Le sang coule à Bab Qebli : témoignage sur la répression violente qui se poursuit à Hama, en Syrie

Peu après le petit déjeuner, Khaled al Hamedh a quitté son domicile pour acheter des médicaments pour son petit frère de quatre ans, qui avait de la fièvre.

Il n’est jamais rentré.

Quelques heures plus tard, ses proches l’ont accompagné pour qu’il repose en paix dans le jardin de la mosquée al Serjaoui toute proche – il avait été blessé par balle dans le dos et son corps avait été écrasé par un char.

Au moment où cet ouvrier du bâtiment de 21 ans est sorti dans le quartier de Bab Qebli, à Hama, dans la matinée du dimanche 31 juillet, les forces de sécurité syriennes entraient dans la ville avec des chars et pilonnaient des quartiers résidentiels.

La scène n’est que trop familière désormais dans les villes syriennes, alors que les autorités s’efforcent depuis des mois d’anéantir les manifestations majoritairement pacifiques appelant une réforme gouvernementale.

Khaled al Hamedh avait terminé son service militaire en janvier, quelques mois avant de se retrouver face à des chars dans les rues de sa ville natale.

« Toutes les pharmacies avaient fermé en raison des opérations de sécurité, alors Khaled al Hamedh est parti à pied pour l’hôpital d’al Hikmeh, dans la rue principale de la ville, à cinq minutes », a rapporté un témoin à Amnesty International.

Il n’est jamais arrivé jusqu’à l’hôpital.

« Quelques minutes après qu’il ait quitté son domicile, des tirs ont retenti dans le quartier. Des membres de sa famille se sont précipités pour le rattraper, mais ils ont pris peur en voyant les chars manœuvrer dans la rue principale et sont rapidement rentrés », a expliqué ce témoin.

Des passants leur ont plus tard raconté comment Khaled était mort :

« On lui a tiré dans le dos alors qu’il tentait de traverser la rue pour atteindre l’hôpital.

« Il s’est effondré, mais personne n’a pu aller le chercher, car les chars étaient tout proches. C’est alors qu’un char lui a délibérément roulé dessus à plusieurs reprises. »

Ce n’est que lorsque les chars se sont retirés que les passants ont pu s’approcher et emmener le cadavre de Khaled à l’hôpital.

« Les amis de Khaled ont appelé son père pour lui apprendre que son fils était blessé, a raconté le témoin. »

« Ils n’ont pas voulu lui infliger un trop grand choc. Il s’est précipité à l’hôpital, à la recherche de son fils, mais n’a pas pu le trouver parmi les blessés. Il a découvert son cadavre à la morgue. »

Avant que Khaled al Hamedh ne soit enterré, son corps a été ramené chez lui, afin que sa famille puisse lui faire ses adieux.

Bien que son corps ait été écrasé, son visage était intact, ne laissant rien paraître de la mort violente qu’il a endurée.

« Il était innocent », a ajouté le témoin.

« Il n’avait rien fait de mal et n’avait blessé personne. C’était un jeune homme très poli et très doux. »

Dimanche 31 juillet après-midi, Khaled a été enterré, en compagnie de deux autres hommes, dans le jardin de la mosquée al Serjaoui. Comme les affrontements se poursuivaient, les personnes assistant aux obsèques n’ont pas pu se rendre au cimetière, situé à la périphérie de la ville, pour enterrer leurs proches, et il a fallu creuser les tombes à la hâte pour échapper aux tirs nourris.

Lundi 1er août, 10 autres personnes auraient été tuées, dont une jeune fille de 17 ans qui a été enterrée sur le même site, après avoir été abattue chez elle. Selon des habitants du quartier, elle venait de se marier et avait un enfant.

L’armée a poursuivi avec la même intensité son offensive contre Hama.

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