L’Arabie saoudite durcit la répression contre les défenseurs des droits humains

Un éminent défenseur saoudien des droits humains a comparu devant un tribunal de Riyadh lundi 18 juin, pour 11 chefs d’inculpation en lien avec ses activités militantes. Il est le dernier de ce qu’Amnesty International a appelé une « troublante série de procédures judiciaires » visant à réduire au silence ceux qui défendent les droits fondamentaux.

Les charges pesant contre Mohammad Fahad al Qahtani, 46 ans, sont en lien avec son militantisme en faveur des droits humains. Il est notamment accusé d’avoir mis sur pied une organisation non autorisée, qui serait l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), dont il est un membre fondateur, d’avoir « rompu l’allégeance au souverain », accusé le système judiciaire de cautionner la torture et de recevoir les « aveux » obtenus sous la contrainte, qualifié les autorités saoudiennes d’État policier, monté l’opinion publique contre l’État en l’accusant d’atteintes aux droits humains et monté les organisations internationales contre le royaume.

Sa comparution devant la cour pénale de Riyadh s’inscrit dans le cadre d’une série de procès visant à réduire au silence les militants des droits humains dans le royaume.

« Le procès de Mohammad al Qahtani n’est qu’un maillon d’une inquiétante chaîne de procédures judiciaires qui visent à faire taire les militants des droits humains en Arabie saoudite, a déploré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« La procédure engagée contre lui doit être jugée irrecevable, parce qu’elle semble s’appuyer uniquement sur son travail légitime de défense des libertés fondamentales et sur ses vives critiques des autorités. »

Les autorités saoudiennes ont récemment pris pour cibles plusieurs défenseurs des droits humains, à la fois devant les tribunaux et via des mesures arbitraires, telles que des interdictions de voyager.

Le 11 juin, Abdullah al Hamid, 65 ans, partisan bien connu de la réforme et cofondateur de l’ACPRA, a comparu devant la cour pénale de Riyadh, inculpé d’une longue liste d’infractions ayant trait à son travail en faveur des droits humains, pour la plupart identiques aux accusations portées contre Mohammad al Qahtani. Il est également accusé d’incitation à troubler l’ordre public, notamment à travers la rédaction et la publication d’un appel à manifester.

Plusieurs militants des droits humains étaient présents lors de son audience, dont Mohammad al Qahtani, qui a été averti à ce moment-là qu’il serait jugé la semaine suivante.

Les procès de Mohammad al Qahtani et Abdullah al Hamid doivent reprendre le 1er septembre. Ils font l’objet, tout comme l’universitaire Abdulkareem Yousef al Khoder, cofondateur et président actuel de l’ACPRA, d’investigations menées par le ministère public depuis le mois de mars.

Fondée en octobre 2009, l’ACPRA rend compte des violations des libertés fondamentales et a aidé nombre de familles de détenus incarcérés sans inculpation ni jugement à engager des procédures contre le ministère de l’Intérieur devant la Commission des plaintes, juridiction administrative compétente pour examiner les plaintes visant l’État et les services publics.

« Au lieu de réprimer les dirigeants de l’ACPRA, les autorités saoudiennes devraient enquêter sur les informations qui leur parviennent concernant des violations imputables à l’État », a estimé Philip Luther.

Dans une autre affaire en cours, le militant et écrivain Mikhlif bin Daham al Shammari, 57 ans, est accablé d’une litanie d’accusations – notamment d’avoir cherché à nuire à la réputation du royaume dans les médias internationaux, communiqué avec des organisations suspectes et montré du doigt la corruption des organes de l’État. Mikhlif bin Daham al Shammari est bien connu pour ses écrits dénonçant les atteintes aux droits humains et la corruption.

Il a été libéré sous caution en février 2012, après plus d’un an et demi derrière les barreaux pour un article dans lequel il dénonçait les préjugés des dignitaires religieux sunnites envers les membres de la minorité chiite et leurs croyances. En avril, les autorités l’ont informé qu’il lui était interdit de quitter le pays pendant 10 ans.

Son procès devant la cour pénale spécialisée, mise sur pied pour juger les terroristes présumés, s’est ouvert le 7 mars. La prochaine audience est fixée au 26 juin.

Waleed Abu al Kheir, autre défenseur des droits humains âgé de 33 ans, fait toujours l’objet de poursuites pour manque de respect envers la justice et atteinte à la réputation du royaume ; il aurait livré à une organisation internationale de fausses informations sur son épouse Samar Badawi. Son procès s’est ouvert devant le tribunal pénal de Djeddah en septembre 2011.

En mars 2012, il s’est vu interdire de quitter le territoire, quelques jours seulement avant de se rendre aux États-Unis pour y suivre des cours sur la démocratie à l’université. Amnesty International a déjà fait savoir que cette mesure était injustifiée et a demandé qu’elle soit levée sans délai.

« Par ces procès fondés sur des charges fallacieuses et ces mesures arbitraires restrictives, comme les interdictions de voyager, les autorités saoudiennes mènent une campagne dans le but de faire ployer les défenseurs des droits humains, a estimé Philip Luther.

« Elles doivent mettre un terme à ces agissements, afin que les défenseurs puissent mener à bien leur travail essentiel, à savoir dénoncer les violations, réclamer justice et demander des comptes.

« Toutes les charges liées à l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion, doivent être abandonnées. Si un défenseur des droits humains est maintenu en détention pour ces motifs, Amnesty International demandera sa libération immédiate et sans condition.  »

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit