Communiqué de presse

La nouvelle Constitution égyptienne restreint les libertés fondamentales et ignore les droits des femmes

Le projet de Constitution approuvé par l’Assemblée constituante d’Égypte est loin de garantir la protection des droits humains : il ignore les droits des femmes, restreint la liberté d’expression au nom de la protection de la religion et autorise la comparution de civils devant des tribunaux militaires, a déclaré Amnesty International.

« Ce texte, et la manière dont il a été adopté, ne peuvent que susciter une vive déception parmi de nombreux Égyptiens qui étaient descendus dans la rue pour réclamer le départ de Hosni Moubarak et le respect de leurs droits. », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

La liberté de religion ne concerne que l’islam, le christianisme et le judaïsme, au risque d’exclure le droit d’exercer leur culte pour les adeptes de religions minoritaires, comme les baha’is et les chiites.

La Constitution ne mentionne pas la suprématie du droit international sur le droit national, ce qui soulève des inquiétudes quant à l’engagement de l’Égypte vis-à-vis des traités relatifs aux droits humains auxquels elle est partie.

En outre, le texte ne garantit pas pleinement les droits économiques, sociaux et culturels, tels que la protection contre les expulsions forcées, et tolère le travail des enfants.

Paradoxalement, les revendications en faveur de la dignité et de la justice sociale se trouvaient au cœur de la « Révolution du 25 janvier ».

« Le processus de rédaction de la Constitution était biaisé depuis le début, et ne cesse de perdre en représentativité. Nous exhortons le président Mohamed Morsi à remettre dans le droit chemin le processus de rédaction et le référendum, à savoir un chemin accessible à tous les secteurs de la société, qui respecte l’état de droit – notamment le rôle vital d’une justice indépendante – et débouche sur une Constitution qui consacre les droits humains, l’égalité et la dignité pour tous. », a affirmé Hassiba Hadj Sahraoui.

Amnesty International déplore que l’Assemblée constituante, largement boycottée par les partis d’opposition et les Églises chrétiennes, ne soit pas véritablement représentative de la société égyptienne. Elle est dominée par le Parti de la liberté et de la justice (PLJ) et le parti Al Nour. Au départ, l’Assemblée ne comptait que sept femmes et leur nombre a encore diminué depuis.

Les membres des partis politiques d’opposition, tout comme des Églises chrétiennes, se sont retirés de cette Assemblée en guise de protestation contre sa composition et ses décisions.

Ils ont relayé un certain nombre de préoccupations, portant sur l’absence de représentation des jeunes et de divers partis politiques, et le rôle de la charia (loi islamique), notamment en matière de respect des droits des femmes.

Par ailleurs, l’Assemblée a été critiquée pour avoir laissé de côté le droit à un logement convenable, préoccupation majeure pour les 12 millions d’Égyptiens qui vivent dans des bidonvilles.

Le président Morsi a récemment publié un décret accordant à l’Assemblée constituante deux mois supplémentaires pour terminer ses travaux. Cependant, le 28 novembre, elle a annoncé qu’elle finaliserait le texte en une journée. Le 29, le projet de Constitution a été adopté en toute hâte en séance plénière, sans prendre le temps de débattre ni d’émettre des objections.

« La nouvelle Constitution guidera toutes les institutions égyptiennes et elle doit définir la vision de la nouvelle Égypte basée sur les droits humains et l’état de droit. Ce texte est l’ultime garant contre les atteintes aux droits humains. La Constitution doit garantir les droits de tous les Égyptiens, pas seulement ceux de la majorité.  » , a insisté Hassiba Hadj Sahraoui.

« Le projet adopté est bien loin de répondre à ces attentes. Les dispositions qui prétendent protéger les droits masquent de nouvelles restrictions, y compris en matière de critique des religions. Les femmes, très peu représentées, sont les grandes perdantes face à une Constitution qui fait fi de leurs aspirations et bloque le chemin vers l’égalité entre hommes et femmes. Il est consternant que les références aux femmes concernent presque toutes le foyer et la famille. »

Lors d’une interview accordée à la télévision d’État le 29 novembre, à la question concernant le fait que les droits des femmes ne figurent pas dans le projet, le président Mohamed Morsi a répondu que les femmes étaient des citoyennes comme les autres. La position du président reflète l’approche de l’Assemblée constituante, à savoir la négation des droits des femmes.

Ce projet a été adopté juste avant que la Cour suprême constitutionnelle ne rende sa décision, le 2 décembre, sur la légitimité de l’Assemblée. De l’avis général, elle devrait ordonner sa dissolution.

Or, le décret édité par le président Mohamed Morsi le 22 novembre interdit à tout organe judiciaire de dissoudre l’Assemblée.

Ce décret, qui a aussi limogé le procureur général, accordé au président les pleins pouvoirs et placé les décisions présidentielles à l’abri de tout recours en justice, a provoqué une vague de colère et de manifestations en Égypte.

Les mouvements d’opposition prévoient de défiler jusqu’au palais présidentiel vendredi 30 novembre, tandis que les Frères musulmans ont appelé à manifester en soutien au président le samedi.

Le projet de Constitution sera soumis à un référendum national qui devrait être organisé dans les 15 jours. Un tel référendum exigera la surveillance des juges, mais le Club des juges d’Égypte, réseau indépendant qui compte quelque 9 500 juges, a annoncé que ses membres ne le superviseraient pas.

Dans tout le pays, les juges se mettent en grève pour dénoncer le décret du président Morsi, qu’ils considèrent comme une menace pour leur indépendance.

«  Au lieu de marquer un retour à l’ordre et à l’état de droit, le texte adopté plonge l’Égypte dans un chaos encore plus grand et mène à une impasse. », a estimé Hassiba Hadj Sahraoui.

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