La communauté internationale doit aider à examiner de manière approfondie les homicides de manifestants au Yémen

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR

5 avril 2011

La communauté internationale doit jouer un rôle plus actif pour que les Yéménites puissent établir les responsabilités des homicides sanglants de ces dernières semaines, a déclaré Amnesty International lors de la publication d’un nouveau rapport portant sur les violations des droits humains survenues au Yémen au cours de l’année écoulée.

Intitulé Moment of Truth for Yemen, ce document fait état de la répression brutale des manifestations contre le président Ali Abdullah Saleh, qui a entraîné la mort de 94 personnes selon les chiffres les plus récents obtenus par l’organisation. Ces actions de protestation sont alimentées par l’exaspération de la population face à la corruption, au chômage et à la répression des libertés.

« Le bilan du gouvernement yéménite, en ce qui concerne les enquêtes sur les responsables présumés d’homicides illégaux et d’actes de torture et autres mauvais traitements, ainsi que la traduction en justice de ceux-ci le cas échéant, est désastreux », a déploré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« La communauté internationale apporte aux autorités yéménites son assistance en matière de développement et de sécurité lorsque cela lui est demandé. Il est désormais temps pour elle d’intervenir et d’aider à rendre justice aux familles de ceux qui ont perdu la vie durant cette période agitée.  »

Les pires violences se sont produites le 18 mars, nommé depuis «  Vendredi sanglant » par les manifestants, lorsque des tireurs embusqués ont lancé une attaque, semble-t-il coordonnée, contre un camp de manifestants à Sanaa, tuant selon certaines informations 52 personnes et en blessant des centaines d’autres.

Un témoin a indiqué à Amnesty International que la plupart des personnes tuées avaient été touchées à la tête, à la poitrine ou au cou, et que la plupart étaient mortes sur place.

Le gouvernement yéménite a annoncé le 19 mars qu’une enquête serait ouverte, mais n’a rendu public aucun autre détail.

À la connaissance d’Amnesty International, aucun membre des forces de sécurité n’a fait l’objet d’une enquête pour les morts survenues lors de manifestations anti-gouvernementales depuis la mi-février 2011.

L’organisation a engagé les autorités yéménites à admettre qu’elles ont besoin de l’aide de la communauté internationale pour mener à bien des enquêtes permettant de faire toute la lumière sur les homicides ayant marqué le mouvement de protestation récent dans le pays.

« Les Yéménites ont besoin qu’une commission indépendante mène une enquête sur les événements ayant fait des morts et des blessés parmi les manifestants ou des passants ces dernières semaines », a ajouté Philip Luther.

« Cette enquête doit avoir les moyens de ses ambitions, et notamment avoir le pouvoir requis pour obliger des fonctionnaires à témoigner, et veiller à ce que toute personne soupçonnée d’avoir commis ou commandité des homicides illégaux ou d’être responsable d’un recours excessif à la force soit déférée à la justice. »

Des manifestations de grande ampleur ont continué d’avoir lieu au Yémen et ont été dans certains cas violemment réprimées. Entre le 2 et le 4 avril, des milliers de personnes sont descendues dans la rue à Taizz où les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive, blessant des centaines de personnes. On ignore pour l’instant le nombre de personnes tuées à cette occasion.

Amnesty International a émis une mise en garde contre tout éventuel marchandage politique en vertu duquel le président Saleh, ses proches et peut-être d’autres personnes se verraient accorder une immunité de poursuites en échange d’une passation de pouvoir.

« On ne saurait autoriser les hommes forts du régime à se faire discrètement écarter alors que les Yéménites réclament haut et fort des comptes  », a poursuivi Philip Luther.

« Pour commencer à désamorcer les tensions à travers le pays, il faut faire en sorte que la vérité et la justice triomphent, non pas essayer de trouver des moyens de les contourner. »

Le rapport décrit également en détail les vives préoccupations d’Amnesty International face aux violations persistantes des droits humains – homicides illégaux, torture et maintiens prolongés en détention sans inculpation – commises par le gouvernement en réaction aux appels de plus en plus pressants à la sécession dans le sud, aux attaques perpétrées par Al Qaïda et au conflit sporadique avec les rebelles huthis dans le nord.

Toute commission d’enquête sur les morts survenues depuis février dans le cadre des manifestations doit servir de tremplin vers un processus beaucoup plus large de lutte contre les effets de l’impunité pour les violations systématiques observées ces dernières années, a déclaré l’organisation.

Amnesty International a également exhorté tous les gouvernements à immédiatement suspendre la fourniture et les transferts d’armes, de munitions et d’équipements connexes aux forces de sécurité yéménites si ce matériel est susceptible d’être utilisé dans le cadre d’un recours excessif à la force pour le maintien de l’ordre lors des manifestations.

Les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni sont les principaux fournisseurs du Yémen, suivis par les gouvernements des pays suivants : Allemagne, Bulgarie, France, Italie, République tchèque, Russie, Turquie et Ukraine.

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