Communiqué de presse

La « guerre contre les femmes » en Afghanistan Par Horia Mosadiq, chercheuse d’Amnesty International spécialiste de l’Afghanistan.

Le meurtre de Sushmita Banerjee, dont le corps criblé de balles a été laissé aux abords de la province afghane du Paktika, est effrayant mais n’est malheureusement pas surprenant.

Cette Indienne avait échappé à la captivité sous le régime des talibans en 1995 et écrit par la suite un livre racontant ses expériences.

Les autorités afghanes affirment maintenant avoir arrêté deux hommes pour son meurtre, chose inhabituelle dans les affaires de violence à l’égard des femmes.

Depuis plus d’un an, nous voyons de nombreux cas où des femmes et des jeunes filles ont été battues, défigurées, enlevées ou tuées dans le pays – surtout dans des zones rurales.

Celles-ci sont victimes de leur conjoint, de leurs proches ou de groupes armés, dont les talibans, parfois en pleine journée. Néanmoins, aucun des détenteurs du pouvoir ne semble vraiment prêter attention à cette situation.

Beaucoup de femmes n’ont d’autre choix que le silence. Si elles osent signaler des violences ou même tenter d’échapper à leurs agresseurs, elles seront très probablement tuées. Et même pour les militants qui essaient de les aider, parler peut être fatal.

Parmi les nombreuses femmes que j’ai rencontrées au cours de ma dernière visite en Afghanistan figurait Noorzia Atmar, ancienne députée dont le mari a failli la tuer en lui tailladant la gorge. Noorzia a fini par se réfugier dans un abri tenu secret où elle a entamé une procédure de divorce. Après plusieurs mois de négociations, son mari a accepté de divorcer, à condition de ne pas être poursuivi si elle venait à être tuée. Le tribunal a accepté.

Si une telle chose peut arriver à une femme en position d’autorité, qu’est-ce que cela doit être pour les millions de femmes et de jeunes filles qui vivent en zone rurale dans le pays, loin des regards ?

Les autorités afghanes semblent ne faire guère plus que d’exprimer publiquement de l’indignation face aux histoires qui font les gros titres et de promettre d’enquêter sur les faits, de poursuivre les agresseurs et de les sanctionner. Cependant, dans la plupart des cas, ces promesses sonnent faux car les crimes contre des femmes font très rarement l’objet d’enquêtes dignes de ce nom et les responsables présumés ne sont quasiment jamais conduits devant la justice.

Lorsque même les juges n’osent pas prendre de risques pour protéger les femmes, l’espoir s’envole rapidement.

Outre les talibans, les femmes subissent des violences aux mains de leur mari, de leur père, de leurs frères et de leurs cousins – uniquement parce que les hommes savent qu’ils peuvent agir en toute impunité. Ils savent que personne ne les arrêtera. Chaque fois qu’une femme est battue, brûlée ou tuée et que, chose exceptionnelle (encore faut-il qu’ils soient poursuivis), les auteurs présumés de ces crimes sont emprisonnés quelques mois avant d’être libérés, cela ne fait que soutenir l’idée que ces violences sont autorisées.

Pourtant, beaucoup de choses pourraient être faites pour empêcher ces crimes atroces et la peur qu’ils sèment parmi les Afghanes.

En 2009, l’Afghanistan a promulgué une loi sur l’élimination de la violence envers les femmes, qui changerait tout si les tribunaux du pays s’engageaient à l’appliquer pleinement.

Peut-être plus important encore, la situation commencerait vraiment à évoluer si les autorités afghanes consacraient le temps et les ressources nécessaires à la sensibilisation des procureurs, des juges, des policiers et de la population au fait que la violence envers les femmes est, tout simplement, illégale et passible de sanctions pénales. Tout le monde doit comprendre une bonne fois pour toutes que toutes les femmes – ni plus ni moins que les hommes – ont le droit humain fondamental d’étudier, de travailler, d’exprimer leurs opinions et, plus généralement, de vivre la vie qu’elles choisissent, sans subir de violences et d’intimidations.

Tant que cela ne sera pas fait, les meurtres tragiques tels que celui de Sushmita Banerjee continueront d’être traités comme de simples statistiques.

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