Les autorités doivent protéger les victimes de violences sexuelles au Cambodge, où les viols seraient en augmentation

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI - 8 mars 2010

Au Cambodge, les victimes de viol n’ont qu’un accès limité à la justice ainsi qu’aux services de santé et d’accompagnement psychologique, a déclaré Amnesty International dans un rapport rendu public ce lundi 8 mars 2010, alors que les viols de femmes et de jeunes filles semblent en augmentation dans ce pays.

Dans ce document intitulé Breaking the silence : Sexual violence in Cambodia, publié à l’occasion de la Journée internationale de la femme, Amnesty International montre que la corruption et la discrimination au sein des services de police et de l’appareil judiciaire empêchent les victimes de viol d’obtenir justice et de bénéficier de l’aide qui leur est nécessaire, tandis que la plupart des auteurs demeurent impunis.

« Des dizaines de victimes nous ont dit avoir été rackettées, ignorées ou avoir vu leur parole mise en doute par des fonctionnaires dont le rôle devrait être de les aider et de protéger leurs droits, a déclaré Donna Guest, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Trop de femmes violées voient s’ajouter au traumatisme initial des violences subies l’épreuve que constituent les difficultés rencontrées dans leur quête de justice et de prise en charge médicale ».

Les recherches d’Amnesty International ont fait apparaître que les travailleuses du sexe et les femmes pauvres avaient le plus grand mal à obtenir justice et à bénéficier de soins médicaux. Elles ne sont pas en mesure de verser les pots-de-vin souvent exigés, entre autres, par la police, ni de payer les services d’un avocat ou d’un médecin.

Le rapport comprend 30 entretiens avec des femmes et des jeunes filles âgées de 10 à 40 ans. La famille de Mony, une adolescente de 19 ans présentant des difficultés d’apprentissage, a expliqué que la police avait refusé d’enregistrer sa plainte lorsque la jeune fille avait été violée, à la fin de l’année 2009.

« La police ne travaille que si on a de l’argent, si on peut payer. Avec environ 100 000 riels [environ 17 euros], on aurait peut-être pu obtenir une arrestation, mais nous n’avons pas cet argent », a déclaré son père.

Il a ajouté que Mony vivait constamment dans la peur de son violeur, toujours en liberté. La famille avait également des difficultés à payer les médicaments dont la jeune fille avait besoin, ainsi que les frais de transport pour se rendre au tribunal et au poste de police.

Au sein de la société cambodgienne, comme dans de nombreuses autres, la discrimination liée au genre est profondément enracinée. Les victimes d’agression sexuelle sont stigmatisées, tandis que les agresseurs restent le plus souvent en liberté. Lorsqu’ils font l’objet de sanctions, celles-ci restent limitées.

« Étant donné le manque de soutien de la société envers les victimes, il est essentiel que le gouvernement rompe le silence et condamne publiquement les violences sexuelles, pour montrer qu’il ne saurait tolérer des crimes aussi graves et qu’il reconnaît la souffrance des victimes », a déclaré Donna Guest.

Un nouveau Code pénal devant entrer en vigueur fin 2010, Amnesty International demande aux autorités cambodgiennes de prendre des dispositions pour lutter fermement contre le comportement inadapté des responsables de l’application des lois, les règlements extrajudiciaires, la faiblesse des poursuites et la corruption généralisée dans les affaires de violences sexuelles présumées.

Amnesty International a également exhorté les autorités à former et à équiper la police, à employer des femmes policiers et à allouer aux services de police des budgets suffisants pour qu’ils puissent enquêter sur les violences sexuelles présumées avec la rapidité, le professionnalisme et le tact requis.

D’après des statistiques émanant de la police et d’ONG, les viols sont en augmentation au Cambodge. Toutefois, l’ampleur du phénomène est masquée par le manque de suivi ainsi que la transmission et la coordination limitées des données.

Les autorités devraient être en mesure d’obtenir des chiffres précis sur lesquels fonder leur politique et leurs plans d’action.

« Le Cambodge a réalisé des avancées importantes dans la lutte contre la discrimination liée au genre, en mettant l’accent sur la violence au sein de la famille et la traite des êtres humains. Il est temps que le gouvernement ajoute la violence sexuelle à l’égard des femmes à ces catégories pour ne plus se soustraire aux obligations qui sont les siennes aux termes de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes », a déclaré Donna Guest.

Ce rapport de 60 pages présente des recherches approfondies et des recommandations pour inverser la tendance à la hausse de la violence sexuelle à l’égard des femmes. Il s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International intitulée Halte à la violence contre les femmes.

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