La dissidence réduite au silence au Sri Lanka

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI

Tandis que les hostilités s’intensifient et que les violations des droits humains se multiplient au Sri Lanka, les menaces pesant sur les médias et la liberté de la presse dans ce pays augmentent à un rythme alarmant, ainsi que le décrit le nouveau rapport Silencing Dissent rendu public ce jeudi 7 février par Amnesty International.

L’organisation a découvert que depuis début 2006 au moins 10 personnes travaillant dans les médias avaient été victimes d’un homicide illégal, qu’au moins deux autres avaient « disparu », et que d’autres encore avaient été soumises à des actes de torture et à des arrestations arbitraires, au titre de dispositions d’urgence octroyant au gouvernement des pouvoirs très étendus.

Le rapport montre également que les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) n’autorisent aucun des médias indépendants locaux à se rendre sur les territoires qu’ils contrôlent, et qu’ils suivent de près le travail des journalistes, auxquels ils imposent des restrictions. Il est arrivé que les LTTE prennent pour cibles des journalistes dans d’autres régions du pays.

« Les enquêtes sont au point mort et personne n’a été déféré à la justice pour ces homicides qui ont endeuillé le monde des médias, y compris pour des cas datant de 1990, a déclaré Pia Oberoi, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique de l’organisation. Amnesty International demande aux autorités sri-lankaises de déférer à la justice les auteurs présumés de ces agissements et de mettre immédiatement fin à l’impunité dont bénéficient les forces de sécurité lorsqu’elles se livrent à des actes d’intimidation envers les médias. »

La répression des médias porte atteinte à la liberté d’expression, elle étouffe le débat et empêche un véritable examen des atteintes aux droits humains qui sont commises. Amnesty International condamne la campagne d’intimidation menée par le gouvernement contre les médias, et exhorte les autorités à respecter et protéger le droit des médias à travailler sans peur.

Les journalistes ont également été visés dans le sud, en particulier ceux couvrant les affaires de corruption. Le 16 août 2007, Iqbal Athas, journaliste chevronné, s’est vu privé du personnel de sécurité qui lui avait été fourni par le gouvernement. Une protection policière lui avait été accordée après qu’il eut fait l’objet de menaces répétées de la part de membres des forces de sécurité, irrités par ses reportages sur des ventes d’armes.

L’organisation a également engagé les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul à mettre un terme à leur stratégie d’intimidation et de répression des médias dans les zones sous leur contrôle.

La faction Karuna – groupe dissident des LTTE –, agissant semble-t-il avec l’accord des forces gouvernementales, se serait acharnée contre certains médias et aurait mis un coup d’arrêt à la diffusion des journaux Sudar Oli et Thinakkural dans les districts de Batticaloa, Trincomalee et Ampara (dans l’est) depuis janvier 2007.

En outre, les informations faisant état de manœuvres d’intimidation en direction d’artistes, dont des acteurs et des réalisateurs, sont de plus en plus fréquentes. Un réalisateur, évoquant l’interdiction du film Aksharaya d’Asoka Handagama, affirme que les tentatives du gouvernement visant à interdire ce film relèvent d’une volonté générale « de barrer la route au cinéma se préoccupant du politique et du social ».

Pour Pia Oberoi, « ces fréquentes attaques en direction des journalistes et le climat d’impunité régnant dans le pays sont en train de faire du Sri Lanka un État digne d’un roman d’Orwell, où les voix critiques sont étouffées. »

Amnesty International demande aux autorités sri-lankaises et aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul :

– de respecter et de protéger les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes travaillant pour les médias, conformément aux obligations du Sri Lanka aux termes du droit international ;

– de déclarer de façon claire que les homicides, menaces et autres attaques visant des personnes appartenant au monde des médias ne seront pas tolérés ;

– de faire en sorte que toutes les agressions dont font l’objet des personnes travaillant dans les médias, quelle que soit l’identité des auteurs présumés ou des victimes, donnent lieu dans les meilleurs délais à des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces ;

– de respecter et de faire respecter le droit à la liberté d’opinion et d’expression, conformément aux obligations du Sri Lanka en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et d’autres normes et traités internationaux.

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