnus d’un risque d’amende, de détention et d’expulsion directe ou de départ provoqué, ce qui est contraire aux obligations de l’Afrique du Sud aux termes du droit national et du droit international relatifs aux réfugiés et aux droits humains et des normes correspondantes.

La décision mentionnée ci-dessus, prise par le gouvernement sud-africain, de transférer tous les services, y compris les procédures d’enregistrement et de détermination du statut de réfugié, aux ports d’entrée a été à l’origine de la fermeture du bureau de Port Elizabeth en novembre. L’antenne du Cap-Est de l’Association somalienne d’Afrique du Sud et le Projet pour la résolution des conflits et le développement ont, avec l’aide d’Avocats pour les droits humains et du Centre pour les droits des réfugiés, contesté cette fermeture.

Le 13 décembre, la Cour suprême a ordonné au ministère de l’Intérieur de maintenir l’ensemble des services aux demandeurs d’asile titulaires d’un titre de séjour et aux personnes ayant le statut de réfugié, dans l’attente de l’examen de l’affaire, qui aura lieu en février 2012.

Les événements décrits ci-dessus se sont déroulés alors que les autorités sud-africaines avaient pris d’autres mesures préjudiciables à la sécurité des réfugiés et demandeurs d’asile dans le pays. Celles-ci ont inclus l’expulsion de Zimbabwéens – à la suite de la levée du moratoire en septembre 2011 – menée d’une manière ayant exposé certains d’entre eux, dont des mineurs non accompagnés, à un risque de persécution et de violations graves des droits humains.

Les réfugiés et demandeurs d’asile se trouvant en Afrique du Sud continuent à être victimes de violences ciblées et de pratiques discriminatoires limitant leur accès à une protection ou à des recours effectifs. Des réfugiés et des migrants ont subi des violences, la fermeture forcée de leur commerce et des destructions de biens à travers tout le pays, tout au long de l’année. Des associations d’entreprises locales semblent être à l’origine de nombre de ces attaques.

Par exemple, dans plusieurs cas remontant à mai, plus de 60 magasins appartenant à des étrangers ont été fermés de force et/ou pillés ou complètement détruits dans diverses zones de la province de Gauteng et dans la localité de Motherwell, près de Port Elizabeth. Des policiers postés aux alentours du quartier informel de Ramaphosa, non loin de Johannesburg, ont cautionné les agissements de l’association des commerces de Gauteng, quand ils n’y ont pas participé activement.

Cette association a menacé de recourir à la violence contre certains étrangers et fermé de force les magasins de ceux-ci ou emporté des biens hors de leurs échoppes. Dans un grand nombre de ces attaques, notamment à Motherwell, les postes de police de la zone n’ont pas appelé de renforts pour empêcher que la violence ne se propage.

L’intervention d’organisations humanitaires ou de la société civile auprès de la police dans certains cas spécifiques a permis que les personnes menacées bénéficient d’un minimum de protection. Cependant, encore récemment, la police n’avait toujours pas donné l’impulsion à une véritable stratégie systématique à l’échelle du pays pour prévenir ou juguler les violences visant les réfugiés et les migrants.

Face à la gravité de ces événements, qui portent atteinte aux droits des réfugiés et demandeurs d’asile en Afrique du Sud, le 7 et 8 décembre, un représentant d’Amnesty International a porté ces questions à l’attention de hauts responsables de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, au siège de celui-ci à Genève (Suisse).

Amnesty International demande de toute urgence aux autorités sud-africaines : de s’abstenir de fermer d’autres bureaux d’accueil des réfugiés ; de pleinement rétablir les services aux demandeurs d’asile et réfugiés touchés par la fermeture des bureaux de Johannesburg et de Port Elizabeth ; et de lancer une consultation de grande ampleur auprès des personnes concernées par les actions des autorités et ces changements de politiques.

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