Communiqué de presse

Le Royaume-Uni est tenu de maintenir le moratoire sur les transferts de détenus vers l’Afghanistan

Le 2 novembre 2012, la Haute Cour de justice de l’Angleterre et du Pays de Galles a ordonné au gouvernement britannique de maintenir un moratoire sur les transferts de détenus aux forces de sécurité afghanes, en raison du risque de torture ou d’autres mauvais traitements qui existe en Afghanistan.
Cette décision est liée à l’affaire Serdar Mohammed, un citoyen afghan qui a été arrêté par les forces britanniques en Afghanistan en 2010 et qui a par la suite été livré à la Direction nationale de la sécurité (NDS), le service de renseignement afghan. Cet homme affirme avoir été torturé lorsqu’il se trouvait aux mains de la NDS, et avoir subi un procès d’une iniquité flagrante.
Ses avocats ont porté plainte contre le gouvernement britannique concernant la légalité de ce transfert. En mai 2012, le Royaume-Uni a en conséquence imposé un moratoire sur les transferts de détenus aux autorités afghanes.

La décision de justice provisoire du 2 novembre prolonge ce moratoire au moins jusqu’au 27 novembre 2012, date à laquelle l’affaire sera examinée de façon exhaustive. En octobre 2012, le gouvernement britannique a informé les avocats de Serdar Mohammed que les transferts reprendraient avant cette audience, ce qui les a poussés à demander une prolongation du moratoire, qui a donc été accordée aux termes de la décision du 2 novembre.
Nous saluons la décision de la Haute Cour, bien qu’elle ne fasse que rappeler les dispositions du droit international, étant donné que bon nombre de détenus en Afghanistan risquent encore réellement de subir des actes de torture.

Le gouvernement britannique affirme que la NDS traite mieux ces personnes à l’heure actuelle, mais Amnesty International n’a constaté aucun changement systématique dans la manière d’agir de la NDS, notamment en termes de prévention de la torture.

L’organisation continue de recevoir des informations faisant état de détenus battus ou soumis à d’autres formes de torture par des agents de la NDS dans certaines provinces du pays. De plus, les allégations de torture ne donnent presque jamais lieu à une quelconque enquête, ce qui favorise le recours à la torture ; les responsables de ces agissements ne sont pas tenus de rendre des comptes.

Le gouvernement britannique a déclaré avoir obtenu de l’Afghanistan l’« assurance diplomatique » que les détenus transférés par le Royaume-Uni ne seraient pas soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements. Amnesty International s’oppose à ce que les États se reposent sur ces assurances. De telles promesses de traitement humain sont de fait sujettes à caution.
Les assurances diplomatiques ne constituent pas une garantie fiable contre la torture et les autres mauvais traitements. C’est d’autant plus le cas dans cette affaire, l’assurance diplomatique ayant été fournie, semble-t-il, par Assadullah Khalid, directeur actuel de la NDS. Cet homme aurait été impliqué dans des actes de torture lorsqu’il occupait le poste de gouverneur des provinces de Ghazni et de Kandahar. Aucune enquête n’a été menée sur ces allégations, ce qui incite à se demander comment quiconque pourrait croire en ces assurances dans de telles circonstances.

D’après les pièces du dossier, le gouvernement britannique a dissimulé certains éléments dans l’affaire Serdar Mohammed, en invoquant la non-divulgation dans l’intérêt public ou en ayant, semble-t-il, fortement modifié des documents. Amnesty International craint que des informations liées à des atteintes aux droits humains ne fassent partie de ces éléments.
L’organisation craint également que le gouvernement britannique n’ait cherché à dissimuler des informations relatives à de possibles violations des droits humains, y compris des actes de torture, commises par les forces de sécurité afghanes. Les éléments liés à de graves atteintes aux droits fondamentaux ou au droit humanitaire international ne devraient jamais être cachés aux victimes ou au grand public, y compris pour des raisons de sécurité nationale.

Cette affaire et les transferts de détenus en général suscitent également un grand intérêt au Danemark depuis que ce pays a décidé de reprendre les transferts en octobre dernier.

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