Les aides humanitaires sont bloquées de façon illégale

Les restrictions à la distribution d’une aide vitale aux civils au Yémen exacerbent la crise humanitaire dans ce pays et mettent des vies en danger, a déclaré Amnesty International, appelant toutes les parties au conflit à laisser librement passer les organisations fournissant des produits de première nécessité.

Une délégation de l’organisation s’est rendue dans des zones du Yémen contrôlées par les Houthis en mai 2016 et a parlé à 11 organisations humanitaires locales et internationales, qui ont décrit des restrictions illégales de l’aide humanitaire, imputées aux Houthis comme aux forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. L’organisation demande que la levée des obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire se voie accorder la priorité la plus élevée dans le cadre des négociations de paix ayant eu lieu au Koweït ces derniers jours.

« Les obstacles bloquant illégalement la distribution de l’aide humanitaire au Yémen causent de terribles souffrances, et font fi des besoins essentiels de personnes durant un conflit actif. Il est absolument impératif que les négociateurs mettent l’accent sur cette question et prennent des mesures pour garantir que l’aide parvienne à ceux et celles qui en ont le plus besoin, et pour faire en sorte que les travailleurs humanitaires et leurs organisations ne soient pas pris pour cibles ou harcelés », a déclaré Lama Fakih, conseillère auprès d’Amnesty International pour les situations de crise.

« Toutes les parties au conflit armé sont tenues d’autoriser et de faciliter le passage en toute sécurité d’une aide humanitaire impartiale destinée aux civils qui en ont besoin. Le blocage de cette aide est une violation du droit international humanitaire. Il faut permettre que l’aide humanitaire puisse librement parvenir jusqu’à tous ceux et celles qui ont désespérément besoin de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires au Yémen, et les parties au conflit doivent laisser les personnels humanitaires faire leur travail sans ingérence ni obstruction. »

Durant la période ayant suivi la fête de l’Aïd el Fitr, au début du mois, et jusqu’à la reprise des négociations de paix le 15 juillet, les frappes aériennes et les affrontements au sol dans diverses zones du pays se sont de nouveau intensifiées, ce qui a mené à de nouveaux déplacements de population et à une aggravation de la situation, où la moitié des enfants yéménites souffrent de malnutrition chronique et moins d’un sur 10 d’entre eux atteignent l’âge de cinq ans.

Les travailleurs humanitaires ayant parlé à Amnesty International ont systématiquement décrit des obstacles improvisés et illégaux empêchant la distribution de l’aide humanitaire dans le pays. Ceux-ci incluent des procédures de désescalade du conflit trop lourdes pour les organisations humanitaires, mises en place par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, qui impliquent d’informer la coalition de tous leurs déplacements et de fournir les coordonnées de leurs opérations de sorte qu’elles ne soient pas prises pour cible.

D’autres obstacles identifiés incluent les menaces, les actes d’intimidation et les freins aux activités des travailleurs humanitaires, l’ingérence des services de sécurité des Houthis dans les opérations humanitaires, la fermeture forcée de programmes humanitaires, les restrictions excessives et arbitraires de l’entrée et de la circulation des biens et des personnels dans le pays, et les interventions ayant pour but de compromettre l’indépendance des opérations humanitaires.

La coalition manque à son devoir de protection des personnels et opérations humanitaires

Les travailleurs humanitaires au Yémen se trouvent quotidiennement confrontés à une multitude de menaces et de risques, des combats en cours aux restes explosifs de guerre, lorsqu’ils essaient de se rendre auprès de certaines des populations dans le besoin. Leurs difficultés sont amplifiées par le manque de réactivité et de coopération de la coalition, ce qui constitue un obstacle inutile, qui est à la fois coûteux et chronophage, et retarde la distribution d’une aide cruciale.

« Les organisations humanitaires ont déjà du mal à faire face aux destructions d’infrastructures et aux conditions de travail dangereuses, et il est absurde que l’acheminement de l’aide dépende des règles improvisées de la coalition - des vies humaines sont en jeu  », a déclaré Lama Fakih.

La coalition dirigée par l’Arabie saoudite exige qu’on lui communique des cartes très détaillées et de nombreuses informations sur les personnels et les véhicules. Ces exigences mobilisent beaucoup de temps et de ressources. Par conséquent, certaines organisations non gouvernementales ne sont pas en mesure de fournir ces informations ou s’en abstiennent, ce qui expose leurs personnels et leurs équipements à un risque élevé.

« Il incombe à la coalition de ne pas prendre pour cibles des civils ou biens de caractère civil, notamment les travailleurs et fournitures humanitaires. Les travailleurs humanitaires devraient pouvoir se déplacer librement afin d’apporter une aide indépendante aux personnes prises au milieu de ce conflit sanglant au Yémen. La coalition et les Houthis doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour favoriser les opérations humanitaires - pas pour les entraver », a déclaré Lama Fakih.

Quand les Houthis harcèlent des travailleurs humanitaires

Des représentants d’organisations humanitaires ont également signalé avoir été menacés verbalement ou physiquement, arrêtés et interrogés par divers comités houthis et entités affiliés aux Houthis. Dans certains cas, des travailleurs humanitaires ont été arrêtés ou menacés d’une arme, et des organisations ont été forcées à suspendre des activités sur le terrain si elles refusaient de satisfaire des demandes déraisonnables telles que le fait que donner le nom des bénéficiaires.

Restrictions bureaucratiques

Des démarches administratives étouffantes imposées par les ministères contrôlés par les Houthis ralentissent par ailleurs le processus de distribution de l’aide humanitaire. Par exemple, le ministère de la Planification a demandé à des organisations humanitaires de soumettre leurs projets de déplacement pour une période de trois mois, ce qui peut être extrêmement difficile dans le contexte explosif d’un conflit armé, où les projets peuvent changer d’un moment à l’autre.

Les autorités houthis de facto ont aussi imposé un certain nombre de restrictions concernant les travailleurs humanitaires internationaux, leur refusant l’accès au pays de manière arbitraire ou retardant la délivrance de leurs visas et imposant aux personnels nationaux et internationaux l’obligation d’obtenir des permis onéreux pour les déplacements internes. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, en février, le ministère de l’Intérieur à Sanaa s’est opposé à trois différentes missions de l’ONU de Sanaa à Ibb et Taizz - 79 % de la population à Taizz, la troisième ville du pays, a besoin d’une aide humanitaire.

Atteintes à l’indépendance des opérations humanitaires

Dans certains cas, les autorités locales houthis, dont le ministère de la Planification, ont suspendu et parfois abandonné l’évaluation des besoins et le suivi des programmes humanitaires. Elles ont également essayé d’influencer qui les organisations humanitaires emploient ou à qui elles distribuent de l’aide. Cela est contraire aux principes humanitaires fondamentaux que sont l’indépendance et l’impartialité, ainsi qu’aux meilleures pratiques acceptées sur le plan international. Cela empêche aussi de mettre en place des opérations humanitaires efficaces, de leur planification à leur réalisation.

Le plan de réponse humanitaire à la crise au Yémen nécessite 1,8 milliard de dollars, mais à la fin juin seuls 25 % des financements avaient été recueillis.

« Le Yémen est confronté à une crise humanitaire et les financements destinés aux organisations humanitaires sont cruciaux. Il est impératif que des évaluations adéquates des besoins soient effectuées sans ingérence », a déclaré Lama Fakih.

En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties au conflit doivent respecter la liberté de mouvement des travailleurs humanitaires, et les protéger contre les attaques, le harcèlement et la détention arbitraire. Elles doivent aussi garantir une distribution rapide et libre d’une aide humanitaire impartiale aux civils en ayant besoin.

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