communiqué de presse

L’Égypte confirme 183 condamnations à mort dans le cadre d’une nouvelle purge visant l’opposition

La décision rendue le 21 juin par un tribunal pénal d’El Minya, en Haute-Égypte, qui a confirmé les condamnations à mort prononcées contre 183 partisans de Mohamed Morsi, dont un homme aveugle, témoigne de l’attitude de plus en plus politisée et arbitraire du système judiciaire vis-à-vis de la justice et de la peine de mort, a déclaré Amnesty International.

Ces condamnations suivent de près sept exécutions qui ont eu lieu la semaine dernière, les premières en Égypte depuis 2011.

Un représentant d’Amnesty International présent au tribunal a déclaré que la sécurité avait été renforcée ; au moins 20 agents étaient présents, dont beaucoup étaient masqués et armés de mitraillettes.

« Depuis quelques mois, il semble que les tribunaux égyptiens multiplient les condamnations à mort, notamment dans le cadre de deux procès collectifs, sur la base de preuves très minces et à l’issue de procédures entachées de graves irrégularités », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« À travers le verdict rendu dans cette affaire, on constate que le système judiciaire en Égypte tente d’écraser la dissidence. Les autorités doivent annuler ces condamnations et ordonner que tous les accusés soient rejugés équitablement, sans recourir à la peine capitale. »

Le tribunal avait initialement recommandé la peine de mort pour les 683 prévenus lors d’une audience le 28 avril ; l’affaire a ensuite été renvoyée devant le Mufti, la plus haute autorité religieuse du pays, qui doit être consulté avant l’application de toute sentence capitale.

Le jugement a été rendu le 25 mars à l’issue d’un procès inique, au cours duquel les juges ont interrogé en quelques heures plus de 50 témoins et 74 accusés, en l’absence de leurs avocats. Lors de l’audience du 21 juin, aucun des accusés n’a comparu devant le tribunal et les familles n’ont pas été autorisées à y assister. Un homme a même été condamné à la peine de mort et à 15 ans de prison, ce qui a suscité la confusion quant au nombre de condamnations à mort.

Les 683 prévenus étaient accusés d’avoir participé à des violences aux abords du poste de police du village d’Adwa, dans le gouvernorat de Minya, le 14 août 2013, à la suite de la dispersion sanglante d’un sit-in organisé par les Frères musulmans au Caire.

Au cours de l’année 2013, on a assisté à une multiplication des jugements à motivation politique dans des affaires impliquant des partisans de l’ancien président Mohamed Morsi.

Le 19 juin, le tribunal pénal de Guizeh a requis la peine de mort contre de hauts dirigeants des Frères musulmans – Mohamed Badie, Safwat Hegazi et Mohamed El Beltagi – ainsi que contre 11 personnes, dans le cadre d’un autre procès à caractère politique.

Ils ont notamment été reconnus coupables d’incitation à la violence, en lien avec des affrontements qui ont eu lieu devant la mosquée d’Al Istiqama, à Guizeh, en août 2013, à la suite de la chute de l’ancien président Mohamed Morsi. Le tribunal doit rendre son verdict le 3 août après avoir consulté le Mufti.

« Au mieux, le système judiciaire en Égypte est incohérent ; au pire, ses décisions soulèvent de graves préoccupations quant à son indépendance et à son impartialité. Il est clair que le système, brisé, n’est plus en mesure de rendre justice. La peine de mort est utilisée comme un outil pour éliminer les opposants politiques. Les condamnations à mort préconisées contre d’éminents leaders des Frères musulmans la semaine dernière illustrent le caractère aléatoire de la justice égyptienne », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Pas un seul policier n’a été déclaré coupable de participation à des violences depuis le renversement du président ni du meurtre d’un millier de personnes le 14 août 2013, lorsque les forces de sécurité ont recouru à une force meurtrière excessive pour disperser deux sit-in pro-Morsi au Caire.

« La justice égyptienne a perdu tout semblant d’impartialité et de crédibilité : les policiers accusés d’atteintes flagrantes aux droits humains circulent librement, tandis que des milliers d’opposants politiques sont enfermés  », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Recrudescence des condamnations à mort et reprise des exécutions

On constate une nette recrudescence des condamnations à mort dans des affaires de meurtres en lien avec des émeutes et des manifestations de masse. Selon des informations recueillies par Amnesty International, depuis janvier 2014, la justice égyptienne a recommandé la peine de mort pour 1 247 hommes – dossiers en instance auprès du Mufti – et a confirmé 247 condamnations à mort. Tous sont des partisans de Mohamed Morsi.

Depuis le 16 juin, six hommes et une femme reconnus coupables de meurtre et de vol ont été pendus ; il s’agit des premières exécutions recensées par Amnesty International en Égypte depuis octobre 2011. Des exécutions ont été recensées dans 22 pays seulement à travers le monde, et l’Égypte a désormais rejoint le petit groupe d’États qui ont repris les exécutions au cours des deux dernières années, après des périodes prolongées d’interruption.

« Ces exécutions sont un grand pas en arrière pour les droits humains en Égypte, devenu le seul pays nord-africain à avoir procédé à des exécutions judiciaires au cours des trois dernières années », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Complément d’information sur les condamnations à mort en Égypte en 2014 :

Le 19 juin, le tribunal pénal de Guizeh a requis la condamnation à mort de 14 hauts dirigeants des Frères musulmans, notamment du Guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, et des hauts responsables Safwat Hegazi et Mohamed El Beltagi, ainsi que de 11 autres personnes, dont Assem Abdel Maged, un dirigeant du Gamaa al Islamiya, Essam El Erian, directeur adjoint du parti Liberté et Justice de la confrérie, et Bassem Ouda, ministre suppléant de Mohamed Morsi. Le dossier a été transmis au Mufti et le verdict est attendu pour le 3 août.

Le 18 juin, le tribunal pénal de Guizeh a requis la sentence capitale contre 12 partisans de Morsi, accusés d’avoir attaqué un poste de police dans la ville de Kerdassa, et d’avoir tué un policier. La recommandation a été adressée au Mufti, et le verdict doit être rendu le 6 août.

Le 7 juin, le tribunal pénal de Choubra au Caire a requis la peine de mort contre 10 partisans du président déchu Mohamed Morsi, pour meurtre, incitation à la violence et blocage de la route de Qalyoub en juillet 2013. Cette affaire implique au total 48 accusés, dont le Guide suprême des Frères musulmans Mohamed Badie, qui ne comptait pas parmi les 10 condamnés à mort. La recommandation a été adressée au Mufti et le verdict doit être rendu le 5 juillet.

Le 19 mai, le tribunal pénal d’Alexandrie a confirmé la condamnation à mort le 19 juin d’un partisan de Morsi en lien avec les violences qui ont eu lieu le 5 juillet à Alexandrie. Le tribunal avait requis la peine de mort en mars contre deux partisans de Morsi et, en juin, a confirmé la sentence du premier, condamnant le second à la détention à perpétuité. Ils sont inculpés de meurtre, de « brutalités », de violence, de possession d’armes et de trouble à l’ordre public.

Le 28 avril, le tribunal pénal d’El Minya a confirmé 37 condamnations à mort, après avoir requis la peine de mort contre 528 hommes le 24 mars. La sentence a été prononcée à l’issue d’un procès contraire aux règles d’équité les plus élémentaires : tous les accusés n’étaient pas présents, les avocats n’ont pas été autorisés à présenter leur défense ni à interroger les témoins, et le verdict a été rendu à l’issue de deux audiences seulement, les 22 et 24 mars.

Le 19 mars, un tribunal pénal du Caire a condamné à mort 26 personnes et une autre à 15 ans de prison pour des actes terroristes. Les accusés ont été jugés par contumace, alors que cinq d’entre eux étaient détenus, mais n’ont pas été conduits au tribunal. Selon les avocats, l’affaire remonte à 2010, lorsque 27 personnes ont été inculpées d’avoir planifié des attentats contre le canal de Suez, mais ont été libérées faute de preuves. Elles ont été convoquées au tribunal en novembre 2013 et cinq d’entre elles ont été arrêtées.

Les exécutions
Le journal Al Masry Al Youm a rapporté le 16 juin que trois hommes et une femme ont été exécutés dans la prison d’Assuit. Tous les quatre ont été reconnus coupables de meurtre et de vol qualifié.

On pouvait lire dans le même journal que trois autres hommes avaient été exécutés le 19 juin. Le premier a été pendu dans une prison du Caire et les deux autres dans la prison de Borg Al Arab, à Alexandrie. Ils ont été reconnus coupables de meurtre.

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