La Côte d’Ivoire doit assister la CPI dans l’enquête sur les violences ayant fait suite à l’élection présidentielle

Il est temps pour les autorités ivoiriennes de coopérer pleinement avec une enquête ouverte par la Cour pénale internationale (CPI) sur les violations des droits humains commises après l’annonce des résultats contestés de l’élection présidentielle de 2010, a déclaré Amnesty International un an après l’épisode le plus violent.

Des centaines de personnes ont été tuées dans la zone de Duékoué, à 500 km à l’ouest d’Abidjan, au cours de trois jours de combats intenses ayant débuté le 28 mars 2011 entre les forces loyales à Laurent Gbagbo, le président sortant, et celles soutenant Alassane Outtara, le président élu.

À la connaissance d’Amnesty International, aucune des personnes soupçonnées d’avoir joué un rôle dans les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés à Duékoué n’ont été déférées à la justice. La CPI a annoncé qu’elle enquêterait sur ces violences.

« Les autorités ivoiriennes doivent se montrer à la hauteur de la détermination à mettre fin à l’impunité affichée à plusieurs reprises par le président Ouattara, et agir afin que les terribles crimes commis à Duékoué il y a 12 mois ne restent pas impunis », a souligné Salvatore Saguès, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

Le gouvernement du président Ouattara doit soutenir l’enquête de la CPI et lancer par ailleurs une procédure nationale d’enquête sur les personnes soupçonnées d’avoir joué un rôle dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des violations des droits humains – quelle que soit leur affiliation politique.

« S’il existe suffisamment de preuves recevables, le gouvernement doit traduire les responsables en justice. »

Le 28 mars 2011, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), loyales au président Ouattara, ont lancé une attaque contre les forces soutenant Laurent Gbagbo, qui refusait de céder le pouvoir.

Tout au long de la journée, les forces pro-Gbagbo ont pillé les biens de Malinkés (Dioulas) et tué des civils.

Les FRCI, soutenues par des Dozos, des chasseurs traditionnels locaux, et des groupes armés, ont pris le contrôle de la ville lendemain.

Des centaines de Guérés soupçonnés d’être des partisans de Laurent Gbagbo ont été tués pour des motifs d’appartenance ethnique et politique. Des centaines de familles déplacées par les combats ne sont à l’heure actuelle toujours pas rentrées chez elles.

Il a été demandé à certaines victimes, avant qu’elles ne soient tuées, de donner leur nom et de montrer leur carte d’identité. Certaines de ces cartes d’identité ont été trouvées à côté des corps.

Une commission internationale d’enquête a conclu que les deux camps s’étaient rendus coupables, durant la période postélectorale, d’atteintes aux droits humains susceptibles de constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Laurent Gbagbo a été remis à la CPI en novembre 2011 et la Cour a fait un premier pas sur le terrain de la lutte contre l’impunité. L’ancien président est accusé de meurtre, de viol et d’autres formes de violences sexuelles, de persécution et d’autres actes inhumains.

« Le transfert de Laurent Gbagbo est une avancée positive, et maintenant la CPI et le gouvernement ivoirien doivent se pencher sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par les deux camps pendant les six mois de violence meurtrière ayant fait suite aux élections », a ajouté Salvatore Saguès.

Une délégation d’Amnesty International envoyée en Côte d’Ivoire a recueilli plus de 100 témoignages de personnes ayant échappé au massacre du 29 mars 2011 à Duékoué et dans des villages voisins.

Leurs déclarations indiquent toutes que les homicides commis s’inscrivaient dans des attaques généralisées et systématiques contre la population civile de la part des deux camps, notamment de mercenaires libériens pro-Gbagbo, de membres des FRCI en uniforme soutenant Alassane Outtara et de Dozos.

Amnesty International a par ailleurs rassemblé des informations concernant d’autres crimes contre l’humanité et crimes de guerre perpétrés dans le pays ces dix dernières années.

Une commission Vérité et Réconciliation a été mise en place en septembre 2011 afin de fournir un espace d’expression pour les victimes de la violence et de ses conséquences.

« La commission doit veiller à ce que l’ensemble des victimes soient associées au processus de réconciliation et à faire respecter le droit de toutes les victimes à obtenir vérité, justice et des réparations complètes », a conclu Salvatore Saguès.

Complément d’information

En février 2012, la Chambre préliminaire de la CPI a autorisé le bureau du procureur à élargir son enquête au-delà des crimes commis après le 28 novembre 2010, afin d’inclure ceux qui avaient été perpétrés en Côte d’Ivoire depuis 2002.

Le procureur n’a pas encore annoncé si les enquêtes couvriraient l’intégralité de cette période.

Afin que sa collaboration avec la Cour pénale internationale soit effective, Amnesty International a engagé le gouvernement ivoirien à ratifier le Statut de Rome et à promulguer des lois prévoyant une coopération totale.

L’organisation a par ailleurs demandé une révision du droit pénal afin qu’il soit possible de véritablement poursuivre les auteurs présumés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre devant la justice nationale.

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