« La récente escalade de la réponse des autorités aux manifestations, qui s’est traduite par l’intervention de l’armée, des tirs sur les manifestant·e·s et un usage excessif de gaz lacrymogène, est extrêmement préoccupante ; une personne a ainsi trouvé la mort le 13 juillet », a déclaré Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Le matin du 13 juillet 2022, des milliers de manifestant·e·s ont commencé à se diriger vers le bureau du Premier ministre et le Parlement à Colombo. Après une confrontation tendue, les manifestant·e·s ont franchi les grilles et ont envahi le bureau du Premier ministre. Le personnel d’Amnesty International présent sur les lieux de la manifestation a confirmé que les forces de l’ordre ont tiré des salves de gaz lacrymogène sur la foule, y compris des enfants et des journalistes, dont certains ont été vus en train d’échapper aux fumées tout en toussant et en crachant. Des dizaines de manifestant·e·s ont été blessés, et une personne serait décédée.
À Galle Face, des hélicoptères volaient bas au-dessus de la zone, où une manifestation pacifique se tenait en continu depuis trois mois, dans le contexte des agitations causées par la crise économique qui frappe le pays. Sur les lieux d’une autre manifestation près du Parlement plus tard dans la même journée, plus de 80 personnes auraient été blessées et admises à l’hôpital.
À 15 h 00, le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a prononcé un discours à la télévision, dans lequel il déclarait avoir ordonné à l’armée de « faire tout ce qui est nécessaire pour restaurer l’ordre ». Le 14 juillet 2022, un communiqué de presse a été publié par l’armée dans lequel elle avertissait qu’elle utiliserait la force pour restaurer l’ordre dans le pays.
Tout ordre autorisant de façon générique le recours à la force par l’armée est problématique, même en période d’urgence. Les forces armées ne doivent pas être impliquées dans le maintien de l’ordre des rassemblements publics, car elles sont entraînées à combattre des ennemis, pas à protéger et contrôler des populations civiles.
Amnesty appelle les organes responsables de l’application des lois à agir avec mesure pour éviter toute nouvelle blessure grave ou perte de vie humaine. Ils ne peuvent utiliser que la force minimum nécessaire pour ramener l’ordre dans une situation, et seulement si cela est strictement nécessaire et en respectant le principe de proportionnalité.
Même dans les cas où certaines parties d’une manifestation deviennent violentes, les forces de l’ordre doivent évaluer la situation au cas par cas, en n’ayant recours à la force qu’en cas d’absolue nécessité et uniquement contre les personnes qui prennent part aux violences. L’usage de la force doit rester strictement proportionné à la situation à laquelle les forces de l’ordre sont confrontées, ce qui signifie que les autorités ne doivent pas causer plus de mal que celui qu’elles souhaitent éviter.
« Alors que le pays fait face à une grave crise économique et que les manifestations prennent de l’ampleur, les autorités doivent prendre des mesures exhaustives pour désamorcer la situation et concentrer leurs ressources pour veiller à ce que la population puisse avoir accès à des biens et services essentiels, dans le respect du droit international relatif aux droits humains et des normes afférentes », a déclaré Yamini Mishra.