La Pologne doit enquêter sur le rôle joué par l’État dans les prisons secrètes de la CIA

La Pologne doit cesser de se retrancher derrière le secret d’État et permettre au contraire qu’une enquête transparente ait lieu sur le rôle qu’elle a joué dans les programmes de « restitution » et de détention secrète menés par les États-Unis, a déclaré Amnesty International.

Cet appel a été lancé après que le parquet polonais ait, pour la deuxième fois en un an, remplacé le procureur chargé d’une enquête à ce sujet. Aucune explication n’a été avancée pour justifier cette décision.

« Dans un souci de crédibilité, le procureur général doit cesser de se cacher derrière le voile du secret d’État et expliquer pourquoi le dernier procureur a été remplacé », a résumé Julia Hall, spécialiste de la question de la lutte antiterroriste et des droits humains pour Amnesty International.

« Plusieurs changements apportés durant l’enquête se sont soldés par des retards dans l’établissement des responsabilités. »

Cette décision récente est un nouveau signe inquiétant, car invoquer de manière excessive le secret d’État peut compromettre la crédibilité de l’enquête.

La transparence doit être une composante essentielle de cette enquête – non seulement dans l’intérêt du public mais aussi parce que deux anciens détenus se sont vu accorder le statut de victimes dans le cadre de celle-ci.

En 2002, Abd al Rahim al Nashiri, un ressortissant saoudien, a été arrêté à Doubaï tandis que Zayn al Abidin Muhammad Husayn – également connu sous le nom d’Abu Zubaydah –, un Palestinien né en Arabie saoudite, a été appréhendé au Pakistan.

Ces deux hommes ont été remis aux autorités américaines, puis incarcérés dans des centres de détention secrets dirigés par l’Agence centrale du renseignement (CIA) pendant environ quatre ans.

Durant cette période, ils n’ont eu aucun contact avec le monde extérieur, ont été détenus à l’isolement et auraient subi des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements lors d’interrogatoires.

Parmi les techniques employées figuraient des simulacres de noyade, et semble-t-il d’autres coups et violences physiques, la nudité forcée, la privation de sommeil, des positions inconfortables, et des menaces. En septembre 2006, ils ont été transférés à la base navale américaine de Guantánamo Bay à Cuba, où ils se trouvent toujours.

Abu Zubaydah et Abd al Nashiri ont déclaré qu’ils avaient été incarcérés dans une prison secrète de la CIA en Pologne entre 2002 et 2003. Ces prisons ont été mises en fonctionnement dans le cadre des programmes de « restitution » et de détention secrète lancés par la CIA à la suite des attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Amnesty International estime que ces hommes et leurs représentants doivent avoir accès aux informations recueillies dans le cadre de l’enquête du procureur général polonais et doivent être tenus informés des étapes et de la progression de la procédure.

Conformément aux obligations qui sont celles de la Pologne en vertu du droit international, le gouvernement doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser autant que possible la participation de victimes qui affirment avoir été torturées et maltraitées, et soumises à une disparition forcée.

Amnesty International demande au parquet de faire publiquement état des mesures prises pour garantir qu’une enquête indépendante, impartiale et approfondie digne de ce nom soit menée, et qui permette que les responsabilités pénales individuelles comme les responsabilités plus larges de la Pologne en matière de droits humains soient établies.

Le bilan de la Pologne sur le plan de ces droits doit être évalué cette année par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, dans le cadre de l’Examen périodique universel, et dans un rapport traitant du transport et de la détention illégale présumés de prisonniers dans des pays européens, devant prochainement être rendu public par le Parlement européen.

Amnesty International espère que le gouvernement polonais tirera parti de ces initiatives afin de faire état de ses progrès en la matière, conformément à ses obligations aux termes du droit international.

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