L’Italie doit rendre caducs les accords relatifs au contrôle de l’immigration signés avec la Libye

Bien qu’il existe de solides informations publiques prouvant que des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile demeurent victimes de graves violations en Libye, l’Italie a signé le 3 avril un nouvel accord relatif au contrôle de l’immigration avec le pays. Amnesty International a demandé à plusieurs reprises aux autorités italiennes de rendre public cet accord, en vain. On en connaît aujourd’hui le contenu.

Les dispositions de cet accord confirment les inquiétudes d’Amnesty International : les pouvoirs publics italiens cherchent le soutien de la Libye pour endiguer les flux migratoires, tout en fermant les yeux sur le risque de graves atteintes aux droits fondamentaux que courent les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile dans ce pays. En vertu de cet accord, la Libye s’engage à renforcer ses frontières pour empêcher les migrants de quitter son territoire, tandis que l’Italie s’engage à organiser des formations et à fournir du matériel pour améliorer la surveillance aux frontières. On ne trouve cependant aucune garantie réelle en matière de droits humains dans ce texte. À aucun moment il n’est fait référence à un mécanisme visant à prendre en charge les personnes ayant besoin d’une protection internationale. Les autorités libyennes ne reconnaissent toujours pas le droit de solliciter l’asile et de l’obtenir, ni n’ont signé la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et, à ce jour, aucun accord officiel n’a été conclu avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Depuis 2007, l’Italie a conclu avec les autorités libyennes plusieurs accords qui incluent des références directes au contrôle de l’immigration, mais pas de garanties réelles en matière de droits humains. L’Italie a également apporté une aide financière et technique aux activités de contrôle de l’immigration, et considéré que celles et ceux qui tentaient de rejoindre l’Europe par la mer pouvaient être refoulés vers la Libye. Des centaines de personnes ont été interceptées par des vedettes de patrouille italiennes et renvoyées en Libye, où nombre d’entre elles ont été placées en détention et maltraitées.

Les recherches menées par Amnesty International ont fait apparaître les violations généralisées commises contre les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile en Libye sous le régime du colonel Kadhafi ainsi que pendant et après le conflit qui l’a chassé du pouvoir. Parmi les violations identifiées figurent la détention illimitée dans des conditions déplorables, les coups et d’autres mauvais traitements s’apparentant parfois à des actes de torture. Qui plus est, l’accord mentionne la construction de nouveaux « centres d’accueil » et une aide européenne pour rendre de nouveau opérationnels les centres existants. Ces centres sont en réalité des lieux de détention, où le gouvernement ne maîtrise généralement pas la situation.

En février 2012, la politique de renvois suivie par l’Italie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie. Le gouvernement italien a promis publiquement de donner suite à l’arrêt rendu par la Cour. Pourtant, le 3 avril 2012, soit quelques semaines plus tard seulement, l’Italie et la Libye ont accepté de reprendre leur collaboration dans le domaine du contrôle de l’immigration. Le nouvel accord italo-libyen incorpore la planification d’opérations en mer, aux termes des accords bilatéraux relatifs au contrôle de l’immigration, accords dont la mise en œuvre avait conduit la Cour européenne des droits de l’homme à considérer que des violations avaient été commises.

Le contenu de cet accord confirme les préoccupations de longue date d’Amnesty International : les autorités italiennes font de nouveau délibérément abstraction du fait que tout accord avec la Libye sur le contrôle de l’immigration, au vu de la situation actuelle dans le pays, risque d’exposer les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile à de graves atteintes aux droits fondamentaux.

Amnesty International engage le gouvernement italien à veiller à ce que ses politiques et pratiques en matière de contrôle de l’immigration n’entraînent pas de violations des droits humains, ni n’y contribuent ou n’en tirent parti.

L’organisation appelle le gouvernement italien à prendre immédiatement les mesures suivantes :

  • annuler les accords relatifs au contrôle de l’immigration qu’il a conclus avec la Libye ;
  • s’assurer que tous les accords relatifs au contrôle de l’immigration négociés avec la Libye ou un autre pays sont rendus publics ;
  • divulguer le contenu des projets antérieurs et actuels de coopération avec la Libye, y compris de ceux financés par l’Union européenne, ainsi que les informations relatives à la fourniture de ressources, de personnel et de matériel ;
  • s’engager à ne pas conclure d’autres accords avec la Libye tant que le pays n’aura pas démontré qu’il respecte et protège les droits humains des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile et qu’il dispose d’un système satisfaisant d’examen et de traitement des demandes de protection internationale.
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