La fustigation viole le droit international

Le gouvernement indonésien doit mettre fin à l’usage de la fustigation comme forme de châtiment et abroger ou modifier les dispositions du Code pénal islamique de l’Aceh (Qanun Jinayat) qui prévoient cette violation du droit international.

Des peines de fustigation sont appliquées pour diverses « infractions » pénales, dont la vente de boissons alcoolisées (khamar), les relations sexuelles consenties en dehors du mariage (zina) et le fait de se trouver seul en compagnie d’une personne du sexe opposé qui n’est ni un conjoint, ni un parent (khalwat).

Le 12 avril, cinq personnes ont été fustigées devant une foule à Takengon, une ville du district de l’Aceh central (Kabupaten Aceh Tengah), dans la province de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam). Parmi elles figuraient un couple reconnu coupable d’«  adultère » – c’est à dire de relations sexuelles en dehors du mariage –, un homme et une femme reconnus coupables de khalwat et une chrétienne reconnue coupable d’avoir vendu de l’alcool. Cette dernière, qui a reçu 28 coups de bâton, est la première personne non musulmane punie en vertu de la charia, qui avant octobre 2015 ne s’appliquait qu’aux musulmans en Aceh. L’homme et la femme reconnus coupables d’« adultère » se sont vu infliger 100 coups de bâton chacun et ceux reconnus coupable de khalwat en ont reçu trois chacun.

La fustigation et les autres formes de châtiments corporels sont interdits par le droit international, notamment par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, deux traités auxquels l’Indonésie est partie. En 2013, le Comité des droits de l’homme, qui veille au respect du PIDCP par les États, a engagé l’Indonésie à abroger les dispositions de la législation de l’Aceh autorisant le recours aux châtiments corporels. En 2008, le Comité contre la torture avait déjà exhorté l’Indonésie à réexaminer tout son arsenal législatif national et local autorisant le recours aux châtiments corporels comme sanctions pénales, en vue de leur abolition immédiate.

La criminalisation des relations sexuelles entre adultes consentants est de plus clairement contraire au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière. Le Comité des droits de l’homme, en particulier, a statué que les lois rendant les actes sexuels entre adultes consentants passibles de poursuites pénales violaient le droit à l’intimité et devaient être abrogées.

Les autorités de l’Aceh doivent cesser d’utiliser la fustigation comme châtiment et revoir sans délai les dispositions du Code pénal islamique de l’Aceh prévoyant des peines de fustigation et criminalisant les relations sexuelles entre adultes consentants, en vue de les abroger ou de les modifier afin de les rendre conformes au droit international relatif aux droits humains. Les autorités indonésiennes doivent également réviser les dispositions de ce type.

Au moins 60 personnes ont été fustigées depuis le début de l’année 2016 pour des infractions au Code pénal islamique de l’Aceh, notamment pour jeux d’argent, consommation d’alcool, « adultère » ou démonstrations publiques d’affection en dehors des liens du mariage. En 2015, au moins 108 personnes ont subi une telle peine. Les séances de fustigation se déroulent régulièrement dans des lieux publics et attirent les foules, si bien que des gens prennent des photos et des vidéos qui peuvent accroître encore l’humiliation et la souffrance à long terme des personnes soumises à ce châtiment cruel, douloureux et dégradant.

Amnesty International et l’organisation indonésienne Institute for Criminal Justice Reform (ICJR) rappellent au gouvernement indonésien ses obligations internationales en matière de droits humains, aux termes desquelles il est tenu de respecter et de protéger les droits fondamentaux dans la législation et la pratique de toutes les provinces et régions autonomes du pays, y compris dans les provinces ayant conclu des arrangements spéciaux d’autonomie. Dans les zones où des lois religieuses telles que le Code pénal islamique de l’Aceh sont en vigueur, elles ne doivent pas entraîner l’application de dispositions pénales et de peines contraires aux obligations de l’Indonésie au regard du droit international.

Adopté par le Parlement de l’Aceh en 2014, le Code pénal islamique de l’Aceh est entré en vigueur dans toute la province le 23 octobre 2015. Des règlements régissant l’application de la charia sont en vigueur en Aceh depuis l’adoption de la Loi spéciale relative à l’autonomie en 2001 et sont appliqués par des tribunaux islamiques. Ils sont très critiqués car ils augmentent le nombre d’infractions passibles de fustigation et prévoient dans certains cas jusqu’à 200 coups de bâton. Parmi les «  infractions » concernées figurent les relations intimes entre adultes non mariés, les relations sexuelles hors mariage, les relations sexuelles entre personnes du même sexe, la consommation et la vente d’alcool et les jeux d’argent. Bien qu’il soit qualifié de Code pénal islamique, le Qanun Jinayat s’applique aussi bien aux musulmans qu’aux non-musulmans. Il comporte des infractions qui ne sont pas traitées en tant que telles par le Code pénal indonésien, ainsi que des dispositions qui ne respectent pas le droit international relatif aux droits humains.

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