La Cour suprême du Brésil face à un choix historique concernant les droits humains

ÉFAI-20 août 2010
Index AI : AMR 19/010/2010

Le 25 août, la Cour suprême du Brésil se réunira afin de déterminer si l’homicide du défenseur des droits humains Manoel Mattos, ainsi que les activités des escadrons de la mort dans le nord-est du Brésil, doivent faire l’objet d’une enquête et d’un procès à l’échelon fédéral.

Le procès de l’affaire Manoel Mattos, qui se déroule actuellement devant des tribunaux régionaux, s’accompagne d’actes de violence et d’intimidation. Un témoin, Maximiano Rodrigues Alves, a récemment été victime d’une tentative d’assassinat ; on lui a tiré dessus quatre fois. Cela s’ajoute aux menaces visant de longue date procureurs et responsables de la police menant l’enquête sur les activités des escadrons de la mort dans la région.

Dans une région où les informations faisant état de l’implication de policiers et politiciens locaux au sein des escadrons de la mort circulent depuis longtemps, Amnesty International estime que tout procès touchant à ces questions sera sujet à caution. Ce n’est qu’au niveau fédéral que les homicides de Manoel Mattos et des innombrables autres victimes des activités des escadrons de la mort pourront correctement être jugés.

Cinq ans après que l’enquête parlementaire fédérale sur ces groupes eut mis au jour un vaste réseau d’escadrons de la mort à travers le nord-est du Brésil, les autorités locales n’ont toujours pas éradiqué le problème. Face à cette inertie, des organisations de défense des droits humains et ONG locales, dont Justiça Global et Dignitatis, ont lancé une campagne visant à obtenir que la justice fédérale se saisisse du cas de Manoel Mattos, ainsi que de plusieurs centaines d’autres homicides imputés à des escadrons de la mort dans la région.

Depuis que la Constitution a été modifiée en 2004 afin de permettre que les cas de violations graves des droits humains soient jugés par le système de justice fédéral, et de veiller ainsi à ce que le Brésil honore les obligations internationales qui sont les siennes en vertu des traités relatifs aux droits humains, les autorités fédérales n’ont encore engagé de poursuites dans aucune affaire de ce type. Un éventuel vote de la Cour suprême en faveur du renvoi de l’affaire devant la justice fédérale constituerait un tournant dans le cadre de la lutte pour les droits fondamentaux au Brésil.

Selon les chiffres fournis par Philip Alston, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, jusqu’à 70 % des homicides commis dans l’État de Pernambouc sont attribués aux escadrons de la mort – dont un grand nombre entretiennent des liens directs avec la police locale.

En 2005, Manoel Mattos a témoigné et fourni des éléments de preuve dans le cadre d’une enquête parlementaire fédérale sur les escadrons de la mort dans le nord-est du Brésil. Il a décrit comment ces groupes opéraient dans la zone frontalière entre les États de Pernambouc et de la Paraíba, où sont perpétrés de nombreux homicides d’enfants des rues, de travailleurs agricoles et de petits délinquants présumés. Dans un document produit en collaboration avec les services du procureur, il a dénoncé plus de 100 homicides commis par des membres des escadrons de la mort locaux.

Après avoir été la cible de multiples menaces de mort, Manoel Mattos a été abattu le 24 janvier 2009 d’une balle dans la poitrine, tirée à bout portant par deux hommes cagoulés entrés chez lui par effraction.

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