La Chine doit mettre fin aux spoliations de terres et faire la lumière sur la mort en détention d’un manifestant

Mercredi 14 décembre, Amnesty International a appelé les autorités chinoises à mettre fin aux confiscations violentes et illégales de terres, alors que les manifestations de villageois se poursuivaient dans la province du Guangdong (sud du pays) à la suite de la mort en détention d’un défenseur des droits fonciers, Xue Jinbo.

Les habitants du village de Wukan protestent contre les dernières manœuvres effectuées, selon eux, par les autorités locales pour vendre secrètement leurs terres agricoles à des promoteurs. Ils affirment que les responsables locaux du Parti communiste ne les ont pas consultés au sujet de cette vente et qu’ils n’en ont pris connaissance qu’après le début des travaux de construction.

Xue Jinbo, 43 ans, est mort dimanche 11 décembre, sa troisième journée en détention. Il figurait parmi cinq personnes arrêtées vendredi dernier, soupçonnées d’avoir mené en septembre une manifestation au cours de laquelle des protestataires ont envahi des bâtiments gouvernementaux et retourné des voitures de police. La police antiémeutes a réagi en frappant des villageois, dont au moins deux enfants d’après certains médias.

« Les autorités doivent permettre l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante sur la mort de Xue Jinbo, pour prouver qu’il n’est pas mort des suites de mauvais traitements ou d’actes de torture aux mains de représentants de l’État, a souligné Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Malheureusement, malgré les discours du gouvernement promettant de protéger les citoyens des violations de leurs droits lors des expulsions, nous continuons de recevoir des informations selon lesquelles des habitants sont battus, détenus voire tués en essayant de protéger leurs terres – parfois par les autorités mêmes qui sont censées les protéger. »

Des membres de sa famille et des villageois ont déclaré à des journalistes que Xue Jinbo semblait avoir été torturé car son corps présentait des contusions sombres ainsi que des coupures au visage et ses deux pouces paraissaient cassés.

Les autorités de la ville de Shanwei, dont dépend Wukan, ont indiqué dans une déclaration qu’elles avaient interrogé Xue Jinbo à deux reprises pendant sa détention. Elles ont affirmé qu’il avait « avoué » avoir participé aux événements du 21 septembre, notamment à la « destruction de biens publics ».

Elles ont précisé qu’il paraissait malade dimanche 11 décembre et qu’elles l’avaient envoyé à l’hôpital, où il est décédé à la suite d’une défaillance cardiaque 30 minutes après son arrivée. Selon les autorités, le département de médecine légale de l’université de Zhongshan a mené une « enquête » et confirmé la cause de la mort, mais elles accepteraient qu’une autopsie soit pratiquée.

Des policiers ont effectué une descente à Wukan vendredi pour arrêter Xue Jinbo et quatre autres personnes qui représentaient les villageois dans le mouvement de protestation contre la confiscation de terres. Dimanche matin, un millier d’agents armés sont arrivés aux abords du village, selon certaines informations parues dans les médias, mais les habitants les ont bloqués. Les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les villageois mais ont fini par se retirer, en formant un barrage autour du village.

Les expulsions forcées et souvent violentes de villageois hors de leurs habitations et de leurs fermes sont une pratique courante en Chine – aussi bien dans les villes qu’à la campagne.

En violation du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales en la matière, les citoyens chinois n’ont guère l’occasion d’être véritablement consultés avant les expulsions, sont rarement informés comme il se doit de leur nature et de leur motif, et bien souvent ne sont presque pas voire pas du tout indemnisés.

Ils n’ont quasiment aucun moyen de s’opposer à une expulsion prévue. Généralement, les tribunaux n’acceptent pas de traiter les dossiers relatifs à des confiscations de terres ou à des expulsions par crainte de mettre en colère les autorités locales, qui comptent sur les revenus tirés de la vente de terrains pour arrondir leur budget.

Cette année, le gouvernement a adopté des mesures réglementaires fournissant certaines protections contre les expulsions forcées aux personnes vivant en zone urbaine, mais ces mesures laissent l’immense majorité de la population sans protection, notamment les locataires et les habitants des campagnes.

« Les dirigeants de la Chine disent qu’ils veulent que les autorités locales placent les droits, la santé et le bien-être des résidents au premier plan dans leur recherche de modernisation et de croissance, a ajouté Catherine Baber.

« Malheureusement, les citoyens ne cessent de nous dire que leurs droits sont sacrifiés sur l’autel du profit. »

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