Si la Déclaration finale des chefs d’État et de gouvernement du G20 présente certains aspects positifs, Amnesty International déplore qu’elle ne mentionne pas la nécessité de garantir que les plans d’action urgente envisagés soient conformes aux obligations internationales relatives aux droits humains qui incombent aux États, pas plus que la nécessité de prendre en compte les questions de genre.
Bien que la Déclaration engage les États du G20 à partager entre eux les informations de façon transparente et rapide et reconnaisse la nécessité d’une communication publique responsable, elle ne fait pas référence au respect du droit à l’information, ni à la nécessité de contrer la stigmatisation et les atteintes aux droits humains à l’égard de certaines communautés ou de personnes marginalisées.
En outre, les États du G20 n’ont pas fait preuve d’un leadership mondial unifié en ordonnant la libération des personnes placées en détention uniquement pour des motifs liés à la migration, motifs qui selon Amnesty International ne peuvent être justifiés de manière générale pendant une crise sanitaire mondiale telle que le COVID-19. De même, ils n’ont pas ordonné en concertation la libération des personnes placées en détention provisoire, lorsqu’aucune raison particulière ne justifie leur maintien en détention, ni l’examen exhaustif en vue d’accorder une libération conditionnelle aux détenus particulièrement exposés au risque de graves complications s’ils contractent le COVID-19 – notamment les personnes âgées ou celles qui souffrent de certaines maladies préexistantes, par exemple un système immunitaire affaibli.
Autre aspect inquiétant, le risque de corruption, étant donné le niveau très élevé de dépenses envisagé. La Déclaration ne mentionne pas la nécessité d’intensifier les mesures de lutte contre la corruption afin de s’assurer que les fonds alloués servent bien des objectifs de santé publique.
Par ailleurs, nous déplorons qu’elle ne mentionne pas que la mise en place d’une aide économique, ou de plans de relance, doit être corrélée à l’urgence qui impose de réduire rapidement les gaz à effet de serre et à l’impératif d’une transition juste vers une économie zéro carbone.
Amnesty International engage tous les États ayant participé au sommet du G20 de 2020 à placer les droits humains au cœur de leurs politiques lorsqu’ils vont au cours des prochaines semaines élaborer des plans d’action urgente. En résumé, le G20 doit exercer un leadership mondial et doit :
• s’engager publiquement à ce que tous les plans d’action soient pleinement conformes au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière ;
• veiller à ce que tous les plans d’action soient élaborés en intégrant pleinement la dimension de genre et la budgétisation des questions de genre, et englobent des mesures visant à atténuer le risque accru de violences fondées sur le genre en maintenant l’accès à des services de soutien et de protection aux personnes à risque et l’accès à des services de santé en matière de sexualité et de procréation. C’est primordial pour les mesures urgentes telles que l’accès à la contraception, y compris la contraception d’urgence, l’avortement, les soins après un avortement ou une fausse couche, et les garanties permettant de fournir des soins maternels en toute sécurité ;
• concrétiser, de toute urgence et en envisageant tous les dispositifs financiers possibles, les engagements financiers souscrits pour mettre en œuvre les réponses internationales à la pandémie, ainsi que l’aide financière aux pays les moins riches. Cette aide doit être allouée à la protection sanitaire de tous, y compris des plus marginalisés, et s’accompagner de mesures fortes de lutte contre la corruption susceptible de se traduire par des atteintes aux droits humains ;
• faire en sorte que tous les plans, notamment les plans de relance économique, convergent avec l’urgence d’une économie zéro carbone passant par une transition juste et axée sur les droits humains, et n’exacerbent pas la crise climatique ;
• garantir le droit à la santé pour tous, dont l’accès à des soins de prévention et à des traitements de qualité et abordables, notamment pour les personnes les plus à risque ou les moins en mesure de se prémunir parce qu’elles vivent dans la pauvreté, n’ont pas de logement ou vivent et travaillent dans des environnements qui les exposent davantage au risque de contracter le virus. Il faut notamment veiller à ce que les personnes incarcérées ou détenues de toute autre façon reçoivent une aide médicale et des soins de santé aussi rapidement et de même qualité que ceux disponibles dans la société, y compris lorsqu’il s’agit de prévenir et traiter le COVID-19, et, avec leur consentement, bénéficient de tests de dépistage gratuits ;
• assurer une sécurité sociale – indemnités maladie, soins de santé et congé parental entre autres – et une aide économique ciblée à tous les membres de la société, y compris aux personnes non-ressortissantes et migrantes, à celles qui occupent des formes d’emploi précaire et travaillent dans le secteur informel, qui sont les plus touchées par les mesures de contrôle adoptées jusqu’à présent ;
• prévoir de toute urgence des abris en nombre suffisant pour les sans-abris et les mal-logés, notamment dans les camps de réfugiés surpeuplés, pour qu’ils puissent s’isoler si besoin, leur fournir l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires, et veiller à ce que personne ne soit expulsé et ainsi exposé à un risque accru de contracter le virus ;
• veiller à ce que toutes les restrictions supplémentaires imposées aux droits humains pour faire face au COVID-19, dans le cadre ou non d’états d’urgence, s’inscrivent dans les limites fixées par le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière ; elles doivent être fixées par la loi et appliquées conformément à la loi, nécessaires et proportionnées, limitées dans le temps, et ne doivent pas servir à réprimer les défenseur·e·s des droits humains ni d’autres membres de la société civile ;
• garantir l’accès à l’information, notamment pour les habitants des zones rurales, où les taux d’alphabétisation sont souvent faibles et l’accès aux soins de santé fortement limité, prendre des mesures afin de contrer la désinformation sur le virus susceptible de causer des préjudices et protéger les communautés marginalisées contre la stigmatisation ;
• libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion, car ils n’auraient en fait jamais dû être incarcérés et leur maintien en détention bafoue leurs droits, comme les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s des droits des femmes, entre autres incarcérés en Arabie saoudite, qui assume la présidence du G20 de 2020 ; il s’agit notamment de Waleed Abu al Khair, Loujain al Hathloul, Raif Badawi, Samar Badawi et Naseema al Sada ;
• libérer, lorsque cela est possible, les détenu·e·s en attente de leur procès et les plus vulnérables face au COVID-19, notamment ceux qui sont âgés ou souffrent de problèmes de santé préexistants et adopter, lorsque cela est possible, des mesures non privatives de liberté pour les mineur·e·s et les personnes accusées ou reconnues coupables d’infractions non violentes, en vue de réduire la population carcérale et de prévenir la propagation.