Communiqué de presse

Le Qatar doit prendre des mesures pour mettre fin à la torture et aux autres formes de mauvais traitements

Amnesty International a demandé au gouvernement qatarien, mercredi 28 novembre 2012, de donner suite sans plus attendre aux observations émises le 23 novembre par le Comité des Nations unies contre la torture (le Comité) concernant la mise en œuvre par le Qatar de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention).

Les autorités qatariennes doivent saisir l’occasion qui leur est donnée de montrer qu’elles prennent au sérieux les conclusions et les recommandations du Comité. Amnesty International se fait l’écho des demandes formulées par le Comité dans ses observations finales et exhorte le Qatar à respecter les obligations qui lui incombent au titre de la Convention. Il faudrait qu’elles commencent par appliquer la recommandation principale du Comité, à savoir « prendre des mesures efficaces pour garantir que tous les détenus, y compris ceux qui n’ont pas la nationalité qatarienne, bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales prévues par la loi, dès le début de leur détention, notamment du droit de consulter sans délai un avocat indépendant, d’être examinés par un médecin de leur choix, de contacter leurs proches et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales ». Une telle démarche pourrait contribuer à limiter le risque que les détenus soient victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, pratiques sur lesquelles Amnesty International a rassemblé des informations.

Amnesty International a exprimé ses préoccupations concernant le fait que, au titre de la Loi relative à la protection de la société, des personnes peuvent être maintenues en détention sans inculpation ni jugement pendant des périodes pouvant aller jusqu’à six mois, sur ordre du ministre de l’Intérieur agissant sur recommandation du directeur général de la Sécurité publique. La détention peut ensuite être prolongée jusqu’à deux ans, à la discrétion du premier Ministre. La Loi contre le terrorisme prévoit également la possibilité de prolonger la durée de détention sans inculpation ni jugement. En revanche, ces lois ne prévoient aucune disposition pour que les détenus puissent s’entretenir avec leur famille ou leur avocat, ce qui dans les faits revient à autoriser les détentions au secret. De telles lois sont de nature à favoriser la torture et d’autres formes de mauvais traitements.

Le Comité s’est lui aussi déclaré vivement préoccupé par ces lois et a demandé au Qatar de « faire en sorte que toutes les garanties fondamentales soient accordées, dans la loi comme dans la pratique, à toutes les personnes privées de liberté. Ces garanties comprennent, notamment, la possibilité d’avoir accès à des recours judiciaires et autres permettant aux détenus de bénéficier rapidement d’un examen impartial de leur plainte, et de contester la légalité de leur détention ou de leur traitement. »

La Loi relative à la protection de la société ne contient aucune disposition permettant aux détenus de prendre contact avec leurs proches ou leurs avocats. Depuis 2006, une douzaine de personnes incarcérées au titre de cette loi ont été détenues au secret durant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans inculpation ni jugement. La Loi contre le terrorisme ne prévoit pas non plus que les détenus puissent s’entretenir avec leur famille ou leur avocat, autorisant de fait les détentions au secret.

Le Comité a appelé le Qatar à « examiner le recours à la détention au secret en vue de mettre fin à cette pratique et de garantir que la détention à l’isolement reste une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, conformément aux normes internationales ». Le Comité a en outre demandé au Qatar de modifier la Loi relative à la protection de la société et la Loi contre le terrorisme afin de les mettre en conformité avec la Convention.

Amnesty International est préoccupée par les allégations qui continuent à faire état de torture et d’autres formes de traitements ou de châtiments cruels, inhumains et dégradants, par le manque de garanties suffisantes dans la législation qatarienne pour protéger les détenus contre ces actes ainsi que par l’absence de mécanismes appropriés qui permettraient de garantir que des enquêtes indépendantes soient rapidement menées sur les allégations de torture ou d’autres mauvais traitements, et que les victimes puissent bénéficier de recours ou de réparations adéquats.

Amnesty International a reçu des informations concernant une douzaine de cas de torture ou d’autres mauvais traitements infligés à des détenus pendant la période couverte par le rapport soumis au Comité par le gouvernement qatarien (2004-2009) et après cette période. Les méthodes de torture et autres mauvais traitements signalés à l’organisation incluent notamment les coups, les suspensions pendant plusieurs heures, la privation de sommeil, la détention à l’isolement dans des cellules étroites pendant des semaines voire des mois, l’obligation de rester debout des heures durant, l’obligation de dormir à même le sol, l’interdiction d’utiliser des produits de toilette de base comme du savon et l’exposition à une climatisation excessive pendant de longues périodes. Certains détenus ont fait l’objet de menaces susceptibles de constituer des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

Comme l’a recommandé le Comité, le gouvernement qatarien doit en particulier garantir que toutes les allégations de torture et d’autres mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies par des organes indépendants, sans qu’il n’existe de liens institutionnels ou hiérarchiques entre les enquêteurs et les responsables présumés appartenant aux forces de police.

Amnesty International se félicite de ce que le Qatar a récemment proposé de modifier la définition de la torture figurant dans le Code pénal afin de la mettre en conformité avec l’article 1 de la Convention.

Cependant, d’autres articles du Code pénal et du Code de procédure pénale qui se rapportent à l’interdiction et à la pénalisation d’actes pouvant constituer des actes de torture ou d’autres mauvais traitements suscitent l’inquiétude en raison de leur formulation vague qui, de fait, les rend non conformes aux exigences énoncées à l’article 1 de la Convention. L’article 40 du Code de procédure pénale, par exemple, interdit le fait d’infliger des « souffrances physiques et mentales » sans définir clairement le sens de ces termes ni comment ils doivent être interprétés dans la pratique. De la même façon, les articles 160 et 161 du Code pénal prévoient des sanctions pour les représentants des forces de l’ordre qui se rendent coupables d’actes de « cruauté » ou de « brutalité », sans toutefois définir ces termes.

Amnesty International est également préoccupée par le fait que des châtiments corporels continuent d’être infligés, et que des dizaines de personnes ont été condamnées à des peines de flagellation (entre 40 et 100 coups de fouet) depuis 2004, dont au moins 45 entre 2004 et 2011. Le Comité a appelé le Qatar à « mettre fin à cette pratique, qui constitue une violation de la Convention » et à modifier sa législation en conséquence.

Le Comité s’inquiète de ce que le Qatar cherche à maintenir une réserve vague et extrêmement large aux articles 1 et 16 de la Convention, leurs dispositions étant incompatibles avec les préceptes de la loi et de la religion islamiques. Amnesty International craint que le maintien de cette réserve puisse être lié aux dispositions sur le châtiment corporel contenues dans l’article 1 du Code pénal qatarien. L’organisation demande au Qatar de retirer sa réserve afin de garantir le respect des exigences de la Convention.
Le Comité a également déploré que le « Qatar continue d’être une destination pour les hommes et les femmes victimes de travaux forcés et de prostitution forcée ». Le Comité s’est en outre déclaré préoccupé par les informations faisant état d’un recours généralisé à la torture et à d’autres mauvais traitements envers les travailleurs migrants, en particulier dans le cadre du système de parrainage, et de l’existence d’obstacles pour les travailleurs qui souhaitent porter plainte contre leurs employeurs ; ses inquiétudes portent également sur le manque d’information concernant les affaires dans lesquelles les garants ont été sanctionnés pour avoir infligé de tels actes à des travailleurs migrants. Le Comité a engagé le Qatar à « garantir la mise en place systématique de procédures permettant d’identifier les victimes de traite parmi les groupes vulnérables, notamment les personnes arrêtées pour prostitution ou pour des infractions à la législation sur l’immigration, et de veiller à ce que les victimes soient protégées et aient accès à des soins médicaux et à des services sociaux, juridiques et de réhabilitation, y compris à des services d’aide psychologique, le cas échéant. » Le Comité a également demandé au Qatar de « redoubler d’efforts afin d’instaurer, sur son territoire, un cadre juridique visant à protéger les travailleurs migrants, notamment les employées de maison, contre les actes de torture et autres formes de mauvais traitements, et à garantir leur accès à la justice. » À cet égard, le Comité a exhorté le Qatar à « adopter de toute urgence une législation du travail couvrant le travail domestique et protégeant les employés de maison migrants contre l’exploitation, les mauvais traitements et autres sévices », et à « envisager d’abolir le système de parrainage pour tous les travailleurs migrants. »

Complément d’information

Le Comité de l’ONU contre la torture est l’organe d’experts mis sur pied par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants afin de veiller à son application par les États. Il se compose de 10 membres indépendants et impartiaux, élus par les États parties au traité. Les gouvernements doivent soumettre des rapports périodiques au Comité, qui émet ensuite des recommandations destinées à les aider à mieux appliquer le traité.
Amnesty International a remis un document d’information au Comité le 12 octobre 2012, disponible (en anglais) ici

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit