La chambre de contrôle géorgienne doit respecter les droits humains dans le cadre de l’enquête en cours sur les financements politiques

Amnesty International déplore que les sessions de questions auxquelles ont été soumis de nombreux membres et sympathisants de partis d’opposition à travers la Géorgie au cours de la semaine du 12 mars se soient accompagnées d’atteintes présumées aux garanties juridiques et de manœuvres d’intimidation visant les partisans de l’opposition.

Depuis dimanche 11 mars, plus de 100 personnes ont été convoquées, afin de répondre à des questions dans des bureaux administratifs de diverses régions – principalement dans l’ouest du pays –, par la chambre de contrôle géorgienne, l’agence nationale de vérification des comptes, chargée d’effectuer un suivi des financements de partis politiques.

D’après le responsable de cette agence, Levan Bezhachvili, le but de l’opération est d’enquêter sur de possibles irrégularités dans le financement des partis politiques, en comparant les déclarations comptables soumises par les partis et les dépenses réelles dans les régions. Seuls des individus entretenant des liens avec le principal mouvement d’opposition, « Rêve géorgien », coalition regroupant plusieurs partis d’opposition, ont été convoqués.

Aux termes de la loi sur les unions politiques de citoyens, la chambre de contrôle de Géorgie est autorisé à « solliciter des informations en relation avec les finances des partis politiques auprès des partis eux-mêmes, des autorités administratives et des banques commerciales. » Elle peut également « requérir des informations sur l’origine de biens transférés et reçus » auprès de « personnes ayant des buts politiques et électoraux affichés », ou de personnes qui leur sont apparentées .

Des dizaines de personnes ont été notifiées par la chambre de contrôle qu’elles étaient convoquées devant des représentants de cet organe. Les personnes en question incluaient des membres et sympathisants connus de partis d’opposition. En outre, et contrairement à ce que la loi prévoit, de nombreux individus n’ayant aucune affiliation politique connue, mais qui sont des sympathisants présumés de l’opposition, auraient également été convoqués.

Il semble qu’un grand nombre des partisans de l’opposition et des personnes non affiliées qui ont été interrogés se sont vu interdire de faire appel à un avocat, ce qui est illégal. L’examen sélectif de membres de partis d’opposition et de sympathisants présumés de ceux-ci, la manière dont beaucoup de ces entretiens se sont déroulés, la nature d’un grand nombre des questions posées et le nombre de personnes convoquées donnent à penser que cette opération est motivée par des considérations politiques et qu’elle vise à intimider les sympathisants avérés et potentiels de l’opposition.

Selon des informations fournies à Amnesty International par différentes sources, ces sessions sont souvent menées avec agressivité, en présence de nombreux policiers ; certaines personnes ont subi des fouilles invasives et ont été interrogées au sujet de leurs convictions et activités politiques personnelles, souvent sans être autorisées à faire appel à un avocat. Les personnes convoquées et leurs avocats ont indiqué que les questions portaient souvent sur des sujets généraux en relation avec leurs convictions et activités politiques, plutôt que sur les éventuelles transactions financières auxquelles elles avaient pu se livrer. Guiorgui Tchikaberidze, un avocat ayant représenté quatre personnes convoquées par la chambre de contrôle à Koutaïssi, a déclaré à Amnesty International qu’aucun de ses clients n’a obtenu d’explication concrète sur les éventuels soupçons pesant sur eux, ni sur les agissements illégaux ou violations présumés susceptibles de justifier leur convocation.

La durée moyenne de l’entretien était semble-t-il de deux heures, durant lesquelles les mêmes questions générales étaient posées sans relâche. Plusieurs des personnes interrogées, en particulier celles n’ayant pas d’avocat, auraient fait l’objet de menaces et d’actes d’intimidation. Au moins un avocat aurait été menacé et forcé à quitter la pièce où se déroulait une de ces sessions.

Teona Pkhakadze, 19 ans, membre de l’organisation de jeunesse du Parti républicain à Koutaïssi, a expliqué : « […] on m’a demandé de quelle manière et pour quelle raison je participais aux activités politiques de la branche jeunesse ; combien de fois je me suis rendue au siège de partis d’opposition à Tbilissi ; si j’avais signé des pétitions en faveur de partis d’opposition ou recueilli des signatures pour de telles pétitions […] Quand je leur ai demandé pourquoi j’avais été convoquée, ils m’ont répondu pour aucune raison en particulier. »

Moubariz Mamedov, membre du Parti républicain originaire de Sagarejo, est un citoyen géorgien d’origine azérie ; il a été interrogé pendant trois heures le 12 mars à la mairie de Sagarejo. Il a déclaré à Amnesty International : « J’ai été convoqué à la mairie, qui était entourée de policiers. Ils n’ont pas arrêté de me poser des questions sur les personnes que je soutiens dans le cadre des élections, et sur le genre d’activités auxquelles je participe en tant que membre d’un parti d’opposition. Vers la fin, les échanges sont devenus plus tendus, et ils m’ont dit de faire attention car je suis d’origine azérie et qu’il était possible que je sois expulsé du pays sous le nouveau gouvernement. »

Amnesty International demande aux autorités géorgiennes de veiller à ce que les investigations effectuées par la chambre de contrôle géorgienne soient conformes au droit et aux normes internationales relatives aux droits humains.

Ces nombreuses convocations envoyées à des membres de partis d’opposition et à des sympathisants présumés dans le but de les interroger au sujet de leurs inclinations et activités politiques font froid dans le dos, et pourraient bien constituer une violation des droits à la liberté d’expression et d’association.

Amnesty International demande à la chambre de contrôle et aux autorités géorgiennes concernées de faire en sorte que : les pouvoirs conférés à la chambre de contrôle afin de pouvoir interroger des personnes soient uniquement utilisés aux fins prévues par la loi et en conformité avec le droit ; que les questions soient posées dans le respect des droits humains et que les personnes convoquées soient libres de se faire assister par un avocat de leur choix.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit