La justice due aux victimes du conflit de Gaza est en jeu


Déclaration publique

Index AI : MDE 02/002/2010 - ÉFAI

15 septembre 2010

Un an après que la mission d’établissement des faits des Nations unies a conclu que les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens ont commis des crimes de guerre, d’éventuels crimes contre l’humanité et d’autres graves violations du droit international durant le conflit de 2008 et 2009 à Gaza et dans le sud d’Israël, Amnesty International a condamné l’absence prolongée d’obligation de rendre des comptes et souligné que l’espoir des victimes d’obtenir justice était désormais en jeu.

Au cours de sa présente session qui s’est ouverte lundi 13 septembre 2010, le Conseil des droits de l’homme doit examiner le rapport du Comité d’experts chargé en mars d’étudier les mesures prises par les parties israéliennes et palestiniennes en vue d’enquêter sur les crimes qu’auraient commis leurs forces, ainsi que l’étendue et l’efficacité de ces investigations.

Selon Amnesty International, le Conseil doit également s’interroger sur l’opportunité d’en appeler à la justice internationale, particulièrement si, comme l’a démontré la propre évaluation des investigations effectuée par l’organisation, le Comité d’experts conclut qu’aucune des deux parties en présence n’a mené d’enquêtes satisfaisantes ni pris des mesures afin que justice soit rendue et que les responsabilités soient établies pour les crimes imputables à leurs forces.

Le rapport de la mission d’enquête des Nations unies sur le conflit de Gaza, dirigée par le juge Richard Goldstone, préconisait que le gouvernement israélien et les autorités compétentes de la bande de Gaza se voient accorder un délai de six mois pour mener des investigations en toute bonne foi. Le Conseil des droits de l’homme et l’Assemblée générale ont alors engagé les autorités israéliennes et palestiniennes à mener des enquêtes indépendantes, crédibles et conformes aux normes internationales.

Sur la base des informations dont elle dispose actuellement, Amnesty International estime que les autorités israéliennes et l’administration de facto du Hamas ont failli à leur obligation de diligenter ces investigations et de s’engager à poursuivre les auteurs présumés de crimes relevant du droit international. Si le Comité d’experts confirme ces faits, le Conseil des droits de l’homme doit conclure que les autorités des deux parties ont manqué l’occasion d’établir les responsabilités et de rendre justice aux victimes par leurs propres moyens et doit se prononcer en faveur d’un recours à la justice internationale, par exemple la saisine de la Cour pénale internationale (CPI).

Bien que ni Israël ni l’Autorité palestinienne n’aient ratifié le Statut de Rome de la CPI, le 22 janvier 2009, le ministre palestinien de la Justice a soumis au nom de l’Autorité palestinienne une déclaration à la CPI acceptant sa compétence sur les crimes « commis sur le territoire de Palestine à partir du 1er juillet 2002 ». La déclaration couvrirait potentiellement tous les crimes recensés dans le rapport de la mission d’établissement des faits (rapport Goldstone).

D’après l’avis de plusieurs experts en droit international de renom, en dépit de la controverse sur le statut de la Palestine en tant qu’État, l’Autorité palestinienne est habilitée à soumettre une telle déclaration.

Si le rapport du Comité d’experts confirme que les autorités israéliennes et palestiniennes n’ont pas la capacité ou la volonté d’enquêter véritablement sur les crimes et d’engager des poursuites, le procureur de la CPI doit, au travers d’une décision judiciaire, se prononcer sur la compétence de la CPI. Le cas échéant, le procureur doit demander à la Chambre préliminaire de la CPI d’autoriser sans délai la tenue d’une enquête. Si la Chambre établit que le procureur n’est pas habilité à donner suite à la déclaration de l’Autorité palestinienne, alors le Conseil de sécurité de l’ONU peut porter l’affaire devant la CPI.

En outre, quelles que soient les conclusions du Comité d’experts et le statut de l’enquête de la CPI, Amnesty International fait remarquer que tous les États peuvent au titre du droit international exercer leur compétence universelle à l’égard des crimes relevant du droit international commis durant le conflit. Ainsi, lorsque des preuves suffisantes désignent des personnes impliquées dans des crimes de guerre ou d’autres graves violations du droit international, il convient qu’elles soient arrêtés et jugées lorsqu’elles se rendent dans des États exerçant la compétence universelle.

Complément d’information

Au cours des 22 jours qu’a duré ce conflit, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, quelque 1 400 Palestiniens et 13 Israéliens ont été tués ; parmi eux, trois Israéliens et des centaines de Palestiniens étaient des civils.

Publié le 15 septembre 2009, le rapport de la mission d’établissement des faits, dirigée par l’éminent juge sud-africain Richard Goldstone, a recensé une série de graves violations imputables aux forces israéliennes, notamment des frappes contre des bâtiments de l’ONU, des infrastructures et biens civils, des installations médicales et du personnel de santé, ainsi que des opérations qui ont fait de nombreux morts et blessés au sein de la population civile, du fait du comportement irresponsable des forces israéliennes, de leur mépris à l’égard de la vie des civils et de leur incapacité à faire la distinction entre les cibles militaires et civiles. Ce rapport indiquait également que les tirs aveugles de roquettes depuis Gaza vers le sud d’Israël imputables au Hamas et à d’autres groupes armés palestiniens constituaient des crimes de guerre.

La résolution 13/9, adoptée par le Conseil des droits de l’homme le 25 mars 2010, invitait le secrétaire général de l’ONU à présenter un rapport exhaustif au Conseil lors de sa 15e session (du 13 septembre au 1er octobre 2010) sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de la mission d’enquête par toutes les parties en présence. En août 2010, le secrétaire général a demandé à la haut-commissaire aux droits de l’homme de transmettre au Comité d’experts du Conseil les documents reçus concernant les investigations menées par les autorités israéliennes et palestiniennes. Rendu public par le secrétaire général de l’ONU, le second rapport de suivi des conclusions de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le conflit de Gaza n’incluait aucun document émanant de l’administration de facto du Hamas, pas plus qu’il ne livrait d’évaluation pertinente du bien-fondé des enquêtes israéliennes et palestiniennes.

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