Index AI : ASA 26/002/2006
DÉCLARATION PUBLIQUE
Amnesty International condamne avec la plus grande vigueur le massacre de membres de l’ethnie Hmong perpétré par des soldats de l’armée laotienne le mois dernier dans le nord de la province de Vientiane. L’attaque meurtrière menée le 6 avril 2006 à une vingtaine de kilomètres au nord de la ville touristique de Vang Vieng a coûté la vie à 26 personnes au moins, pour la plupart des femmes et des enfants. Quatre autres personnes ont été blessées.
Les victimes du massacre font partie d’un groupe de population hmong issu d’un mouvement d’opposition armé en lutte depuis des décennies contre l’armée laotienne, dont il subsiste quelques poches disséminées sur le territoire laotien. Ces populations sont dans l’ensemble complètement abandonnées à leur sort.
Les troupes gouvernementales ont lancé leur offensive tôt dans la matinée. Les victimes - qui, selon les informations recueillies, n’étaient pas armées - avaient quitté les lieux où elles se cachent dans la jungle afin de ramasser de quoi se nourrir.
Ce massacre intervient dans un contexte de préoccupation grandissante quant au sort de 27 Hmongs du Laos, pour la plupart des enfants, qui sont détenus au secret dans ce pays depuis le 5 décembre 2005. En violation du droit international, ils ont été renvoyés de force dans leur pays d’origine depuis la Thaïlande, où ils vivaient avec leurs proches dans un camp de fortune abritant quelque 6 000 Hmongs affirmant avoir fui les persécutions dont ils étaient victimes au Laos en raison de leurs liens avec les rebelles. Les autorités laotiennes n’ont pas donné d’éléments sur le lieu où se trouvaient les personnes rapatriées, mais selon des informations dignes de foi, les jeunes filles seraient détenues dans un établissement pénitentiaire situé à proximité de la ville de Paksen, à l’est de la capitale ; les garçons auraient quant à eux été transférés d’une prison de Vientiane vers un centre de détention situé dans une région reculée de l’extrême nord du pays.
La détention arbitraire de ces enfants et le récent massacre, auquel s’ajoutent un certain nombre d’informations faisant état d’autres attaques meurtrières des forces gouvernementales, ne font qu’accroître les craintes d’Amnesty International quant à la sécurité des groupes hmongs vivant dans la clandestinité. Certains d’entre eux, apparemment encerclés par des unités de l’armée laotienne, éprouveraient toutes les difficultés pour trouver de quoi se nourrir et ne pourraient recevoir de soins médicaux.
Le gouvernement laotien n’a jusqu’à présent rien fait pour parvenir à une solution de paix globale, qui permettrait de mettre un terme au conflit qui l’oppose à ces groupes hmongs, de protéger ceux qui ont déposé les armes et de garantir le respect des droits humains. Bien au contraire, les Hmongs considérés par les forces armées comme proches des rebelles continuent d’être soumis à des violences et à des persécutions. En 2005, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale s’est dit préoccupé par les informations faisant état de violences contre la minorité Hmong, citant en particulier des brutalités commises par des soldats contre des enfants.
Le Laos a ratifié, en 1980, le Protocole additionnel aux quatre Conventions de Genève de 1949 (Protocole II). Ce texte, qui concerne les conflits armés non internationaux, garantit la protection des personnes qui ne participent pas aux combats ou qui ont choisi de déposer les armes ; il interdit les attaques contre la population civile en tant que telle et contre les personnes civiles.
Amnesty International demande aux autorités laotiennes d’ouvrir sans délai une enquête impartiale sur le massacre du 6 avril dernier, afin que les responsables présumés soient traduits en justice. L’organisation exhorte aussi le gouvernement à remettre en liberté les enfants détenus arbitrairement et à faire en sorte qu’ils puissent rejoindre leur famille en Thaïlande.
Amnesty International demande une nouvelle fois au gouvernement laotien d’envisager une solution globale au conflit, en coopération avec la communauté internationale. Celle-ci a fait savoir qu’elle était disposée à fournir une assistance humanitaire aux groupes souhaitant quitter la forêt et se réinsérer dans la société laotienne.
Complément d’information
Un certain nombre de groupes ethniques minoritaires, notamment les Hmongs, s’étaient alliés aux États-Unis pendant la guerre du Viêt-Nam et durant les combats qui se sont déroulés par-delà les frontières jusqu’au Laos et au Cambodge. Après la création de la République démocratique populaire lao, en 1975, au moins un tiers des membres de la minorité ethnique des Hmongs (alors forte de quelque 300 000 personnes, selon une estimation de 1970) auraient fui le pays. La plupart de ces réfugiés ont été réinstallés aux États-Unis
Repliés dans la jungle pour échapper à l’armée laotienne, des Hmongs et d’autres membres de minorités ethniques vivent encore dans la clandestinité. On ne connaît pas leur nombre exact. Si certains groupes ont poursuivi la résistance armée au gouvernement laotien, de nombreux autres ne combattent aucunement. Ces dernières années, des informations provenant de différentes sources ont permis au monde de découvrir la situation dramatique dans laquelle se trouvent ces groupes, composés notamment de femmes, d’enfants et de personnes âgées, et les difficultés croissantes qu’ils rencontrent pour survivre.
En tant qu’État partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Laos a l’obligation légale de ne pas encourager, défendre ou appuyer une quelconque forme de discrimination raciale.
Le Laos a signé, mais n’a pas ratifié, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).