Communiqué de presse

La conférence de paix sur la Syrie doit apporter une réponse à la famine des civils assiégés

La conférence de paix Genève II sur la Syrie doit s’attacher à mettre un terme aux sièges imposés par le gouvernement aux villes tenues par l’opposition, où les civils meurent de faim, a déclaré Amnesty International.

L’organisation exhorte le gouvernement et les groupes de l’opposition à prendre l’engagement de laisser les organisations humanitaires opérer librement en Syrie durant les pourparlers initiés par l’ONU, qui vont débuter le 22 janvier en Suisse.

« Des images poignantes nous sont parvenues ces derniers jours de villes syriennes assiégées, montrant des enfants au visage émacié et des silhouettes squelettiques, à la peau jaunie. La crise humanitaire en Syrie s’étend à un rythme effréné. Nous engageons tous les États participant aux discussions de Genève II, l’ONU, le gouvernement syrien et la Coalition nationale syrienne, à ériger en priorité absolue le soulagement des souffrances de la population syrienne, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Si la conférence de paix a bien lieu comme prévu, elle représentera une rare occasion de faire des progrès décisifs en matière de droits humains, pour les deux parties au conflit. Les acteurs de Genève II doivent veiller à ce que les droits humains figurent en première ligne de l’ordre du jour et ne soient pas sacrifiés sur l’autel de compromis politiques. »

Le gouvernement syrien empêche l’aide vitale de parvenir à la population civile à Damas et aux alentours, notamment au camp de réfugiés palestiniens d’al Yarmouk, où au moins 49 personnes, dont 17 femmes et fillettes, seraient mortes depuis le mois de juillet 2013 ; certaines sont mortes de faim. Un infirmier d’un hôpital local a confié à Amnesty International que depuis mi-novembre 2013, lorsque les forces gouvernementales ont pris le contrôle d’un secteur proche du camp, plusieurs civils ont été abattus par des tireurs isolés alors qu’ils cherchaient de la nourriture dans les champs voisins.

« Chaque jour, nous recevons en moyenne quatre personnes, dont probablement la moitié sont des femmes, qui se sont faits tirer dessus par des tireurs embusqués alors qu’elles cueillaient des plantes et des feuilles d’arbustes dans les champs. Les femmes disent qu’elles préfèrent risquer leur vie pour épargner celle de leurs enfants. Une fois, nous avons vu arriver le corps d’un adolescent, de 16 ou 17 ans, qui avait été abattu. Son père s’est mis à lui parler : " Tu es mort parce que tu voulais cueillir des feuilles d’hibiscus pour ta famille. " C’était déchirant », a expliqué cet infirmier.

À Mouadamiya et dans la Ghouta orientale, et dans d’autres secteurs, les civils sont pris au piège en raison des blocus et souffrent de la terrible pénurie de nourriture et de médicaments. En décembre 2013, Valérie Amos, responsable des opérations humanitaires de l’ONU, a estimé que 250 000 personnes se trouvant dans des zones assiégées étaient hors de portée de l’aide humanitaire.

Un civil pris au piège à Mouadamiya a raconté à Amnesty International : « Je me lève la nuit et je bois de l’eau plusieurs fois, dans l’espoir qu’au matin je sentirai moins la faim… Il n’y a absolument rien à manger. » Malgré la trêve observée par les forces gouvernementales syriennes et les groupes armés d’opposition dans cette ville en décembre, l’aide humanitaire qui a pu y entrer était très insuffisante, notamment en ce qui concerne des aliments essentiels comme les fruits et les légumes.

« Le gouvernement syrien punit cruellement les civils qui vivent dans les secteurs tenus par l’opposition. Affamer les civils à titre de stratégie militaire est un crime de guerre. Il faut lever les blocus et rappeler que l’accès à l’aide humanitaire ne doit pas servir à marquer des points sur le plan militaire ou politique », a déclaré Philip Luther.

Si les autorités syriennes peuvent contrôler les marchandises qui entrent et sortent des villes, elles ne doivent pas bloquer l’entrée de produits de première nécessité comme la nourriture et les fournitures médicales. Les forces du gouvernement comme celles de l’opposition doivent permettre aux employés qui apportent une assistance humanitaire vitale de circuler en toute sécurité et mettre fin aux attaques ciblant les travailleurs médicaux et humanitaires.

Des militants détenus et des civils retenus en otages

En plus de garantir l’accès humanitaire, Amnesty International demande aux participants de la conférence Genève II, et plus particulièrement aux États qui jouissent d’une influence sur le gouvernement syrien et les groupes armés d’opposition, d’assurer la libération de tous les militants pacifiques, y compris les défenseurs des droits humains, et des otages civils.

Depuis 2011, les forces de sécurité gouvernementales ont arrêté des milliers d’opposants pacifiques. Si certains ont été libérés, de nombreux détenus ont été torturés à mort ou condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de procès iniques. D’autres sont toujours détenus sans jugement.

Majd al Din al Kholani
, 25 ans, est l’un de ces détenus. Il a été interpellé en 2011 après avoir organisé des manifestations à Daraya, ville située au sud-ouest de Damas. Il a donné aux soldats syriens des bouquets de fleurs dans des bouteilles d’eau pour s’opposer au recours à la force contre les manifestants. Il est toujours détenu au secret. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion qui, à l’instar de nombreux militants pacifiques, doit être libéré immédiatement et sans condition. Récemment, l’organisation a reçu des informations crédibles selon lesquelles son dossier avait été transmis à un tribunal militaire secret, qui pourrait le condamner à mort ou prolonger sa peine d’emprisonnement.

En août 2013, au moins 105 civils, majoritairement des femmes et des enfants, ont été enlevés dans leurs villages à majorité alaouite par un groupe armé qui espérait les échanger contre des combattants de l’opposition capturés par le régime. Ces civils sont toujours retenus en otages. Les pays qui participent à la conférence Genève II et qui ont une influence sur ces groupes armés d’opposition doivent agir en faveur de leur libération, en toute sécurité.

« Trop de gens sont arrêtés, enlevés et soumis à des disparitions forcées en Syrie, et on ignore le sort qui leur est réservé. Tout accord souscrit entre les participants de la conférence de paix Genève II doit englober comme objectif la libération des milliers de militants pacifiques comme Majd al Din al Kholani et des personnes kidnappées, notamment les femmes et les enfants », a déclaré Philip Luther.

La voix des femmes syriennes

Par ailleurs, Amnesty International demande que les militants locaux et les femmes bénéficient d’une tribune à Genève II, afin qu’ils puissent contribuer aux prises de décision.

Amnesty International invite les États à stopper tous les transferts d’armes à destination du gouvernement syrien et de l’État islamique en Irak et al Sham (ISIS), ainsi que de tous les groupes armés d’opposition qui commettent des crimes de guerre et de graves exactions.

Il importe aussi de mettre fin aux attaques visant des cibles non militaires, notamment imputables au gouvernement, et il faut que les deux parties cessent de recourir massivement aux exécutions sommaires et à la torture. Depuis 2011, Amnesty International demande au Conseil de sécurité de l’ONU de déférer la situation en Syrie au procureur de la Cour pénale internationale.

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