Communiqué de presse

Le grand salon de l’armement d’Abou Dhabi révèle les faiblesses des pourparlers relatifs au Traité sur le commerce des armes

La Chine, les États-Unis, les États européens et les pays exportateurs d’armes doivent veiller à ce que les ventes négociées lors de la foire internationale de l’armement à Abou Dhabi cette semaine ne se traduisent pas par la propagation d’armements dans des pays où ils pourraient contribuer à de graves violations des droits humains, a déclaré Amnesty International.

L’IDEX (International Defence Exhibition and Conference), qui se tient tous les deux ans dans la capitale des Émirats arabes unis, se présente comme l’un des plus grands salons du globe dédiés à l’armement.

L’IDEX 2013 fermera ses portes le 21 février, moins d’un mois avant que les États du monde ne se retrouvent aux Nations unies, à New York, afin de finaliser un Traité sur le commerce des armes historique, pour lequel les États-Unis, la Chine et quelques autres espèrent obtenir un affadissement des contrôles.

Amnesty International a signalé à plusieurs reprises que les lacunes dans la réglementation du commerce mondial des armes contribuaient à des crimes de guerre et à d’autres graves violations des droits humains dans le monde. Depuis les années 1990, elle met en avant le problème des activités de courtage non réglementées.

« Le large éventail des armes conventionnelles présentées à l’IDEX offre un contraste saisissant avec la portée réduite des réglementations proposées par les États-Unis, la Chine et d’autres concernant le projet de Traité sur le commerce des armes, a indiqué Brian Wood, responsable des questions liées au contrôle des armes et aux droits humains au sein d’Amnesty International".

« Si les réglementations en termes de droits humains et les contrôles relatifs aux activités de courtage que proposent ces États demeurent insuffisants, les entreprises continueront d’engranger des centaines de millions de dollars en contrats d’armements conclus avec des acheteurs peu scrupuleux. »

Les foires et les expositions internationales d’armement, comme IDEX, sont l’un des principaux moyens pour les gouvernements et l’industrie de la défense de promouvoir et négocier des ventes internationales d’armes, de munitions et d’équipements et de services militaires et de sécurité.

Plus de 1 100 entreprises venues de près de 60 pays, dont les principaux pays exportateurs d’armes, exposent à l’IDEX. Amnesty International souligne que les produits fabriqués par plusieurs d’entre elles ont déjà été utilisés dans des zones où de graves violations des droits humains ont été perpétrées.

Par exemple, des fabricants d’armes gérés par l’État venant de Chine présentent à l’IDEX des armes lourdes, dont des systèmes d’artillerie. Des entreprises pakistanaises font la promotion de divers armements, notamment des armes et munitions de petit calibre, des mortiers, des obus et des bombes.

Ces deux pays ont fourni un large éventail d’armes au Sri Lanka, qui est sorti d’un conflit armé acharné de 30 ans en 2009. Durant les dernières années du conflit, de 2000 à 2009, Amnesty International a identifié la Chine comme le principal fournisseur d’armements des forces armées sri-lankaises. Ces forces armées, ainsi que les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE),
groupe armé séparatiste, se sont livrés à de graves violations des droits humains ; des dizaines de milliers de civils ont péri, tandis qu’un nombre plus grand encore ont été blessés et brutalisés.

Les entreprises chinoises qui exposent à l’IDEX fabriquent elles aussi un large éventail d’armes et de munitions de petit calibre, notamment des cartouches qui ont été utilisées par un groupe armé dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). À Goma, dans l’Est de la RDC,
les forces de maintien de la paix de l’ONU ont ramassé des douilles de cartouches portant des indications chinoises. Fabriquées en 2007, elles ont plus tard été utilisées par un groupe armé en RDC. Amnesty International a identifié l’entreprise chinoise qui a fabriqué ces douilles.

Des cartouches chinoises ont également été retrouvées à Bushani, en RDC, où les soldats gouvernementaux ont commis des actes de torture, des viols et d’autres violences sexuelles.

Par ailleurs, est proposée à l’IDEX toute une gamme d’armes « moins meurtrières », notamment des produits chimiques irritants tels que des gaz lacrymogènes et des équipements antiémeutes, tels que des balles-matraques et des canons à eau.

Les forces de police et de sécurité ont déployé ces armements dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, afin de réprimer les soulèvements populaires massifs que connait la région depuis début 2011. Si ces armes peuvent être utilisées de manière légitime pour maintenir l’ordre, elles peuvent aussi s’avérer meurtrières et Amnesty International a dénoncé à plusieurs reprises le fait que les forces de sécurité s’en étaient servies pour bafouer les droits fondamentaux, notamment en recourant à une force excessive et inutile en vue de disperser ces manifestations.

Parmi les fabricants qui exposent ces armes à létalité réduite figurent deux entreprises des États-Unis et de France, dont les gaz lacrymogènes ont été utilisés à Bahreïn. Une autre société américaine a fourni des armes analogues à l’Égypte. À Bahreïn comme en Égypte, des manifestants sont morts ou ont été grièvement blessés en 2011 et 2012, semble-t-il parce que les forces de sécurité avaient utilisé abusivement des gaz lacrymogènes.

« Les gouvernements laissent les pressions commerciales acharnées des sociétés d’armement et leurs propres intérêts nationaux étriqués prendre le pas sur l’édification de l’état de droit et le respect des droits fondamentaux", a estimé Brian Wood.

« Ces exemples éloquents prouvent que le monde a désespérément besoin d’un vigoureux Traité sur le commerce des armes, qui permettrait de bloquer une vente d’armements s’il existe un risque sérieux qu’ils soient utilisés pour commettre de graves violations des droits humains. »

Par ailleurs, à l’IDEX, un exposant de Corée du Sud propose des bombes à sous-munitions – arme par essence inhumaine. À ce jour, 111 États ont signé, ratifié ou adhéré à un traité international interdisant ce type d’armes.

Or, on a pu constater leur utilisation lors de récents conflits. Des bombes à sous-munitions fabriquées en Russie et en Espagne ont été photographiées en 2011 en Libye. Les recherches d’Amnesty International ont montré que les forces de Kadhafi en ont utilisé contre des quartiers d’habitation en Libye et que les forces gouvernementales syriennes y ont recouru en Syrie en 2012.

« Il est inconcevable que des armes interdites au niveau international comme les bombes à sous-munitions, qui mutilent des enfants bien après la fin des conflits, soient encore commercialisées lors d’un salon international de cette envergure », s’est indigné Brian Wood.

Amnesty International demande aux entreprises qui fabriquent ou fournissent ces armes non discriminantes par nature de stopper immédiatement leur production et de les retirer du marché. Elle invite tous les États à adhérer à la Convention internationale sur les armes à sous-munitions, qui prohibe leur utilisation, leur production, leur transfert et leur stockage.

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