Communiqué de presse

Le Mexique devient une « zone interdite » pour les migrants, cinq ans après un massacre qui reste non élucidé

L’absence d’enquête efficace sur le massacre de 72 migrants au Mexique il y a cinq ans donne le feu vert à des groupes criminels qui terrorisent et tuent des gens qui passent par le pays pour chercher la sécurité et une vie meilleure, a déclaré Amnesty International.

Le 22 août 2010, les cadavres de 58 hommes et 14 femmes venant d’Amérique centrale et du Sud ont été trouvés entassés dans un ranch de San Fernando, à Tamaulipas, près de la frontière du Mexique avec le Texas. Depuis, les autorités ont procédé à un certain nombre d’arrestations, mais n’ont publié aucune information relative à des condamnations éventuelles.

Les responsables sont soupçonnés d’appartenir à des gangs, dont beaucoup opéreraient en collusion avec les agences de sécurité locales.

« Le massacre de San Fernando brosse un tableau effrayant de la situation des droits humains au Mexique, où être un migrant semble suffire pour que des criminels vous harcèlent, vous torturent et vous tuent  », a déclaré Caroline Jiménez, directrice adjointe de la recherche sur les Amériques à Amnesty International.

« Dans le contexte de la "guerre à la drogue" au Mexique, de nombreux itinéraires permettant aux migrants d’atteindre les États-Unis sont devenus des zones interdites. La liste sans fin des atteintes aux droits humains et des abus contre les personnes en déplacement au cours des dernières années montrent le besoin urgent d’un plan à l’échelle régionale pour protéger ceux qui entreprennent l’un des voyages les plus dangereux du monde pour trouver une vie meilleure, à l’abri de la pauvreté et de la violence. »

On ne sait que très peu de choses sur les dernières heures des 72 personnes abattues de sang-froid à San Fernando. Les seules informations viennent de l’unique survivant du massacre, qui dit avoir reçu des menaces de mort.

Eva Nohemi Hernández Murillo, une femme du Honduras âgée de 25 ans, était l’une des victimes de San Fernando. Elle voyageait vers les États-Unis dans l’espoir d’améliorer l’existence de ses trois jeunes enfants, qui se trouvaient au Honduras.

Eva Nohemi a parlé pour la dernière fois au téléphone à sa mère, Elida Yolanda, deux heures avant qu’un groupe d’hommes armés intercepte la fourgonnette dans laquelle elle voyageait avec d’autres migrants.

« Je n’ai appris la nouvelle que deux jours après le massacre, à la télévision. J’ai vu un corps qui ressemblait à celui d’Eva Nohemi, mais ne pouvait pas croire que c’était elle, jusqu’à ce que le gouvernement le confirme, quatre ans plus tard », a déclaré Elida Yolanda.

« Je veux qu’une enquête révèle ce qui est arrivé à ma fille. Je ne veux plus voir de gens mourir ».

Les enquêtes menées jusqu’à présent ont été insuffisantes et caractérisées par une absence de coordination entre les autorités locales et fédérales, qui n’informaient pas non plus les proches. Il y a eu des retards dans l’identification des victimes. Les dépouilles de certaines d’entre elles ont parfois été envoyées aux mauvaises familles.

Les autorités n’ont pas non plus protégé les proches des personnes tuées, alors que beaucoup ont reçu des menaces dans leur recherche de justice.

Depuis le massacre de San Fernando, des centaines d’autres personnes, hommes, femmes et enfants, qui tentent d’atteindre les États-Unis par le Mexique ont été menacées, enlevées, violées, forcées de se prostituer, assassinées ou ont disparu.

Entre avril et mai 2011, les autorités mexicaines ont découvert 193 corps dans plus de 47 charniers de San Fernando. Là encore, des enquêtes efficaces s’imposent.

Un an plus tard, 49 torses, dont on pense que plusieurs appartenaient à des migrants irréguliers, ont été trouvés dans la ville de Cadereyta, dans l’État voisin de Nuevo León.

« Combien d’autres migrants devront-ils être assassinés au Mexique avant que les autorités n’agissent ? Il n’y a pas de temps à perdre, le gouvernement mexicain doit redoubler d’efforts pour enquêter sur ces massacres et traduire les responsables présumés en justice, fournir aux parents des réparations intégrales et prendre des mesures pour empêcher de nouveaux homicides », a déclaré Caroline Jiménez.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit