L’Éthiopie doit cesser de se servir de la législation antiterroriste pour étouffer la contestation pacifique

Le gouvernement éthiopien doit arrêter d’invoquer une loi antiterroriste à la définition trop large contre des journalistes et des militants politiques non violents, ont déclaré Human Rights Watch et Amnesty International lundi 21 novembre.

Jeudi 10 novembre 2011, 24 personnes ont été inculpées d’infractions à caractère terroriste. Leur procès doit reprendre mercredi 23 novembre 2011. Six journalistes et deux membres du parti d’opposition Unité pour la démocratie et la justice figurent parmi les accusés. Seize de ces 24 personnes sont jugées par contumace. Plusieurs autres procès de journalistes et de militants de l’opposition sont en cours.

« Le gouvernement éthiopien se sert de sa loi contre le terrorisme, qui est rédigée en termes vagues, afin d’écraser la contestation pacifique », a dénoncé Rona Peligal, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch.

La Loi relative à la lutte contre le terrorisme de 2009 comprend une définition trop large et vague des actes terroristes et une définition de l’« encouragement au terrorisme » rendant la publication de déclarations « susceptibles d’être comprises comme un encouragement au terrorisme » passibles de 10 à 20 ans de prison. Ces dispositions signifient que des personnes se montrant critiques à l’égard du gouvernement, telles que des journalistes et des opposants politiques, pourraient être inculpées pour encouragement au terrorisme, ont poursuivi Human Rights Watch et Amnesty International.

Les deux organisations ont exhorté le gouvernement éthiopien à permettre au corps diplomatique d’effectuer un suivi systématique de ces procès. L’heure et le lieu d’audiences ont été changés à la dernière minute à au moins deux reprises dans le cadre de procès en cours. Le gouvernement doit veiller à ce que certaines informations essentielles, telles que le lieu et l’heure des audiences, soient connues du public.

Amnesty International et Human Rights Watch ont par ailleurs engagé les diplomates en poste en Éthiopie à effectuer un suivi systématique des procès actuels pour terrorisme et des procès des membres de l’opposition oromo arrêtés en 2011. Cela est tout particulièrement important étant donné l’absence d’organisations indépendantes de défense des droits humains, que le gouvernement éthiopien a ni plus ni moins interdites. Si des diplomates ont assisté à plusieurs comparutions devant le juge chargé d’examiner les demandes de mise en liberté et à certaines audiences relatives à des affaires de terrorisme, aucun n’était semble-t-il présent jeudi 10 novembre pour l’audience de confirmation des charges - en raison d’un changement de lieu survenu à la dernière minute -, pas plus qu’à l’audience suivante, mardi 15 novembre.

Entre 2005 et 2007, des partenaires étrangers de l’Éthiopie ont suivi de près une série de procès dans le cadre desquels des accusations de trahison ont été formulées, après que des résultats électoraux eurent été contestés. Le Conseil de l’Union européenne a désigné un observateur à temps complet chargé d’assister aux procès ; les conclusions du rapport du Conseil n’ont cependant jamais été rendues publiques. Un roulement a été instauré pour que les membres du personnel des ambassades de l’Union européenne puissent effectuer un suivi, et un membre du personnel de l’ambassade américaine était également présent.

« Un suivi systématique de ces procès par des diplomates est crucial  », a déclaré Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International. « Faute de société civile sur place, les diplomates peuvent jouer un rôle essentiel en vérifiant si le droit des suspects à un procès équitable est respecté ou non. »

Aucune des personnes arrêtées et inculpées en 2011 en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme n’a pu s’entretenir avec un avocat lors de la phase précédant le procès. Trois des accusés se sont plaints devant la cour de mauvais traitements subis en détention.

Meles Zenawi, le Premier ministre, et Shimeles Kemal, le porte-parole du gouvernement, ont publiquement bafoué la présomption d’innocence des accusés, ont ajouté Human Rights Watch et Amnesty International. Il est par ailleurs possible que les propos qu’ils ont tenus pèsent sur les jugements, dans un pays où la justice manque d’indépendance.

Depuis juin 2011, le gouvernement éthiopien a inculpé au moins 33 personnes en vertu de la loi de lutte contre le terrorisme de 2009.

En outre, toujours en 2011, au moins 98 membres des deux principaux partis d’opposition oromo, le Mouvement démocratique fédéraliste oromo et le Congrès du peuple oromo, ont été appréhendés et inculpés aux termes du Code pénal, sur la base de leurs liens présumés avec le Front de libération oromo, un groupe rebelle interdit.

Sept des personnes inculpées le 10 novembre avaient précédemment fait l’objet de procès, à la suite des élections de 2005. Toutes se sont vu accorder une grâce présidentielle. Trois de ces sept personnes figurent parmi les accusés actuellement incarcérés, deux autres ont fui le pays après avoir été remises en liberté, et deux vivaient déjà en exil lorsqu’elles ont été inculpées dans le cadre des affaires précédentes.

Human Rights Watch et Amnesty International demandent depuis longtemps aux autorités de modifier la loi de lutte contre le terrorisme afin de la mettre en conformité avec les obligations de l’Éthiopie au regard du droit national et international.

« La loi de lutte contre le terrorisme elle-même constitue un énorme problème », a expliqué Rona Peligal. « La communauté internationale, en particulier l’Union européenne et les États-Unis, doivent poser certaines questions délicates au gouvernement éthiopien, et lui demander notamment pourquoi il recourt à cette loi pour sanctionner des voix pacifiques et indépendantes. »

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