Sri Lanka. Des centaines de milliers de personnes prises au piège dans la région du Vanni ont besoin d’un abri de toute urgence

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le gouvernement du Sri Lanka doit immédiatement mettre fin à sa politique consistant à bloquer l’aide humanitaire destinée à quelque 300 000 personnes déplacées dans la région du Vanni, dans le nord du pays, a déclaré Amnesty International ce mercredi 19 novembre 2008.

Des milliers de personnes déplacées en raison du conflit entre les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) et les forces gouvernementales se retrouvent dans une situation désespérée et ont besoin d’un hébergement, de nourriture et d’installations sanitaires. Tandis que la saison de la mousson approche dans le nord-est, seuls 2 100 abris provisoires ont été montés pour 4 000 familles, laissant au moins 20 000 familles à la merci des éléments.

Dans la région du Vanni, près des deux tiers des civils ont été contraints de quitter leur foyer et vivent dans des camps, dans des zones contrôlées par les LTTE. Ils sont pris au piège dans cette région du nord-est du Sri Lanka, dernier fief des Tigres tamouls qui imposent un système de laissez-passer très strict afin de les empêcher de gagner des endroits plus sûrs. Il semble que ces mesures visent, pour partie, à utiliser délibérément les civils comme boucliers contre les forces régulières.

Amnesty International demande au gouvernement du Sri Lanka et aux LTTE de permettre aux observateurs internationaux d’évaluer les besoins des milliers de personnes prises au piège dans le Vanni et de veiller à ce que la nourriture et les autres ressources soient correctement distribuées. Constatant la gravité de la situation, le gouvernement indien a promis d’envoyer une aide alimentaire par l’intermédiaire du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ; mais en l’absence d’une distribution assurée par une entité autre que le gouvernement, il est impossible de savoir si l’aide arrive réellement jusqu’à ceux qui en ont le plus besoin.

Plus de 300 000 personnes vont vivre dans les prochains mois entassés dans des abris provisoires, entourés de boue, sans aucune assurance d’avoir régulièrement accès à de la nourriture ou à des installations sanitaires correctes. D’après les informations reçues, la situation dans le Vanni se dégrade rapidement, contrairement aux assertions du gouvernement qui assure faire face , a expliqué Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Le gouvernement sri-lankais affirme qu’il distribue l’aide aux familles déplacées. Amnesty International estime toutefois qu’il n’a pas les moyens de faire ¬prévaloir les normes internationales relatives aux droits humains ni d’apporter un soutien suffisant pour protéger la vie de milliers de personnes.

Amnesty International a recueilli des témoignages et des preuves visuelles qui mettent en lumière les problèmes dans la région du Vanni, notamment :

– Les abris : les forces gouvernementales ont refusé de laisser passer un convoi des Nations unies amenant des abris en kit dans la région le 3 novembre, faisant fi d’informations selon lesquelles des milliers de familles en avaient besoin, d’après des agents gouvernementaux de Kilinochchi et Mulaithivu. Il est impossible d’obtenir des chiffres précis en raison de l’absence de surveillance indépendante.

– Les sanitaires : 90 p. cent des personnes déplacées dans le Vanni ne disposent pas de latrines convenables et, selon les autorités locales, il faudrait installer 5 230 toilettes provisoires. En outre, le blocus sur le ciment mis en place par le gouvernement entrave la construction de toilettes dignes de ce nom. Cette lacune, associée à une grave pénurie d’eau potable sûre, élève considérablement le risque de maladies liées à l’eau, notamment de diarrhées.

– La nourriture : un convoi alimentaire a été autorisé à entrer dans la région du Vanni le 3 novembre. Cependant, les photos prises lors du départ des organisations humanitaires, et adressées par la suite à Amnesty International, montrent que la population souffre déjà de malnutrition et est menacée par les maladies.

Selon une analyse des données du Programme alimentaire mondial (PAM), chaque personne déplacée dans le Vanni reçoit en moyenne 1 000 calories par jour – soit moins de la moitié des 2 100 calories quotidiennes préconisées par le PAM. Ces chiffres se fondent sur les convois alimentaires hebdomadaires de 438 tonnes acheminés pour 230 000 personnes déplacées, selon les estimations des Nations unies. Les mères qui allaitent et les nourrissons sont les plus vulnérables, car ils ne reçoivent pas le complément alimentaire permettant de couvrir leurs besoins spécifiques.

On estime qu’environ 35 p. cent des zones cultivées (riz et légumes) de la région du Vanni se trouvent dans la zone de conflit et sont inaccessibles. Selon certaines informations, les personnes déplacées sont déjà contraintes de mettre en gage ou de vendre leurs bijoux afin de se procurer des produits de première nécessité.

Il y a un fossé énorme entre le discours du gouvernement et l’évolution de la situation sur le terrain. Les dirigeants du Sri Lanka doivent faire en sorte que la distribution d’aide se fasse avec l’appui d’organisations internationales, sans discrimination, quel que soit l’endroit où se trouvent les personnes qui en ont besoin, a indiqué Sam Zarifi.

Sans observateurs indépendants ni organisations internationales sur le terrain, il s’avère impossible de mener une évaluation pertinente des besoins des familles déplacées. Avant l’évacuation du personnel international, les organisations de l’ONU coordonnaient et supervisaient l’aide apportée à la région. Nous n’avons aucun moyen de vérifier que l’aide parvient bien aux familles qui en ont besoin, comme l’affirme le gouvernement, et les éléments dont nous disposons indiquent au contraire que les mesures prises demeurent insuffisantes.

Amnesty International invite le gouvernement du Sri Lanka à garantir aux organisations internationales qu’elles pourront acheminer et distribuer l’aide humanitaire sans entrave. En outre, l’organisation engage les LTTE à garantir le droit de circuler librement aux civils et à ne plus les empêcher de gagner des endroits plus sûrs.

Au regard des atteintes aux droits humains perpétrées par les Tigres tamouls, notre appel pour que des observateurs internationaux puissent se rendre dans les zones touchées par le conflit se fait encore plus pressant. Ces familles ne doivent pas être oubliées et abandonnées à leurs souffrances dans une zone de combat , a conclu Sam Zarifi.

Complément d’information

La situation en termes de sécurité pour les civils, et notamment les personnes déplacées, s’est dégradée depuis le mois de mai, lorsque les hostilités se sont intensifiées dans la région du Vanni.

Les LTTE ont privé ces personnes du droit de circuler librement. Ils ne semblent pas être en mesure d’assurer la sécurité et de fournir nourriture et abris à ces familles, mais ils les empêchent de se rendre dans des lieux plus sûrs.

Par le passé, les LTTE ont souvent muselé les dissidents dans la région du Vanni et infligé des mauvais traitements aux objecteurs de conscience. Selon de récentes informations, lorsque les forces gouvernementales ont investi un grand camp à Moonru-Murippu, on a appris que les conscrits qui refusaient de se battre étaient enfermés dans des cages métalliques, dotées de fils de fer acérés dirigés vers l’intérieur. Ce dispositif les obligeait à se tenir pliés et, s’ils tentaient de bouger, ils se faisaient piquer. Les LTTE ne les laissaient sortir que lorsqu’ils avaient accepté leurs exigences.

Dans une directive publiée le 5 septembre, le gouvernement sri-lankais a demandé aux organisations humanitaires de l’ONU de quitter le Vanni, et la dernière s’est exécutée le 16 septembre.

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