Communiqué de presse

Le nombre d’inculpations s’accroît tandis que l’Égypte durcit sa répression contre la liberté d’expression et la dissidence

Les charges retenues mercredi 3 avril contre un comédien pour « diffamation de la religion » s’inscrivent dans le cadre d’un accroissement très inquiétant du harcèlement judiciaire et des arrestations à caractère politique, a déclaré Amnesty International.

Dans le cadre d’une répression accrue de la liberté d’expression, 33 personnes au moins ont été prises pour cibles au cours des deux dernières semaines, en étant notamment arrêtées et inculpées.

Les charges pénales retenues contre certaines de ces personnes semblent forgées de toutes pièces ou fondées sur des motifs politiques. D’autres sont inculpées d’« outrage au président » ou de « diffamation de la religion » pour des actes qui ne devraient pas constituer des infractions, puisqu’ils ressortissent de l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression.

« Des gens sont arrêtés et inculpés pour le simple fait d’avoir dit quelques blagues. C’est le signe alarmant que le gouvernement se montre de plus en plus intolérant envers toute critique, quelle qu’elle soit, a estimé Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Rien ne semble indiquer que cette campagne de harcèlement judiciaire va prendre fin. Le gouvernement redouble d’efforts pour écraser la liberté d’expression. »

Parmi les personnes prises pour cibles figurent Bassem Youssef, l’un des satiristes politiques les plus connus en Égypte, des opposants, des blogueurs et une figure de l’opposition.

Le 3 avril, l’humoriste Ali Qandil a été interrogé dans le bureau du procureur pour des accusations de « diffamation de la religion », en raison de propos qu’il a tenus lors de son passage dans l’émission télévisée satirique de Bassem Youssef. Ali Qandil a nié avoir insulté l’islam, expliquant qu’il s’était moqué de l’exploitation de la religion et non de la religion elle-même. Il a été libéré sous caution.

D’autres ont été inquiétés pour des crimes présumés qui ont eu lieu il y a des mois, voire plus d’une année dans l’un de ces cas. La plupart ont été libérés sous caution mais continueront de faire l’objet d’investigations.

« Le gouvernement tente de museler la liberté d’expression, alors qu’il devrait protéger la dissidence pacifique et la participation politique qui lui ont permis d’accéder au pouvoir », a estimé Ann Harrison.

Les actes d’inculpation :

Bassem Youssef : humoriste et satiriste égyptien et animateur de l’émission satirique Al Bernameg.

Il s’est présenté volontairement le 31 mars après qu’un mandat d’arrêt a été décerné à son encontre et a été libéré contre une caution de 15 000 livres égyptiennes (environ 1 700 euros).

Les charges : divers chefs d’inculpation, notamment « outrage au président » et « diffamation de la religion ». Les investigations sont en cours.

L’infraction : dans son émission, Bassem Youssef se moque fréquemment des autorités égyptiennes et de l’exploitation de la religion à des fins politiques. Récemment, il a tourné en dérision le choix du couvre-chef du président Mohammed Morsi lors d’une cérémonie universitaire de remise des diplômes au Pakistan et sa piètre maîtrise de l’anglais.

Ali Qandil : humoriste.

Il s’est présenté pour interrogatoire le 3 avril, après qu’un mandat d’arrêt a été décerné à son encontre. Il a été libéré sous caution après avoir été interrogé.

Les charges : diffamation de la religion. L’enquête est en cours.

L’infraction : Ali Qandil a participé à l’émission de Bassem Youssef et a tourné en dérision la manière dont certains pratiquent la religion en Égypte, en prenant comme exemples les prières du vendredi et l’appel à la prière.

Hamdi Al Fakharany : ancien parlementaire et opposant bien connu de Mahalla.

Connu pour avoir dénoncé la corruption sous le régime de l’ancien président Hosni Moubarak et pour ses querelles politiques avec les Frères musulmans, Hamdi Al Fakharany a été arrêté le 26 mars et détenu au secret pendant 36 heures. Il a été libéré contre une caution de 50 000 livres égyptiennes (environ 5 700 euros).

Les charges : incitation à la violence contre les Frères musulmans lors des manifestations commémorant le deuxième anniversaire de la « Révolution du 25 janvier » à Mahalla, durant lesquelles les manifestants ont critiqué le président et le parti au pouvoir.

L’infraction : Amnesty International craint que l’affaire visant Hamdi Al Fakharany ne soit motivée par des considérations politiques et n’a eu connaissance d’aucun élément prouvant qu’il a recouru à la violence ou prôné son usage. En outre, aucune enquête n’a été menée sur la plainte déposée par Hamdi Al Fakharany. Il affirme avoir été roué de coups par des partisans du président lors de manifestations dénonçant la Déclaration constitutionnelle en novembre 2012.

Ahmed Anwar : blogueur vidéo.

Des policiers se sont rendus chez lui pour l’interpeller le 17 mars. Il doit être jugé le 4 mai.

Les charges : « outrage au ministère de l’Intérieur ».

L’infraction : avoir posté en ligne une vidéo qui tourne en dérision des policiers, appartenant au « ministère des danseuses du ventre », qui remettent une récompense à une actrice. Cette vidéo comique, sur laquelle on peut voir des policiers en train de danser, dénonce les brutalités policières et l’impunité pour les atteintes aux droits humains. La vidéo a été postée sur son blog il y a plus d’un an, en mars 2012.

Les militants du Caire

Des procédures judiciaires ont été ouvertes contre 12 personnes, qui doivent comparaître devant le tribunal le 9 mai. Parmi les accusés figurent l’éminent militant et blogueur Alaa Abdel Fattah, sa sœur Mona Seif Al Islam, à l’origine de la campagne « Non aux procès militaires », et Ahmed Abdallah, l’un des membres dirigeants du Mouvement des jeunes du 6 avril.

Les charges : les charges sont liées à l’incendie du siège de l’ancien candidat à l’élection présidentielle Ahmed Shafiq en mai 2012.Ahmed Shafiq a déjà retiré publiquement sa plainte concernant cet incendie. Alaa Abdel Fattah et quatre autres militants de l’opposition sont également inculpés de chefs en lien avec les manifestations devant le siège des Frères musulmans au Caire le 22 mars.

L’infraction : Amnesty International craint que les charges retenues ne soient fondées sur des motivations politiques en raison de leurs activités militantes au sein de l’opposition.

Les militants d’Alexandrie

L’avocate et opposante renommée Mahinour Masri, ainsi que 12 autres personnes, ont été arrêtées le 29 mars dans le cadre d’un sit-in organisé par des avocats devant un poste de police d’Alexandrie. Elles ont été relâchées le lendemain, mais l’enquête est en cours.

Les charges : insulte envers des employés du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, insulte envers des représentants des autorités, et tentative d’effraction dans un poste de police.

L’infraction : Amnesty International estime que l’arrestation de Mahinour Masri et les charges retenues contre elle sont forgées de toutes pièces et fondées sur des motifs politiques, en raison de ses activités d’opposante politique, et de son travail visant à dévoiler les violations des droits humains et défendre les victimes.

Photo : © Alaa Abdel Fattah, AFP/Getty

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