COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La Pologne accorde le statut de victime à un détenu de Guantánamo à la suite d’allégations de torture

En accordant le statut de victime à un survivant de la torture actuellement détenu par l’armée américaine à Guantánamo Bay, les autorités polonaises font un pas de plus vers la vérité concernant le programme secret de détention et de transfert orchestré par les États-Unis, notamment en Pologne, a déclaré Amnesty International.

Le Yéménite Walid bin Attash est la troisième personne reconnue comme une victime par le procureur général de la Pologne, qui mène depuis cinq ans une enquête sur les allégations de violations des droits humains commises par la CIA en territoire polonais.

« Les allégations de torture concernant Walid bin Attash sont extrêmement graves et méritent une enquête. Nous sommes heureux que les procureurs polonais en conviennent », a souligné Julia Hall, spécialiste de la lutte contre le terrorisme et des droits humains pour Amnesty International.

« Cette évolution doit donner une nouvelle impulsion à cette enquête entamée il y a cinq ans déjà. »

Mariusz Paplaczyk, qui représente Walid bin Attash, se félicite également de cette évolution : « Il s’agit d’une véritable avancée. Accorder le statut de victime, dans cette enquête, est extrêmement important pour mon client. »

En vertu du droit polonais, une victime peut examiner les dossiers et porter plainte si on lui refuse l’accès aux documents. Elle a également le droit de critiquer les retards de procédure.

L’enquête polonaise sur le « site noir » de la CIA, menée en grande partie sous le sceau du secret, traîne en effet en longueur depuis 2008. Les procureurs polonais ont ainsi refusé jusqu’à présent de révéler l’immense majorité des informations liées à l’enquête et d’en rendre les conclusions publiques.

Dans son rapport, intitulé Unlock the truth : Poland’s involvement in CIA secret detention (voir document ci-dessous), Amnesty International étudie la question de la responsabilité en Pologne. Celle-ci passe par le devoir pour l’État d’enquêter et, lorsqu’il existe assez d’éléments de preuve recevables, de poursuivre et traduire en justice les responsables présumés de crimes de droit international tels que la torture et les disparitions forcées, y compris les complices de ces crimes.

« Si la Pologne est attachée aux droits humains et à l’état de droit, ses autorités doivent avoir le courage politique de dire la vérité sur le site secret de la CIA et ce qui s’y est passé. L’enquête judiciaire doit être véritablement indépendante et efficace, et toute personne présumée responsable d’actes de torture ou de disparitions forcées doit être traduite en justice. », a ajouté Julia Hall.

Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains sont au siège des Nations unies à Genève cette semaine, car la Pologne doit rendre des comptes au Comité de l’ONU contre la torture sur son bilan en matière de droits humains. L’enquête sur le site secret de la CIA et ses avancées ont été les principales préoccupations de la séance. Par ailleurs, la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, s’est rendue en Pologne et a soulevé les mêmes préoccupations.

Complément d’information

Selon les médias et d’autres sources, plusieurs détenus ont transité par un centre de détention secret en Pologne, dont Walid bin Attash, un ressortissant yéménite, actuellement en détention à Guantánamo Bay et jugé par une commission militaire. Walid bin Attash est accusé de crimes liés aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Les charges retenues contre lui sont passibles de la peine de mort aux États-Unis. L’accusation a par ailleurs été autorisée à exiger cette peine. Les avocats de Walid bin Attash estiment cependant que ce qui lui est arrivé alors qu’il était en détention secrète (notamment en Pologne) aux mains de la CIA peut constituer un ensemble de circonstances atténuantes.

Les autorités américaines ont permis à la Commission du 11/9, dans son rapport de juillet 2004, de considérer que Walid bin Attash et neuf autres personnes étaient détenus par les autorités américaines, mais cela n’a pas suffi à clarifier le sort de ces détenus, qui sont donc des victimes de disparition forcée.

Amnesty International a évoqué la disparition forcée de Walid bin Attash, probablement en détention secrète sous la responsabilité de la CIA, dans un autre rapport concernant les restitutions et les détentions secrètes, en avril 2006. Le président George W. Bush avait annoncé, le 30 avril 2003, que les autorités pakistanaises avaient appréhendé Walid bin Attash. On ignorait tout du sort de cet homme jusqu’à ce que le président George W. Bush confirme publiquement pour la première fois, le 6 septembre 2006, que les États-Unis avaient mis en place un programme de détention secrète et que 14 hommes avaient été transférés depuis des centres secrets de la CIA vers Guantánamo Bay. Walid bin Attash était au nombre de ces 14 personnes.

Après son arrivée à Guantánamo, Walid bin Attash s’est entretenu avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et certaines de ses déclarations ont été incluses dans un rapport confidentiel que le CICR a envoyé à la CIA, et qui a été par la suite divulgué au public. Ce rapport et d’autres documents publics indiquent qu’entre le 29 avril 2003 et le 4 septembre 2006, Walid bin Attash a été détenu par la CIA en secret, dans divers endroits, et qu’il a été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitement. Walid bin Attash, dans sa plainte au procureur général polonais, affirme que l’un des lieux de détention secrète se trouvait en Pologne.

Quand il a parlé au CICR, Walid bin Attash a décrit comment il avait été traité lors de son transfert (apparemment vers la Pologne), à bord d’un avion militaire :

« Après environ trois semaines en Afghanistan, j’ai été transféré à un autre endroit. J’avais les yeux bandés et on m’a placé des écouteurs sur les oreilles. J’ai été transporté assis, enchaîné par les chevilles et les poignets, les mains en avant. Je pense que le vol a duré plus de huit heures. Il s’agissait d’un avion militaire. Quand je bougeais un peu trop, quelqu’un me frappait sur la tête ».

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