Le Cambodge et l’Australie doivent renoncer à leur accord bilatéral qui prévoit le transfert forcé des demandeurs d’asile vers le Cambodge, a déclaré Amnesty International jeudi 1er mai 2014.
Le lancement de cet appel intervient alors que, selon les médias, ce pays d’Asie du Sud-Est a accepté de conclure un accord « de principe » et d’accueillir des réfugiés et des demandeurs d’asile renvoyés par l’Australie. Certaines de ces personnes pourraient venir des centres de détention administrés par l’Australie et situés à Nauru et sur l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
« L’Australie doit cesser de traiter les dossiers des demandeurs d’asile et de placer ces personnes en détention hors de son territoire. Elle ne doit pas chercher à se décharger de ses responsabilités sur un autre pays, beaucoup plus pauvre, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.
« Le Cambodge devrait être conscient des risques sérieux qu’impliquerait un tel arrangement, et se demander s’il est vraiment prêt à s’y engager. Ses capacités de traitement des demandes d’asile sont faibles et il poursuit ses efforts pour respecter et protéger les droits de ses propres ressortissants. »
Les centres de détention illégaux de l’Australie hors du territoire
Le transfert par l’Australie des demandeurs d’asile à Nauru et sur l’île de Manus en vue du traitement de leurs demandes équivaut à une mesure de refoulement, c’est-à-dire à leur envoi vers des pays où leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés. Cette pratique constitue une violation des obligations qui incombent à l’Australie en vertu du droit et des normes internationales relatives aux réfugiés et aux droits humains.
En plaçant arbitrairement les demandeurs d’asile en détention, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Nauru bafouent eux aussi leurs obligations à l’égard du droit des réfugiés et relatif aux droits humains – ce que le Cambodge doit éviter de faire.
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« Un grand nombre des réfugiés et des demandeurs d’asile qui pourraient être concernés par un accord entre le Cambodge et l’Australie ont déjà été retenus dans des conditions délibérément pénibles et humiliantes, et cela en toute illégalité, dans les centres de détention australiens extraterritoriaux, a dit Richard Bennett.
« Il faut vraiment que l’Australie collabore avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), avec d’autres gouvernements de la région Asie-Pacifique et avec des groupes de la société civile pour trouver une solution régionale qui protège réellement les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés, dans le respect des droits internationaux relatifs aux réfugiés et aux droits humains. »
Le Cambodge – un choix qui n’est pas évident
Le bilan du Cambodge en matière de protection des demandeurs d’asile, ces derniers temps, laisse à désirer. En décembre 2009, ce pays a été montré du doigt par la quasi-totalité de la communauté internationale pour avoir renvoyé de force en République populaire de Chine un groupe de 20 demandeurs d’asile ouighours, dont une femme enceinte et deux enfants.
La proposition d’accord avec l’Australie intervient à un moment où la situation quant aux droits humains au Cambodge s’est dégradée au point de frôler la crise, ce que l’Australie a elle-même critiqué.
Depuis la violente répression lancée en janvier 2014 par les forces de sécurité sur des grévistes et des militants, qui s’est soldée par au moins quatre morts, de nombreux blessés et une disparition – celle d’un jeune garçon –, le non-respect des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique n’a fait que s’accentuer.
Des rassemblements pacifiques d’ouvriers, de militants pour les droits à la terre, de défenseurs des humains et de sympathisants de partis d’opposition ont été dispersés ou tout simplement interdits.
« Le transfert des demandeurs d’asile vers le Cambodge, où le respect des droits humains ne peut pas être garanti, est non seulement illégal mais illogique et honteux, car l’Australie a elle-même condamné ce pays pour manquement à ses devoirs », a ajouté Richard Bennett.
Complément d’information
Des centaines de milliers de Cambodgiens ont bénéficié de la protection de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés alors qu’ils fuyaient les Khmers rouges et la guerre civile dans les années 1970 et 1980.
Le Cambodge, signataire de la Convention et de son Protocole de 1967, a lui-même accueilli sur son territoire un petit nombre de réfugiés. Ces dernières années, ce pays appauvri a pris en charge le traitement des demandes d’asile car le HCR a progressivement réduit sa présence.
Le 30 avril 2014, soit un jour après l’annonce, par le Cambodge, de l’accord avec l’Australie sur les demandeurs d’asile, les autorités ont entouré de barbelés à lames de rasoir l’espace officiellement désigné pour les rassemblements et les manifestations, le Parc de la Liberté, à Phnom Penh. Les barbelés ont été mis en place pour empêcher les syndicats et les ouvriers de célébrer le Premier Mai et le parti d’opposition de tenir des réunions de campagne à l’approche des élections locales qui doivent se tenir ce mois-ci.
Jeudi 1er mai, des agents de maintien de l’ordre ont dispersé des rassemblements pacifiques organisés malgré les interdictions. Ils ont agressé et frappé des participants et des journalistes dont au moins cinq ont dû recevoir des soins pour leurs blessures. D’après le club des journalistes étrangers Overseas Press Club of Cambodia, un journaliste australien muni d’une carte de presse délivrée par les autorités a reçu un coup de matraque à la jambe.
Lors de l’examen par l’ONU de la situation des droits humains au Cambodge, en janvier 2014, l’Australie a fait part de sa préoccupation quant aux restrictions à la liberté de réunion et d’association et en particulier aux violences disproportionnées utilisées contre les manifestants, dont des placements en détention sans jugement.
En février 2014, le Sénat australien a adopté une motion condamnant l’utilisation de la violence et d’une force excessive contre les manifestants et demandant au gouvernement cambodgien de protéger et de renforcer les droits humains et d’annuler l’interdiction des manifestations.